Laboratoires du Docteur M. Leprince
En 1877, Maurice Maximilien Leprince exploite une pharmacie à Bourges, il fabrique quelques spécialités, il déménage à Paris en 1895, 62 rue de la Tour, son fils Maurice Lucien lui succède.
En 1913 le laboratoire commercialise une dizaine de médicaments, dont les pilules et ampoules Gulpsine et les pilules laxatives Cascarine, ce sont les spécialités les plus connues.
Maurice Leprince est une personnalité de l’industrie pharmaceutique, en 1926 il est administrateur de l’OCP puis en 1941, Président du Comité d’Organisation des Produits Pharmaceutiques.
Maurice Leprince (1881-1956), Conseil d’Administration de l’OCPP, au milieu (1928)
Après la Seconde guerre mondiale, le catalogue n’évolue pas. Maurice Leprince décède en 1956, le laboratoire cesse son activité en 1958.
André Frogerais , 5 juin 2018
En complément de ces informations, voici l’article paru en septembre 1913 dans la Revue Internationale de l’industrie, du commerce et de l’agriculture, à l’occasion du Congrès international de Gand (Belgique (20/8-5/9 1913), intitulé « Laboratoires du Dr Leprince » :
« Dans la fabuleuse moisson des spécialités pharmaceutiques, il est bien difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. La bonne foi de la plupart des créateurs est hors de doute. Mais combien s’illusionnent sur la réelle valeur de leurs propres produits, et combien de produits restent inefficaces par suite de l’insuffisance des recherches scientifiques et des expériences cliniques.
Il faut tenir compte aussi, en ces temps de bluff commercial, de l’empirisme protéiforme, insaisissable, et merveilleusement habile à capter les confiances et à surprendre les crédulités.
Le mot terrible de Beaumarchais devrait être dans toutes les mémoires : « Hâtez vous de prendre de ce remède pendant le temps qu’il guérit ».
C’est assez inquiétant à constater ; les remèdes ont une mode, et la plus élémentaire prudence conseille de ne recourir qu’à ceux-là seuls dont la mode ne passe point, parce que leur réputation est uniquement basée sur une efficacité contrôlée par une longue pratique expérimentale et l’approbation du corps médical. Au fond, toute la question est là ; le médecin reste seul juge, car il n’y a pas de maladies, selon la parole d’un savant célèbre ; il n’y a que des malades dont les affections varient à l’infini et nécessitent, dans chaque cas, un traitement particulier.
Voici de nombreuses années, déjà, que l’élite du corps médical a approuvé et adopté les préparations du Dr Maurice Leprince, dont les travaux ont mis à la disposition des praticiens , aux prises avec la clinique journalière, des agents thérapeutiques connus et appréciés, dont la pureté et le dosage parfait permet l’emploi rationnel.
S’il était nécessaire de rappeler ici les nombreux titres du savant modeste qu’est le Dr Maurice Leprince (dont le nom est d’ailleurs populaire dans toutes les parties du monde par la seule vertu de la diffusion énorme de ses produits, la Cascarine en particulier), on pourrait le montrer : lauréat de la Faculté de Médecine, de l’Ecole supérieure de Pharmacie et des Hôpitaux de Paris ; auteur de communications faites à l’Académie de Médecine, 1892, et à l’Académie des Sciences, 1892, 1899 et 1907, etc. ; titulaire de grand prix aux Expositions universelles de Saint-Louis 1904, Saragosse 1908, Quito, 1909 et Buenos-Ayres 1910 ; membre des Comités et Jurys internationaux aux expositions universelles de Paris 1900, Saint-Louis 1904, Liège 1905, Milan 1906, Londres 1908 (président), Bruxelles 1910, Turin 1911 (président) et Gand 1913 (président). Le gouvernement a été amené à sanctionner ces hautes situations dans les expositions universelles par des distinctions personnelles qui l’ont conduit successivement jusqu’au grade d’officier de la Légion d’honneur, officier de l’Instruction publique et du Mérite agricole, etc. Ajoutons qu’il est titulaire de la médaille de 1870 avec l’agraffe d’engagé volontaire, ce qui atteste que son patriotisme va de pair avec ses efforts scientifiques et commerciaux, auxquels s’ajoutent un dévouement incessant aux malheureux, dévouement qui s’exerce notamment dans ses fonctions de membre du Conseil de surveillance de l’Assistance publique de Paris et de maire de Nivillers (Oise). Mais le Dr Maurice Leprince ne tient à ces distinctions que d’autant qu’elles lui ont permis d’affirmer, à l’étranger, notamment la suprématie scientifique de la pharmacopée française. C’est donc strictement du point de vue thérapeutique que nous étudierons son œuvre.
1° La Cascarine Le prince, qui seule eut suffi à établir la renommée mondiale de son auteur, est le spécifique rationnel de la constipation habituelle et de certaines affections du foie. Son action est d’une douceur telle qu’elle est seule recommandée dans les cas de grossesse et pendant l’allaitement, où elle s’est avérée le laxatif le plus efficace, d’une innocuité absolue.
La Cascarine est extraite de la Cascara sagrada, écorce du Rhamnus purshiana, dont le Dr Maurice Leprince a été le premier à isoler, en 1892, le principe réellement utile sous la forme d’un corps jaune orange cristallisable répondant à la formule chimique C12 H10 O5. La Cascarine est un laxatif eccoprotique non irritant (Lafont, Andhoui et Lemoine). Elle est cholagogue puis copragogue, à la fois antiseptique visceral et bactéricide, ce qui lui a valu, dans la thérapeutique anglaise, la dénomination de « vegetable calomel ».
