Histoire des formes galéniques : Formes pharmaceutiques usage externe

 

 Histoire des formes galéniques (8)

6° groupe : « les formes pharmaceutiques employées pour l’usage externe à base de corps gras, glycérine, cire …  »

     
 

Ce groupe comprend des formes à base de corps gras : Huiles (Huiles médicinales) et axonges (pommades médicinales). Il comprend également les produits à base de corps gras et de résines tels que les onguents et les emplâtres résineux, les produits à base de corps gras saponifiés, tels que savons et emplâtres proprement dits, les médicaments à base de glycérine, et finalement les cérats, à base de cire et d’huile.

 Pommades, cérats, onguents et baumes.


Les crèmes dermiques
Album de galénique pittoresque
Dessin de Jean-Paul Ladril, Editions Pariente, 1996
 


Remplisseuse de tubes semi-automatiques
 Arthur Colton (USA) 1920
   


Publicité pour la Dermanose de Lecuyer
Les Annales, 1923
 

Si l’usage de ces noms a varié au cours des siècles, la différence réelle entre ces différentes formes à usage externe est ténue et variable selon les auteurs.

Sous le nom de pommade, on désigne aujourd’hui toute une série de préparations pharmaceutiques contenant des produits divers, mais toutes de consistance molle et destinées à l’usage externe. Mais ce fut loin d’être le cas tout au long de l’histoire de la pharmacie

   


Machine à fermer les tubes Arthur Colton (USA) 1920
   

Le mot de pommade, dans son origine, n’a été donné qu’à des médicaments de bonne odeur destinés à la toilette, et dans lesquels on faisait souvent entrer des pommes. On les obtenait effectivement en triturant des pommes avec tel ou tel produit actif, mais cette façon de faire fut initialement abandonnée ou plutôt réservée aux remèdes de bonne femme auxquels fut conservé le nom de pommades, tandis que les vrais remèdes étaient alors qualifiés d’onguents, cérats, etc.

Les onguents à base de pomme sont assez rares. On en trouve un chez Renou (Unguentum pomatum) et chez Charas (1676). Un produit portant le même nom est donné par Bauderon, mais il en supprime les pommes, car celles-ci rendent le produit trop humide et se corrompant facilement. Cette forme pharmaceutique a été d’un usage fréquent dans l’Antiquité, au Moyen Âge et à la Renaissance.

 

Le chirurgien Ambroise Paré avait souvent recours à cette forme de médicament pour traiter les blessures par arquebuse. Au XVIIe et XVIIIe siècles, leur emploi a été très répandu. C’était l’époque des remèdes secrets : l’onguent de la Mère, celui du P. le Clerc, la pommade Collet, celle de la veuve Farnier et celle du Régent, l’onguent de Canet, sont parmi les plus célèbres à cette époque.

C’est d’après leur consistance que Baumé différencie cérats, liniments, onguents et pommades. Il explique que dans la composition de plusieurs de celles-ci entrent des pommes, d’où leurs noms. Mais, sur les cinq pommades étudiées, une seule possède cette caractéristique.

   


Pot droit couvert (Bordeaux)
 Couvercle aplati et prise plate, à décor polychrome de rameaux de fleurs rondes stylisées, de cœur orange et de pétales bleus, aux deux feuilles à crochets encadrant le cartouche, inspiré de Delft, qui comporte un demi cercle sur sa partie supérieure, utilisé pour noter la forme galénique.(XVIIIe siècle, manufacture de Boyer).
 


Machine linéaire à remplir et fermer les tubes Arthur Colton (1920)
   

Au XIXe siècle, le terme pommade est utilisé couramment : « Les pommades diffèrent essentiellement des onguents en ce qu’elles ne contiennent pas de matières résineuses ou qu’elles n’en contiennent que fort peu », indique Soubeiran en 1837.

On distinguait les pommades par simple mélange et les pommades par combinaisons chimiques. Ces dernières donnaient lieu à des réactions chimiques au cours de la préparation.

