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Jean-Baptiste Deschamps

Jean-Baptiste Deschamps (1804-1866)

(Extrait de l’article suivant : Courtois Jean-Émile. En 1840, le pharmacien Deschamps décrit, à Avallon, les propriétés enzymatiques de la présure. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 74ᵉ année, n°269, 1986. pp. 159-167.)

 

Jean-Baptiste Deschamps était le fils de Victor-Joseph Deschamps, originaire d’Harfleur, qui d’abord pharmacien militaire aux armées de Sambre-et-Meuse et du Rhin. En 1799, ce dernier acquit dans la Grande-Rue d’Avallon la pharmacie de Boyer. L’année suivante, il s’unit à Geneviève-Julie Roche, fille d’un bourgeois avallonnais. Leur premier fils, né en 1802, sera prénommé Jean-Baptiste et mourra en bas âge. Comme il était fréquent dans cette partie de la Bourgogne, le prénom du défunt sera maintenu à un puiné et le 10 mars 1804 va naître à Avallon un second Jean-Baptiste Deschamps, celui qui réalisera le travail sur la présure.

Il est probable qu’Alphonse Bouchardat et Victor Deschamps étaient parmi les pharmaciens des armées du Directoire, sorte de vacataires auxquels le premier consul refusa la qualité de militaires gradés. Ils furent licenciés sous le Consulat. Napoléon a toujours marqué un certain mépris pour le Service de Santé : un blessé mutilé n’était pas récupérable comme combattant viril ! Il nous a été impossible de trouver des informations sur la carrière militaire des deux pharmaciens, qui entretinrent à Avallon des relations confraternelles excellentes, en sorte qu’une amitié lia dès l’enfance Apollinaire Bouchardat et Jean-Baptiste Deschamps et durera toute leur vie.

Apollinaire préfacera le Compendium de pharmacie de Jean-Baptiste. Voici de quels termes il qualifie Victor Deschamps, chez lequel il fit une partie de son stage : « J.-B. Deschamps est né dans la ville où j’ai été élevé, son père était un pharmacien modèle ». Plus loin il dit de Jean-Baptiste : « Il se rendit à Paris, il fit un long stage dans les meilleures pharmacies. Il en est une, celle du Béral, où il dut véritablement se perfectionner, car, à cette époque, c’était bien sous tous les rapports l’officine modèle. Le maître et l’élève se comprirent vite, aussi restèrent-ils unis par la plus étroite communauté d’affection et d’idées». Jean-Baptiste s’y lia avec un autre élève, Collas, qui collabora avec lui et participera à la publication posthume du Compendium.

C’est donc avec un bagage scientifique sérieux que Jean-Baptiste rentre à Avallon prendre la succession de son père. Selon Apollinaire Bouchardat dans sa préface du Compendium, il sera à Avallon « un pharmacien accompli dans toute l’acceptation du mot. Son temps, qu’il savait méthodiquement diviser et merveilleusement employer, était partagé entre les soins minutieux de la clientèle et les recherches du ressort de la pharmacie ».

Citons quelques aspects de son activité pendant qu’il exerçait à Avallon. En 1842, il publie un ouvrage sur les saccharolés liquides. Il procède à de nombreuses analyses des vins du vignoble avallonnais, qui sera fortement éprouvé par le phylloxera. Il se montre un peu chauvin pour sa patrie bourguignonne. Il considère que la poix de Bourgogne est la meilleure. Sur le vin, bornons-nous à citer son opinion sans commentaire : « Les vins de Bourgogne sont beaucoup plus suaves et beaucoup plus digestifs que les vins de Bordeaux sont froids et difficiles à digérer ». Aussi conseille-t-il d’utiliser les vins de Bourgogne pour préparer les vins médicinaux, alors fort en vogue et maintenant en très net déclin. Depuis 1842, les plants de vigne ont changé, les procédés de vinification se sont améliorés et il n’y a pas lieu d’ouvrir une polémique au sujet des remarques de Deschamps, qui témoignent d’un patriotisme local que l’auteur de cet article apprécie.

Deschamps va cependant quitter sa chère Bourgogne : ses travaux lui ont valu une notoriété qui provoque sa nomination en 1 846 comme pharmacien-chef de l’Hôpital psychiatrique de Charenton. Dès son arrivée dans la région parisienne, il est élu en 1846 à la Société de Pharmacie de Paris, future Académie Nationale de Pharmacie. Il en était déjà membre correspondant et en sera secrétaire annuel en 1848.