La Cascarine accélère les fonctions digestives en stimulant les sécrétions paresseuses, surtout celle du foie, et en galvanisant les fibres lisses. Elle est l’exonérateur physiologique de l’intestin, toujours bien tolérée, d’une action curative identique et représentée à longue échéance, décongestive et régulatrice de la circulation veineuse abdominale.
On sait tout le prix de la Cascarine Leprince quand on se remémore tous les maux auxquels la constipation expose l’organisme, qu’elle conduit à une prompte déchéance : migraines, lourdeurs de tête, dermatoses, auto-intoxication alimentaire et uricémique, déminéralisation, neurasthénie, hypertension, dyspepsie, anémie, polysarcie, stercorémie, etc…, etc.
2° La Guipsine, à base de principes utiles du gui, isolés (Acad. des Sciences 1907) pour la première fois par le Dr Maurice Leprince, et présentés sous forme d’extrait spécial, d’où sont éliminés les principes indifférents et éméto-cathartiques, est par excellence la médication hypotensive sans danger, des préscléreux, athéromateux, aortiques, goutteux, arthritiques, néphro-scléreux, éclampsiques et saturniens. La Guipsine combat efficacement les hémoptysies des tuberculeux, les épistaxis de la puberté, les troubles variés de la ménopause, les accidents du glaucome et les bourdonnements d’oreille par augmentation des pressions oculaire ou labyrinthique, les cardiopathies artérielles (Huchard), les néphrites interstitielles (Robin), les troubles de la neurasthénie, etc…, etc.
3° Le Rhomnol, retiré de la laitance de poissons, qui est plus spécialement exposé à Gand à la classe 53, est un puissant reconstituant, qui vient à son heure, à une époque où le surmenage intellectuel et physique d’une civilisation intensive a tôt fait de détraquer le système nerveux et d’appauvrir le sang. C’est la forme idéale du phosphore, le type même de la médication néophosphorée organique (C40 H34 Az14 P4 O27), souveraine dans toutes les affections dyscrasiques consomptives.
Le Rhomnol agit comme un excitateur de l’activité fonctionnelle des cellules, assurant la subsistance des néocytes, mettant les globules blancs en état de charge dynamique pour la lutte phagocytaire et favorisant l’épargne phosphatée (travaux de Bouchard, Gaucher, Robin, Miescher et Gilbert).
La particularité essentielle du Rhomnol, même aux plus hautes doses, est de n’exercer sur les viscères aucune action stéatosante, comme les phosphures et le phosphore minéral ; son absorption ne donne naissance à aucun alcaloïde toxique ; elle est intégrale et d’une parfaite assimilation, alors qu les phosphates, glycérophosphates, lécithines et nucléines pharmaceutiques ordinaires se retrouvent immédiatement, sans modification, dans les urines. « Sans phosphore, point de vie », a dit Buchner. On comprendra toute l’importance thérapeutique du Rhomnol en songeant qu’il restitue à l’organisme le précieux métalloide qui entre pour plus du cinquième dans la composition du cerveau, des os et des nerfs et constitue la véritable cheville ouvrière des cellules vivantes, à la fois gangue, trame et support de la charpente osseuse, substance vectrice, conférant aux molécules alimentaires inertes, le rang des molécules vivantes ou organisées.
Le Rhomnol est indiqué dans tous les cas où il est nécessaire de rétablir l’intégralité trophique, de restaurer l’économie défaillante, de lutter contre la misère physiologique, la déchéance vitale, les diathèses de débilité : scrofule, anémie, rachitisme, etc.
4° L’Arsycodile est un cacodylate de soude pur, pour injections sous-cutanées, qui réalise un excellent accélérateur de la nutrition générale et ramène l’appétit. Le Néo-Arsycodile, ou méthylarsinate disodique -synonyme Arrhénal- est plus particulièrement destiné à l’usage interne par la voie gastrique. Ces deux spécialités dont la préparation parfaite donne au praticien une sécurité absolue, font merveille dans tous les cas où la médication arsénicale, dépurative et reconstituante, est indiquée : anémie, auto-intoxication, faiblesse irritable, atonie fonctionnelle, détresse nutritive, invalidité respiratoire, pré-tuberculose, coqueluche, catarrhe bronchique, emphysème, asthme, laryngite, dermatoses, furonculose rebelle, diabète, affections épuisantes, émaciation, leucémie, cachexies et états marastiques, syphilis tertiare, etc.
5° Les pilules du Dr Séjournet, préparées par le Dr Maurice Leprince, représentent également un pas décisif dan la question si controversée de la cure du diabète ; à base de santonine, elles réalisent un traitement, sans régime spécial, par la diminution simultanée de l’activité de la cellule hépatique et de la cellule nerveuse.
6° L’Eumiétine, ou association balsamo-antiseptique de santalol, salol et urotropine, sous forme de capsules enrobées au gluten, permet le traitement curatif des voies urinaires, sans aucun dommage pour l’estomac et avec la tolérance médicamenteuse la plus parfaite.
7° Mentionnons enfin le Ferrocodile ou cacodylate ferreux en pilules, spécifique de la chlorose, de la malaria, de l’anémie palustre et le Ferricodyle, ou cacodylate ferrique, qui agit parfaitement en injections hypodermiques. Telle est, très succintement décrite, l’œuvre que le Dr Maurice Leprince a présenté à l’Exposition de Gand. Elle fait le plus grand honneur à la thérapeutique française et à son auteur, dont le nom est inséparable des progrès de la pharmacopée moderne. «
Signé : P. Guimet