C’était le cas de la « pommade oxigénée », mélange d’axonge et d’acide nitrique, où ce dernier réagissait sur la graisse en augmentant sa consistance.

 

Les cérats, les pommades et les onguents sont tous destinés à l’usage externe et ont en commun d’avoir comme base une matière grasse. Les cérats et oléocérats sont formés d’huile et de cire, tandis que les pommades, parfois désignées sous le nom de graisses médicamenteuses, sont généralement composées de graisses animales. Les onguents, quant à eux, étaient caractérisés par leur consistance plus ferme et la présence de résine. Mais ces distinctions, nous dit Soubeiran, sont plus conventionnelles que rigoureuses.
   


Pots droits couverts XIXe siècle
 


Machine rotative à remplir et fermer les tubes Arthur Colton (1920)
   

Les cérats (ou eloeocérolés) « sont des médicaments externes formés d’huile et de cire, et quelquefois de blanc de baleine, dont la consistance, toujours molle, varie suivant les proportions dans les quelles on unit les corps gras précédents.

Ils admettent souvent, dans leur composition, des liquides, des extraits, des sels, des poudres, etc. » nous indique Soubeiran. Ils différaient des pommades et des onguents « car ceux-ci ont pour base des résines, et celles-là des graisses », nous dit Dorvault en 1844.

Il existait de nombreuses formules de cérats dont la plus célèbre était le cérat de Galien, à base d’huile d’amandes douces, d’eau de rose et de cire blanche. On trouve très peu de formules de cérats chez Charas, mais plus d’une trentaine chez Lémery, chiffre qui restera le même chez Dorvault au XIXe et au XXe siècle.

 

Les onguents (du latin unguentum = parfum liquide ou ungere = oindre) et les baumes. « On nomme onguents des pommades de corps gras et résineux, dans lesquelles on ne fait pas entrer de substances métalliques en combinaison. On emploi souvent indifféremment les expressions de baumes et onguents.

Cette dernière, dans sa véritable acception, devrait être réservée pour les médicaments destinés à oindre la peau. Le mot baume serait réservé pour les pommades résineuses destinées à être appliquées sur des parties entamées ou près de l’être »(Soubeiran).

 

   


A. Baumé.
Elements de Pharmacie théorique et pratique,
1790, 6° édition
 


A. Baumé.
Elements de Pharmacie théorique et pratique,
1790, 6° édition
 

C’est peut-être dans les baumes, pommades, onguents et cérats que l’on retrouve le plus l’influence de l’Antiquité. Les onguents étaient très utilisés du temps de l’Egypte antique.

On trouve, par exemple, dans le Papyrus Ebers, toute une série d’onguents protecteurs pour les maladies de la tête, comme celui-ci (Eb 248) : « Remède pour chasser l’action divine qui est dans la tête : pulpe de plante-djaret (1) ; partie-khese de l’arbre-ima (1) ; natron (1) ; chefchefet (1) ; apête d’un poisson-combattant, cuite (1) ; poisson-decheron, cuit ; crâne de synodonte, cuit (1) ; miel (1) ; onguent-iber (1) : enduire la tête avec (cela), quatre jours de suite ». ou encore :

« Remède pour la migraine (littéralement les maux qui sont dans un côté de la tête) (Eb 250) : crâne de silure, frit dans la graisse/huile. Enduire la tête avec (cela), quatre jours de suite ».

 

 

Pot Nevers, XVIIIes.? fermé par un couvercle de peau. Inscription: Vng. Neapolitanum= Onguent napolitain simple
Photo Bzoura 2009

   

Quel que soit le nom sous lequel on pouvait se les procurer, les onguents ont été longtemps très utilisés. Rarement leur composition était simple, plus souvent assez complexe.

La palme revient à l’Unguentum Martiatum de la Pharmacopoea Lugdunensis avec 63 composants que Lémery réduisit à 40 : on avait là une vraie thériaque à usage externe.

