Histoire de l’usage des plantes médicinales (8)
Au cours des expositions précédentes, nous avons pu voir l’histoire de nombreuses plantes médicinales, connues pour la plupart. Nous allons évoquer ici des plantes diverses ou au nom étonnant qui font partie de la longue liste des plantes proposées par Geoffroy au XVIIIe siècle. A défaut de connaitre l’histoire de ces plantes, nous en décrirons l’usage fait par Geoffroy et les recettes éventuelles de Maître Fournier ou de tout autre source. (Voir à la fin de l’exposition la définition des termes médicaux au XVIIIe siècle).
Acore : Ce médicament nous est venu de l’Inde où il est extrêmement employé (stimulant, tonique et aromatique). A été donné avec succès en Allemagne contre la fièvre intermittente. En Chine, on le place au chevet du lit pour éloigner les punaises. L’emploi de la fécule des tubercules d’Arum maculatum L., d’A. italicum L. et d’A. eseulenfum sous la forme dite Arrow-root ou Sagou de Portland, a été signalé (Planchon, 1928). Au XVIIIe siècle, la plante est considérée par Geoffroy comme « stomacale, carminative, adoucissante, splénique, hystérique, alexipharmaque. Elle entre dans la PoudreCéphalique odorante de Charas, la Thériaque, l’Orviétan, l’électuaire de baies de Laurier, les Trochisques de Câpres.
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Ginseng : L’histoire du Ginseng est rapportée sur de nombreux sites Internet et des publications diverses. « Le plus ancien traité des herbes médicales de la Pharmacopée Chinoise, le PEN-TS’AO KING ou SHEN NONG BEN CAO JING écrit par l’empereur SHEN NONG vers 2700 av. J.C. évoque déjà les vertus du ginseng. Dans l’une des plus anciennes reconstitutions de cette œuvre dont on dispose, il est notamment écrit que : « Le Ginseng redonne de la force aux 5 organes: cœur, poumon, foie, reins et rate. Il calme l’esprit, élimine l’anxiété (…), annule les influences maléfiques, (…), développe l’intelligence. Un traitement prolongé (…) prolonge la vie. (…) Il régule l’énergie vitale… » En Europe, il semble que le ginseng apparaisse pour la première fois en l’an 1000 ap. J.C. grâce à Cordoba, un aventurier mauresque qui ramène une cargaison de cette plante en Espagne. En 1294, Marco Polo signale les bienfaits du ginseng dans le récit de ses voyages: « Le Livre des Merveilles », sans qu’il soit véritablement établi qu’il en ait ramené d’Extrême-Orient.
C’est en 1610 que les premières racines sont introduites en Europe par des commerçants hollandais. Le ginseng apparait au sein de la Cour de Louis XIV à la fin du XVIIe siècle par le biais d’échanges de cadeaux avec le roi de Siam. C’est peu après, en 1697, qu’est faite la première communication à l’Académie Royale des Sciences de Paris traitant du ginseng. Le Professeur Bourdelin, membre fondateur de cette Académie créée en 1666 par Colbert et premier académicien à avoir été honoré d’un éloge, en est l’auteur. Quelques années
plus tard, un missionnaire jésuite qui se trouve en Chine, le Père Jartoux, ayant constaté sur lui-même les effets bénéfiques de cette racine, rédige un rapport circonstancié sur cette plante sous forme d’une « Lettre au Procureur Général des Missions des Indes et de la Chine » datée du 12 avril 1711. Non seulement son rapport détaille précisément la racine et ses propriétés médicales mais il met en évidence l’impact économique de sa culture en Chine. Il signale notamment qu’en 1709, l’empereur de Chine a ordonné à 10 000 Tartares de ramasser tout le ginseng qu’ils pouvaient, à condition de lui attribuer 2 onces des meilleures racines et de lui revendre le reste « au poids d’argent fin ». On peut en conclure que les meilleures racines valaient alors de l’or. Après avoir lu les écrits du Père Jartoux, le Père