Pharmacien d’un important hôpital, il s’occupe de problèmes d’hygiène et sera nommé membre de la Commission d’hygiène publique et salubrité de l’arrondissement de Sceaux, dont Charenton faisait partie. Il s’intéresse principalement à la pharmacie galénique et propose de nombreuses formules de préparations. En 1854, il publie un ouvrage sur l’art de formuler. Il reste un chimiste et en 1859 ce seront deux volumes d’un Manuel pratique d’analyse chimique dédié à Pelouze. Cette accumulation de données incitera Deschamps à grouper l’ensemble dans son Compendium de pharmacie dont il eut le malheur de ne pas voir la parution.

Malade, il se retira à Avallon avec son épouse, née Adélaïde Guiard, fille aînée d’un avoué d’Avallon. L’acte de décès de Jean-Baptiste, en date du 14 juin 1866 à Avallon, mentionne ses deux beaux-frères : Eugène Raynaud, professeur de musique, et Charles Poulin, docteur en médecine, tous deux résidant à Avallon. Le Compendium qu’auront à terminer son fils, ainsi que le pharmacien Thierry, son successeur, parut l’année suivante. C’est une véritable encyclopédie englobant l’ensemble des sciences pharmaceutiques avec des sujets à la périphérie. C’est ainsi que dans les premiers chapitres on trouve dix pages avec figures sur les Ammonites, fossiles répandus dans les sols de l’Auxois et de l’Avallonnais. Deschamps, selon l’abbé A. Parât (13), était collectionneur de fossiles locaux. Il découvrit même la térébratule (Tere- bratula Deschampii) dans l’arkose coquillère des environs d’Avallon. Même dans ce domaine, Deschamps reste pharmacien et décrit dans son Compendium des formules de solutions de résines pour conserver les fossiles friables.

Le Compendium fut édité aux frais de son ami Collas, son ami depuis le stage. Il fut tiré à 3 300 exemplaires. On peut se demander pourquoi il ne connut pas plus de succès. C’était l’époque où se succédaient les éditions de la célèbre Officine ou Répertoire général de Pharmacie Pratique par François Dorvault. Cet ouvrage était d’une consultation plus aisée que le volumineux Compendium paru après la mort de son auteur. Mais le Compendium demeure un ouvrage que les historiens de la pharmacie consulteront toujours avec grand intérêt.

A notre connaissance, il n’existe qu’une seule biographie de Jean-Baptiste Deschamps. Elle parut longtemps après sa mort et fut rédigée par le grand archéologue du Sud de l’Yonne, l’abbé Parât, qui réalisa un travail de prospection archéologique fondamental. Il était très proche de la pharmacie : en 1863-1865, il fut élève-stagiaire chez son frère, pharmacien à Paris, mais il entra alors au séminaire. Dans sa publication, il décrit en termes élogieux la profession pharmaceutique et nous reprenons son texte pour terminer : « Des renseignements furent demandés à son fils Joseph. J.-B. Deschamps était une autorité et un guide dans sa profession ; il méritait d’être connu de ses compatriotes ».

Bibliographie

(1) Foltmann (B.). — Prochymosin and Chymosin. In : S.P. Colowick et N. P. Kaplan,

Methods in Enzymology Proteolytic enzymes, New York, Academic Press, 1970, vol. XIX, p. 421.

(2) Byla (P.) et Delaunay (R.). — Les produits biologiques médicinaux. Paris, Gittler,

1912.

(3) Layman (P. L.). — Chemical News, 12 sept. 1983, p. 11-13.

(4) Deschamps — De la présure./. Pharm. et Sciences accessoires, 1840, 26, p. 412-420.

(5) Fleury (P.) et Courtois (J.). — Les diastases. Paris, A. Colin, 1948.

(6) Courtois (J.-E.) et Perles (R.). — Précis de chimie biologique. Paris, Masson, 1. 1,

1964, p. 2-7.

(7) Deschamps. — Compendium de pharmacie pratique. Guide du pharmacien établi

et de l’élève en cours d’études. Paris, Germer Baillière, 1868.

(8) Tartat (P.). — Variétés bourguignonnes. Dijon, Bernigaud et Privât, 1955.

(9) Cheymol (J.). — Apollinaire Bouchardat (1806-1866). Compte rendu Séance

que annuelle Acad. Pharm., 5 janv. 1977, p. 48-69.

(10) Deschamps d’Avallon. — Traité des saccarolés liquides et des méliblés avec quelques formules officinales et magistrales modifiées. Paris, Fortin, Masson et Cie, 1842.

(11) Deschamps d’Avallon. — L’art de formuler. Paris, Germer Baillière, 1854.

(12) Deschamps d’Avallon. — Manuel pratique d’analyses chimiques. Paris, Baillière, 1859.

(13) Parât (Abbé A.). — Un pharmacien avallonnais, Jean-Baptiste Deschamps. Bull. Soc. Études d’Avallon, 1910, et extrait de 17 pages par l’auteur, 1912, Avallon, Impr. Paul Grand.

 

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