     

Ouvrage GORIS, 1942
 Les baumes

Publicité pour le Baume Joly

Catalogue Cooper, 1930

Longtemps la préparation des baumes restera l’apanage des religieux et souvent ils se couvrent commercialement d’un nom de saint. La Renaissance en fit un usage immodéré : il n’était de maladie qui ne fût tributaire d’un baume. Ambroise Paré en avait inventé un qui guérissait spécialement les blessures d’arquebuse.

Parmi ceux qui furent en honneur du XVIe au XVIIIe siècle, on peut citer le Baume d’Acier, préparé en attaquant des aiguilles par de l’acide nitrique et en adoucissant la liqueur au moyen d’huile d’olive et d’alcool ; le Baume du Père Antonin, anti-hystérique, composé d’aloès, d’assa foetida et d’opium ; le Baume de Salomon, aphrodisiaque ; le Baume divin, dit aussi Baume du Chevalier de Laborde, qui n’était autre que de la Thériaque à laquelle on ajoutait du safran, des racines de scorsonère, d’angélique et de benjoin : il était souverain contre les gerçures du sein chez les nourrices ; la Baume Tranquille, dû au R.P capucin Aignan, médecin du Prince de Condé. On le fabriquait en jetant cinq crapauds vivants dans l’huile bouillante et il était recommandé pour les maux d’oreilles.

   

 


A. Baumé.
Elements de Pharmacie théorique et pratique,
1790, 6° édition
   
Affiche publicitaire pour le Topique des Chartreux
(Marcellin Auzolle, 1900)
La Santé s’affiche, Thérabel Group, 2003
 


Affiche publicitaire pour le Baume SADI
(Eugène Vavasseur, c. 1890)
La Santé s’affiche, Thérabel Group, 2003
   

On peut encore citer l’Onguent Canet, la Pommade du Régent, le Baume Opodeldoch dont on attribue la formule à Paracelse, et le fameux Baume du Commandeur de Pernes qui guérissait brûlures, lumbago et crampes d’estomac. Ce dernier avait été inventé par le Chevalier de Malte, Gaspard de Pernes, reçu dans l’Ordre le 1° décembre 1650. Il appartenait à une très vieille famille française. D’après leurs statuts, les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, devenus les Chevaliers de Rhodes (1310) puis les Chevaliers de Malte (1530) devaient soigner les malades (surtout les lépreux) sans distinction de croyance. Il était donc assez naturel pour l’époque qu’un Chevalier de Malte invente un baume pour les plaies.

Mais ce baume était aussi recommandé pour la colique, la goutte, le mal des dents, les hémorroïdes… Sa formule sera largement et régulièrement modifiée au cours des siècles comme on peut le voir chez Pomet, Baumé, Guibourt, ou dans les Codes officiel. Il sera aussi connu sous des noms divers comme par exemple sous le nom de « Baume de la Miséricorde »

 


A. Baumé.
Elements de Pharmacie théorique et pratique,
1790, 6° édition
   


Publicité GOY pour le Baume des Jeunes filles,
vers 1910
 

Emplâtres et écussons, cataplasmes, liniments

 


Boite pour l’Autoplasme Vaillant (avant)
   


Boite pour l’Autoplasme Vaillant (arrière)
 

On peut considérer les emplâtres comme la continuité des onguents. Ils s’en distinguent par la consistance. La température du corps, nous dit Soubeiran, les ramollit sans les faire couler, et ils conservent la forme qu’on leur a donnée. On les divisait habituellement en deux formes distinctes : les onguents solides et onguents emplâtres, qui contiennent davantage de matières solides que les onguents ; la deuxième forme comprend ceux dont la base est un savon de plomb. Soubeiran (1837) nous indique que beaucoup de pharmacologistes n’appliquent le terme d’emplâtres qu’à ces derniers. Ils peuvent être préparés sans eau (« emplâtres brûlés ») ou avec de l’eau (« emplâtres non brûlés »). A son époque, Soubeiran indique qu’il n’existait plus qu’un seul emplâtre brûlé : l’onguent de la mère. Son nom vient de la mère Thècle, religieuse de l’Hôtel-Dieu à Paris, qui l’avait inventé comme suppuratif.