Lafiteau, un autre missionnaire Jésuite auprès des indiens Iroquois du Québec, interroge ces derniers qui lui indiquent la présence d’une plante identique dans les bois proches de Montréal. C’est ainsi qu’est découvert le ginseng canadien en 1716, lequel deviendra ultérieurement le Panax Quinquefolium L. L’énorme demande chinoise du moment entraîne une véritable ruée des Canadiens qui revendent les racines de ginseng récoltées à la Compagnie des Indes, laquelle monopolise dès 1751 ce marché. Une véritable « bulle spéculative » se développe alors, entraînant une surexploitation des racines de ginseng, leur récolte à contretemps (mai au lieu de septembre), des conditions de séchage non naturelles (au four) altérant ses propriétés et surtout la destruction de l’écosystème empêchant les repousses naturelles. C’est ainsi que dès 1754, le flux de ginseng canadien vers la Chine s’épuise et disparaît totalement. Durant la 2ème partie du XVIIIe siècle, la découverte de ginseng sur toute la partie orientales de l’Union va relancer le commerce entre le continent Nord-américain et la Chine. A peine le Traité de Paris marquant la naissance des Etats-Unis d’Amérique est il signé qu’un navire de guerre transformé en navire de commerce, l’Empress of China se dirige vers Canton avec 30 tonnes de ginseng à son bord. Quand il revient aux USA en 1785, son propriétaire, John Jacob Astor, a réalisé un profit de 55 000 dollars, correspondant à plusieurs millions d’aujourd’hui. A noter que J.J. Astor devint le premier milliardaire d l’histoire des Etats-Unis. Le commerce du ginseng et sa récolte par les indiens dans les Appalaches fut également à l’origine d’une grande partie de la fortune d’un autre aventurier américain: Daniel Boone. Celui-ci perdit en 1798 une cargaison de 12 à 15 tonnes de ginseng lorsqu’un bateau perdit sa cargaison dans l’Ohio. Entretemps, P.A. Folliot de Saint-Vast soutient à Paris en 1736 la première thèse de médecine consacrée au ginseng « An infimis a morbe viribus reparandis Ginseng » (Le ginseng convient-il comme reconstituant ?) Dès la fin du XVIIème siècle, devant l’épuisement progressif des ressources de ginseng sauvage, les Coréens sont les premiers à mettre en place une culture rationnelle et intensive du ginseng en reconstituant les conditions forestières habituelles de pousse du ginseng sauvage. En 1817, le docteur Remusat mentionne le ginseng dans son « Dictionnaire des Sciences Médicales » et en 1818, le ginseng est inscrit dans la première édition de la Pharmacopée française mais l’espèce coréenne décrite par le Père Jartoux et l’espèce canadienne décrite par le Père Lafiteau sont alors confondues entre elles. Ce n’est qu’en 1843 que Carl Anton Meyer, botaniste russe, établit la première classification différenciant les variétés existantes, mettant ainsi fin aux confusions d’espèces. Il est à noter que la découverte de ginseng sauvage dans le Minnesota en 1858 a déclenché un « ginseng rush ». Devant l’épuisement très rapide du ginseng poussé dans des conditions naturelles, l’Etat du Minnesota vote la « Ginseng Law » en 1865 pour en réguler la récolte, ce qui n’empêche pas la disparition du ginseng sauvage en 1894 dans le Minnesota. Si le ginseng a toujours été considéré comme une plante médicinale en Asie, ce n’est que dans la deuxième partie du XXe siècle que la notoriété du ginseng en Europe s’est peu à peu développée. Le ginseng fait aujourd’hui l’objet d’une monographie à la Pharmacopée française Xe édition et à la Pharmacopée européenne IVe édition. Cette racine peut ainsi entrer dans la composition de médicaments à base de plantes et bénéficie aussi du statut de « complément alimentaire ». »(http://ginseng-du-dragon.fr/content/77-histoire-du-ginseng-pharmacopee).
