Histoire des formes galéniques (5) Les Oenolés, Vinaigres et Brutolés


Affiche publicitaire pour le Vinaigre de toilette du Dr FORSTERS
(Anonyme, 1880)
La Santé s’affiche, Thérabel Group, 2003
 

Les vinaigres

Les vinaigres médicinaux étaient plus employés comme cosmétiques que comme médicaments. Désignés parfois comme acétolés ou encore oxéolés, les vinaigres médicinaux étaient des médicaments qui résultaient de l’action dissolvante du vinaigre sur les substances végétales. Déjà mentionnés par Charas (1676), puis Lémery, ils ont progressivement disparus des pharmacopées.

On trouvait dans le Codex de 1884 le Vinaigre aromatique, comme lotion, et dans celui de 1908 le Vinaigre de Scille ou vinaigre scillitique, utilisé comme diurétique et tonicardiaque. On l’utilisait aussi sous forme d’oxymel (voir ce mot).

Le plus original des vinaigres était sans doute celui des 4 voleurs dont l’histoire, ou la légende, est raconté par Peyronnet dans Le médecin des pauvres : « C’était en 1720 pendant la peste de Marseille. Il s’y trouvait encore quatre joyeux drilles qui profitaient de la misère publique pour augmenter leur bien-être personnel… Le fléau disparut et les voleurs, arrêtés, comparurent devant les juges. Les magistrats leur demandèrent comment ils faisaient pour ne pas être atteints par le fléau. Alors les voleurs racontèrent qu’ils se frottaient le corps et absorbaient du vinaigre dont ils donnèrent la formule. Tout le monde fut émerveillé, les voleurs eurent leur grâce, chacun copia leur recette et par reconnaissance on donna à leur invention le nom de « Vinaigre des quatre voleurs ». Maurice Bouvet chercha en vain le nom des 4 voleurs mais conclut qu’ils étaient plutôt de Toulouse que de Marseille ! Il existait une version simplifiée de ce vinaigre sous le nom de Vinaigre aromatique des hôpitaux

 


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« Le vinaigre ordinaire, acide acéteux des anciens chimistes, est composé d’eau, d’acide acétique et de bitartrate de potasse; il contient en outre quelque peu d’alcool, de matière colorante, etc. Les principes qu’il peut dissoudre sont à peu près les mêmes que le vin ; mais on lui accorde la propriété d’en modifier quelques-uns. C’est ainsi qu’il corrige, dit-on, l’âcreté de la scille et du colchique, qu’il diminue la propriété vireuse de l’opium. Il faut, en outre, reconnaître que par son acide il est bien plus apte à s’emparer des alcaloïdes, lorsqu’on le met en contact avec les plantes qui en contiennent que le vin.

 

Les vinaigres médicinaux se préparent de la même manière que les vins, c’est-à dire que les substances doivent être sèches et convenablement divisées ; cependant les vinaigriers préparent presque tous leurs vinaigres avec des plantes fraîches.

Quelquefois on ajoute aux vinaigres, pour en assurer la conservation, un peu d’acide acétique. Cette addition est plus rationnelle que celle d’alcool. Les vinaigres sont tantôt destinés à l’usage interne et tantôt à l’usage externe, souvent leur préparation n’est que transitoire à une autre ; ainsi ils servent à la préparation des oxymels et de quelques sirops. »

Dorvault, l’Officine, 1844

 
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Collection B. Bonnemain
 


Bière antiscorbutique (sapinette), Pharmacopée française 1837
 


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Brutolés (Bières).

Ce sont des médicaments obtenus par macérations de différentes substances dans la bière, indique Guibourt en 1828. Ils sont peu usités, dit-il, en raison de l’altérabilité de ce véhicule qui permet à peine de les conserver pendant le temps nécessaire à leur usage. Il donne deux exemples : le brutolé de Quinquina, et le brutolé de raifort composé (dite bière antiscorbutique, ou Sapinette). L’usage de la bière comme support de médicament n’était pas nouveau : on l’utilisait très fréquemment dans les formules des médicaments de l’Egypte antique comme en témoigne le Papyrus Ebers.

Ainsi, par exemple, le remède pour la vermine intestinale (Eb 56) avait la formule suivante :

–          feuille de la plante-nechaou                        5 ro.

–          Plante-sâm                                                   5 ro. 

–          Bière douce                                                   20 ro.

(Ce remède) sera broyé, filtré, puis absorbé.

Ou encore le remède pour tuer le ver-hefat (Eb 55) :

– noyaux ( ?) de dattes     1/8

– plante-djaret                   1/8

– bière douce                     25 ro.

Ce sera cuit, filtré, puis absorbé

 
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Au XVIIIe siècle, on trouve chez Lémery (édition 1766) la bière purgative de Sydenham qui était indiquée pour le scorbut et pour les rhumatismes. L’ouvrage précise d’ailleurs qu’il classe cette forme dans les vins médicinaux parce que la bière est une liqueur vineuse. C’était alors une forme pharmaceutique très rare, selon l’auteur : « Elle ne peut guère être préparée ailleurs qu’en Angleterre, parce qu’on fait très rarement l’Aile (la bière) aux autres pays ».
 
Dupuy, en 1895, consacre un long chapitre à cette forme pharmaceutique pour insister sur les risques de contrefaçon du houblon. En effet, on pouvait le remplacer par des substances amères comme l’acide picrique, le fiel de bœuf, l’aloès, le trèfle d’eau, l’absinthe, la strychnine, etc. On trouve encore dans le Dorvault de 1945 de très nombreuses bières médicinales, bien que l’auteur de l’Officine rappelle que cette forme est peu employée : bière d’absinthe, bière antiscorbutique (ou Sapinette), bière céphalique anglaise, bière de gingembre, etc.
 


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Collection B. Bonnemain

 

« Les bières médicinales sont des préparations qui résultent de l’action dissolvant de la bière sur une ou plusieurs substances médicamenteuses.

Cette forme de médicament est peu employée, bien que dans certains cas elle pourrait l’être avec avantage. Les éléments des bières sont ceux des tisanes, et par cela même que, comme ces dernières, elles servent de boissons ordinaires aux malades, elles ne doivent pas être plus chargées.

Il y a deux modes généraux de préparation :

1° on fait agir la bière toute faite et nouvelle sur les substances ;

2° on met les éléments de la bière avec les substances médicamenteuses, et l’on fait fermenter le tout ensemble. Le premier est à peu près le seul employé aujourd’hui. On peut mieux apprécier les changements qui s’opèrent que dans l’autre procédé.

Les principes que la bière peut dissoudre sont les mêmes que dissout le vin.La durée de la macération est de deux à quatre jours. Les substances doivent être convenablement divisées, pour céder leurs principes à la bière.

Les bières ne doivent être préparées qu’en petites quantités, car elles sont altérables. »

Dorvault, l’Officine, 1844

 


Bières médicinales (DORVAULT, 1855)

 
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