   

Emplâtre de cantharides (emplâtre vésicatoire), Pharmacopée française 1837
 


Publicité pour la Dermanose Lecuyer (Les Annales, 1923)
 

Les écussons étaient appliqués également sur la peau. Soubeiran le définissait de la façon suivante : « On appelle écussons ou plus ordinairement emplâtre un médicament destiné à être appliqué sur quelque partie du corps, et qui se compose d’une couche plus ou moins épaisse de matière médicamenteuse, appliquée sur un morceau de peau blanche, de taffetas, de toile ou de papier ».

Les constituants de ces écussons pouvaient être très variables : il pouvait s’agir d’onguent, d’électuaires, d’extraits, de résines, d’emplâtres proprement dits, etc. La consistance pouvait être variable. Baumé ajoutait que cette forme pharmaceutique tire son nom de la forme qu’on leur donne. On les applique, dit-il, à l’extérieur, sur l’estomac et sur le cœur.

Quant à Dupuy, il précise qu’on désigne vulgairement les écussons sous le nom impropre d’emplâtres. « On appelle épithèmes, les écussons préparés avec des électuaires. On appelle mouches, les écussons préparés avec la masse de Milan ou l’extrait d’opium. » 

 

L’histoire des emplâtres remonte à la plus haute Antiquité où seul ce terme est utilisé (du grec émplattein), et pas encore concurrencé par le mot cataplasme.

L’emplâtre de figue est mentionné déjà dans la Bible (Second livre des Rois, XX). Au premier siècle avant Jésus Christ, Héras de Cappadoce aurait inventé l’emplastrum cephalicum contre les maux de tête, composé de poudres végétales, de gomme et de résines, et qui connut une longue et brillante carrière.

Plus tard, Ménécrates, médecin de Tibère, élaborait la formule de l’emplastrum diachylon, devenu par la suite emplastrum lithargyri, et Scribonius Largus, médecin de Claude, découvrait l’emplastrum tetrapharmacon qui contient, comme son nom l’indique, quatre ingrédients : cire, résine, poix et graisse. On l’attribue aussi à Galien sous le nom d’emplâtre royal. Le même Galien aurait inventé l’emplâtre dit de centaurée, contenant du miel de centaurée et du lait de femme. On le réservait spécialement pour les plaies de la tête.

   

Emplâtre Diachylon gommé,
 Pharmacopée française 1837
 


A. Baumé.
Elements de Pharmacie théorique et pratique,
1790, 6° édition
   

Le légendaire Mésué (inventé, semble-t-il, de toute pièce par Léon l’Africain vers 1500), aurait inventé le diaphenicum, à base de dattes.

Il est aussi le père plus ou moins authentique de nombreux emplâtres comme Emplastrum diachylum album scu simplex, bien que décrit aussi par Sérapion et Avicenne avant lui : il était composé d’huile, de litharge et du mucilage de racines de guimauve, de graines de lin  et de fenugrec.

Il était bon pour raffermir les chairs, ramollir les tumeurs ; mais son efficacité n’était pas comparable à celle du Diachylum magnum dans lequel entraient 16 substances.

 


Publicité pour l’emplâtre du Dr ANGEAU
Catalogue Cooper, 1930
   

On trouve également associé à Mésué l’emplastrum tripharmacum (litharge, vinaigre, huile vieille), l’emplastrum de meliloto (2’ ingrédients), l’emplastrum de baccis lauri (sans corps gras), etc.

L’Ecole de Salerne au XIIe siècle s’illustre dans ce domaine avec Nicolas de Salerme (vers 1160), à qui l’on doit le Petit antidotaire et le Quid pro quo. On trouve dans l’antidotaire qui lui est attribué plusieurs formules d’emplâtres : L’emplâtre apostolicum, l’emplâtre de ceroène et l’emplâtre oxycroceum, au safran.