Salsepareille : Le nom vient de l’espagnol Sarza, ronce, et Parilla, petite vigne. Introduite en Europe par les Espagnols au milieu du XVIe siècle, la Salsepareille a toujours été utilisée, bien que fort discutée comme valeur thérapeutique. Au XVIIIe siècle, Geoffroy la décrit comme « sudorique, incisive, atténuante », et Fournier l’utilise dans plusieurs médicaments, comme celui-ci : « Pilule antivénérienne fondante. Recette : Mercure cru, 7 onces, éteint avec Q.S de Thérébenthine, Baume de Lamech (La Mecque), une dragme, huile de mastic, une dragme, essence de girofle, une dragme, Thériaque, 4 onces, de la Salsepareille en poudre, deux onces. Mêler le tout ensemble pour en faire des pilules. La dose est une demi-dragme ». Quant à Beauvillard (1922), il dit que « c’est un dépuratif très recommandé pour tous les vices du sang et surtout la syphilis ».
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Térébenthine de Bordeaux (térébenthine officinale) : La térébenthine est une oléorésine récoltée à partir des arbres résineux, de couleur jaune ou brunâtre selon l’origine de l’arbre (le plus souvent une espèce de résineux d’Asie, d’Europe et d’Amérique). La térébenthine de Bordeaux est la plante offcinale. Les grandes plantations des Landes sont l’œuvre de plusieurs générations. Charleroi de Villiers (1778) proposa le premier la culture du Pin pour la fixation du sable des dunes ; Brémontier, le premier, put réaliser le projet et obtenir la levée de ses graines (Pin, Ajonc, Genêt) en protégeant les semis contre les sables par une couverture de fagots. De 1803 à 1864, la dune est fixée, mais à l’intérieur, sur des surfaces énormes (plus de 500.Ô00 hectares de landes étaient incultes en 1834), la culture du Pin restait impossible, parce que le sol, imperméable, est inondé l’hiver et brûlé l’été. Chambrelent (1850) draine ces régions, rassemblant les eaux dans les crastes (fossés à ciel ouvert) et les évacuant dans le sous-sol par des puits filtrants. Le sol, assaini, put se couvrir de ces merveilleuses forêts qui ont amélioré le climat et fait la richesse du pays. Au début, exploitation du bois (chauffage, construction) ; quelques rares paysans récoltent la gemme et distillent par des procédés tout primitifs. En 1860, la guerre de Sécession prive l’Europe de produits résineux dont les prix sont triplés, la récolte et le traitement de la gemme se généralisent alors et se perfectionnent, et la valeur du sol, qui avait été de 5 francs l’hectare, et même moindre encore, ne cesse d’augmenter depuis dans d’énormes proportions.(Planchon, 1928). Au XVIIIe siècle, Geoffroy décrit la térébenthine de Chio (Grèce). Pour lui, ce suc balsamique est « pectoral, diurétique, vulnéraire. Cette térébenthine entre dans la Thériaque, le Mithridate, les Trochisques de Cyphi. » Voici un exemple de recette de Fournier pour un remède « dans les ulcères de la matrice et de la vessie. Recette: voir tableau. On y trouve Esprit de térébenthine, Sel volatil de Succin, Esprit de Succin clair, Huile de Cire, Sel de Soufre, Esprit de nitre dulcifié. »
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Euphorbe : Dioscoride et Pline savaient que cette drogue provenait de l’Atlas, mais l’origine botanique ne fut connue que très tard. D’abord attribuée (Jackson) à E. canariensis L., à tiges quadrangulaires mais à épines courtes ; mais l’examen des débris végétaux, fleurs, graines et épines, trouvés dans la drogue fit écarter cette détermination (1849) et Berg créa (1863), avec ces seuls débris, l’espèce resinifera qui fut ensuite récoltée par Grace et envoyée par le consul anglais Cartensen. Curieux exemple d’une plante nommée et décrite exactement avant d’avoir, été vue! (Planchon, 1928). Au XVIIIe siècle, Geoffroy pense que c’est un purgatif hydragogue, trop violent pour s’en servir intérieurement; extérieurement, il est incisif et digestif. Il entre dans les Pilules d’Euphorbe de Quercetan, Fétides, le grand Philonium, l’huile d’Euphorbe.