 


A. Baumé.
Elements de Pharmacie théorique et pratique,
1790, 6° édition
   

 Dorvault explique, dans l’Officine, que l’emplâtre de ceroène fut, avant la révolution, vendu avec un succès extraordinaire, par les religieuses Maramionnes de Paris. Il en donne la formule :

            Huile de petits chiens       12

Cire jaune                                       6

Poix blanche                                 12

Litharge                                          1

Céruse                                            1       

m.s.a.

A la Renaissance, les médecins prescrivent l’opodeldoch, de formule complexe, qui comprend de la litharge d’or, de la pierre calaminaire, de la racine d’aristoloche ronde, et de nombreuses gommes et résines. Au début du XVIIIe siècle, cet emplâtre disparaît pour laisser la place au baume du même nom.

     

C’est un médecin du pape Jules II, Jean Vigo, qui a lancé l’emplastrum de ranis, connu sous le nom d’emplâtre de Vigo.

Il était à base de grenouilles et Vigo l’utilisait contre la syphilis. Sous Louis XIV est apparu l’emplâtre manus Dei dont Charas montre la popularité. Ce dernier cite aussi l’emplâtre magnétique de Sala, à base d’ammoniaque et de térébenthine ; l’arsénical qui consacre le triomphe de l’antimoine, et le vulgo contra rupturam, emplâtre pour la hernie.

La Pharmacopée universelle de Lémery (1738) contient plus de cent formules d’emplâtres. On y voit pour la première fois l’emplâtre vésicatoire. Baumé, quant à lui, se contente de répéter les formules de ses prédécesseurs, mais il différencie ceux qui contenaient un sel de plomb des autres. L’emplâtre disparaît avec l’apothicaire. Au XIXe siècle, on ne parle quasiment plus que de cataplasmes, de révulsifs, de sinapismes.

   


A. Baumé.
Elements de Pharmacie théorique et pratique,
1790, 6° édition
 

Cataplasmes

 

 Les cataplasmes sont des médicaments composés externes. Ils étaient composés de pulpes, poudres, farines et de différents liquides et pouvaient être appliqués à plusieurs endroits du corps.

On distinguait classiquement les sinapismes (faits avec de la moutarde), les épicarpes (destinés à être appliqués sur les poignets), et les suppédanes (pour la plante des pieds).

Si les sinapismes étaient sans doute les plus connus, on préparait au XIXe siècle un cataplasme de mie de pain, le cataplasme narcotique, le cataplasme de quinquina et de camphre et bien d’autres.

L’un des sinapismes les plus célèbres est sans doute le sinapisme Rigollot inventé par Jean-Paul Rigollot.

 

Emplâtre de moutarde (Sinapisme),
Pharmacopée française 1837

 

 

Ce dernier, né à Saint-Etienne en 1810, fut reçu pharmacien vers 1834. C’est vers 1866-1867 qu’il inventa le « papier sinapisme » chez Menier, produit qui fut présenté à l’Exposition Universelle (1867).

La même année, il présenta son invention à l’Académie de Médecine. Cependant, Rigollot est-il comme on le dit le véritable inventeur de la moutarde en feuilles ?

Ce n’est en tout cas pas l’avis de Pierre Vigier (1887) qui lui voit deux précurseurs : Huraut et Boggio.

   

Cataplasme maturatif,
Pharmacopée française 1837
 

Cataplasme calmant,
Pharmacopée française 1837
 

 C’est Huraut, pharmacien à Paris, qui a trouvé « qu’en privant la farine de moutarde, soit par la presse, soit par le sulfure de carbone des 28% environ d’huile fixe qu’elle contient, cette farine se conserve presque indéfiniment et prend une activité prodigieuse.

Boggio, pharmacien à Paris, frappé de la petite quantité de moutarde sèche qu’il fallait pour obtenir un révulsif énergique, résolut de tirer partie de cette précieuse propriété.


Dessin : Impressions de ménage :  le cataplasme partagé
Estampe de Paul Gavarni, XIXe s
 

Il couvrit une feuille de papier d’une solution très concentrée de gomme, il la saupoudra d’une forte couche de farine de moutarde privée d’huile et très sèche ; il fit passer cette feuille au laminoir pour égaliser la surface et compléter l’adhérence, il la recouvrit enfin d’une mousseline très claire destinée à retenir la moutarde qui se séparait du papier, dès que la gomme se trouvait en présence de l’eau.

Boggio, dit Vigier, est donc le véritable inventeur du papier-moutarde ; son sinapisme n’est pas parfait, c’est vrai, mais il était facile à perfectionner, c’est ce qu’a parfaitement compris M. Rigollot, et il a cherché dans les vernis hydrofuges, si communs dans l’industrie, le vernis nécessaire à la bonne confection du sinapisme ».

 

 

Les formes pharmaceutiques à base de glycérine (glycérés) :

 


Faience de Bordeaux vers 1775
Onguent de Nicotiame
Photo Bzoura 2009
   


Faience de Bordeaux vers 1775
Onguent Ponpholix
Photo Bzoura 2009
 

Les préparations pharmaceutiques ayant pour base la glycérine ont été introduites par Paul-Antoine Gratacap (dit Cap, 1788-1877, pharmacien à Lyon puis à Paris), dans la pratique médicale, en 1853. Il les divisait en deux grandes classes : les glycérolés, faits avec de la glycérine seule, et les glycérats, faits avec un mélange de glycérine et d’amidon, ayant la consistance de l’empois.
 

Quelques exemples de Glycérolés (Dorvault, L’Officine, 1875)

 

 Les savons :

Les savons sont le résultat de la combinaison d’oxydes métalliques avec les acides gras. Le savon est connu depuis l’Antiquité et c’est en Gaulle qu’on retrouve les premières recettes de fabrication. Les Romains connaissaient l’art de sa fabrication puisqu’on a découvert dans les ruines de Pompei un atelier complet de savonnerie.
 
« C’est donc à tord, conclut Dorvault en 1844 que quelques auteurs donnent pour origine au mot savon celui de Savone, nom d’une ville de l’Etat de Gênes, où la femme d’un patron de barque, ayant jeté par hasard une lessive de soude dans un pot qui contenait de l’huile, aurait par cet heureux hasard fait la découverte de cette précieuse combinaison ». 

   


Publicité pour la savon Nobacter
Catalogue Cooper, 1930
 

Presse à Savons de Savy, Jeanjean et Cie (1910)

   

Le savon fut en tout cas peu utilisé jusqu’au XIVe siècle. (Le premier savonnier marseillais apparaît en 1371).

Il est mentionné par Charas, et Lémery fait un développement important de ce sujet dans sa Pharmacopée (édition 1766) sous le nom de sapo.

Il vante le savon d’Alicant (« le premier et le meilleur de tous »), le savon de Carthagène, le savon de Marseille… et recommande son usage pour ses propriétés fébrifuges, si l’on en frotte la plante des pieds.

Il évoque également deux plantes : le sapindus ou Savonnier, dont l’écorce du fruit produit le même effet que le savon, et la saponaria (saponaire), « parce que cette plante nettoie et emporte les taches de la peau, comme le ferait le savon ».

 

Dorvault, dans son édition de 1844, donne la formule de nombreux savons qui peuvent, pour certains, être administré par voie orale : le savon amygdalin (ou savon médicinal) qui était indiqué pour ses propriétés de fondant et de diurétique ; le savon de ciguë (ou saponure de ciguë de Béral) ; le savon de gayac (à base de résine de gayac) ; le savon d’huile de croton tiglium ; le savon d’huile de foie de morue (de Deschamps) ; le savon mercuriel de Chaussier, etc.

Toutes ces formules et d’autres se retrouvent dans l’Officine de Dorvault, dans son édition de 1945.

   


Savon de cigüe. L’Officine de Dorvault, 1844
 

 

Machine à remplir les tubes de pommade de FROGERAIS, 1910

 

   La lanoline : un excipient essentiel pour cette catégorie de formes pharmaceutiques. La lanoline, extrait du suint de la laine de mouton, a été connue depuis l’Antiquité. On la trouve mentionnée dans les œuvres d’Ovide, d’Hérodote, de Pline et d’Aristophane.

Sous le nom d’oesypum, elle figure dans la pharmacopée florentine de 1560 et dans celle de Cologne de 1627. Lémery, dans sa Pharmacopée Universelle de 1737, indique la manière de préparer l’oesype.

On trouve également d’autres auteurs du XVIIIe siècle qui recommande cet ingrédient pour le traitement des dartres ou des tumeurs, comme Astruc ou Valmont de Bomare.

Il s’ensuit une période de quasi-oubli jusqu’aux travaux de Liebreich au XIXe siècle qui remet à l’honneur cette matière première pharmaceutique.

 

 

 

Pilulier Besançon ? XVIIIe s.
Décor de grand feu à rameaux noué.
Inscription : pilules de savons.
Photo Bzoura 2009 ©

 

   

On va l’utiliser dans l’industrie comme lubrifiant et comme imperméabilisant, mais surtout en pharmacie comme médicament, et comme excipient.

Comme médicament, on utilisait la lanoline en nature pour les soins de la peau ou des pieds, mais aussi en poudre pour lutter contre les dermatoses, les gerçures de la peau, etc.

On préparait également la crème de lanoline (à base d’eau de rose et de savon, entre autres), le savon de lanoline, la lotion de lanoline ou encore le lait de lanoline de Dietrich, à base de savon, borax, beurre de cacao, eau de rose…

 

 

La lanoline servait aussi à fixer certaines substances actives comme par exemple l’iode ou le soufre, ou encore le formol (Lanoforme). Mais son usage le plus courant jusqu’à aujourd’hui est celui d’excipient. A ce titre, on utilisait la lanoline pour les liquides injectables comme l’huile grise, l’huile au calomel proposé par Lafay et Dumesnil en 1907-1908. On pouvait aussi l’employer pour les emplâtres. L’idée d’incorporer de la graisse dans les emplâtres n’est pas nouvelle puisqu’on retrouve cette idée chez Valérius Cordius en 1568 dans le Guidon des apothicaires, d’après Mesué.
   
   

On retrouve la lanoline dans l’emplâtre caoutchouté du Codex de 1908 et dans les emplâtres des pharmacopées allemande (1910) et américaine (1905). Cet excipient fut également fort utilisé, associé au beurre de cacao, pour la préparation des suppositoires comme par exemple pour les suppositoires d’adrénaline  de la Pharmacopée britannique.

Enfin et surtout, c’est un excipient des pommades à partir de 1885. L’usage de la « laine grasse » était déjà très en vogue du temps de Lémery où elle était employée pour « l’onguent résolutif de Nic. Prévôt » et pour le « petit onguent de Arthanita de Mesué ».

A partir de la fin du XIXe siècle, la lanoline sera un des composants essentiels des formules de pommades, seule ou associée à la vaseline  (le mélange étant souvent appelé onguent de lanoline).

 

D’autres mélanges seront pratiqués tels que celui avec l’axonge, l’huile d’amande, l’huile d’olive, la cire jaune, la glycérine…

Maurice Bouvet signale également l’usage de la lanoline comme excipient pour les pilules : Lang (1896) conseille son emploi dans la préparation des pilules d’iodure de potassium, Hager (1904) pour celles au permanganate de potassium.

On voit aussi son usage dans les formules de crayons ou de bougies, associée au beurre de cacao, tels que proposé par exemple par Monnier en 1904.

   

 

 


Pommade Anusol
Laboratoires Substantia
   


Pommade Florantine
L’Illustration, début du XXe siècle
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
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