Mastic : Produit évidemment connu de toute antiquité (Théophraste, Dioscoride, Avicenne, etc.). Au moyen âge, monopole des empereurs grecs qui le cédèrent à des Génois. Au XVIIIe siècle, les Lentisques appartenaient encore tous au Sultan et n’étaient pas compris dans les ventes des propriétés particulières. La drogue entrait alors dans une foule de médicaments, elle est bien déchue de son antique renommée au moins en thérapeutique (Planchon, 1928). Au XVIIIe siècle, Geoffroy décrit la plante comme « stomacal, astringent, fortifiant et adoucissant intérieurement et extérieurement. Il entre dans la Poudre de roses, contre l’avortement, l’Hiere Picre, l’Electuaire de suc de Roses, les Trochiques de Karabé, d’Hesdicros, les Pilules fine quibus, Polycrestes, Stomachiques de Rhubarbe, d’Ammoniac, Universelles, l’huile de Mastic, l’Onguent Martiatum, Styptique, le Mondificatif de résine, le Cérat stomachique, l’Emplâtre céphalique, Stomachique, Diaphorétique, Manus Dei, Divin, de Charpi, d’Oxicrocéum, pour les fractures. » Pour sa part, Fournier inclut le mastic dans de nombreux remèdes dont la formule de « Pilule antivénérienne fondante. Recette: Mercure cru, 7 onces, éteint avec Q.S de Thérébenthine, Baume de Lamech (La Mecque), une dragme,huile de mastic, une dragme, essence de girofle, une dragme, Thériaque, 4 onces, De la Salsepareille en poudre, deux onces. Mêler le tout ensemble pour en faire des pilules. La dose est une demi-dragme. »
Gomme-Gutte : La Gomme-Gutte était connue des Chinois qui la mentionnent dès le Xe siècle ; sa description n’est faite qu’au XIIIe siècle. Elle est figurée par le Pent-Sao au XVIe. Enfin, après l’étude de Clusius, en 1603 (qui la croit d’abord un produit d’Abies puis un suc d’Euphorbe), on l’emploie en Europe sous le nom bizarre de gomme du Pérou. Le lieu de production fut indiqué, au XVIIe siècle, pour la première fois par Bontius, médecin hollandais résidant à Java, mais l’arbre ne fut bien étudié et figuré qu’en 1864 par Hanbury. (Planchon, 1928). Geoffroy (XVIIIe siècle) décrit ses vertus : « Ce suc gommeux est un violent purgatif hydragogue ; il n’est pas sans inconvénient quand il est mal dosé… Il entre dans l’Électuaire antihydropique, l’Extrait Catholique & Cholagogue de Rolficius, les Pilules hydropiques de Gomme gutte. » Fournier donne plusieurs recettes dont celle-ci : Poudre purgative rouge. Recettes : Gomme Gutte, Crème de tartre, et cristal urinal, parties égales de chaque. On mettra ces ingrédients en poudre subtile pour en faire une poudre que l’on gardera.Vertus et doses : Elles purgent quelquefois par haut et par bas les eaux et toutes les humeurs. Son principal usage est dans l’hydropisie, la fièvre, la gale, les démangeaisons et d’autres maladies semblables. La dose est depuis huit, dix, quinze, vingt grains jusqu’à une demi-dragme, et ce suivant le tempérament.
Agaric blanc : Très ancien médicament (Dioscoride, Pline) ; les Grecs le tiraient de la Perse. Au XVIIIe siècle, Geoffroy dit qu’il est « purgatif hydragogue, béchique, incisif. Il entre dans la Thériaque, le Mithridate, la Confection Hamech, l’Hiere Picre avec l’Agaric, l’Hiere de Coloquinte, le Sirop de Roses avec le Séné & l’Agaric, d’Hellébore, de Quercétan, les Pilules d’Agaric, Sine quibus, Mercuriales. » Parmi les recettes de Maître Fournier, on trouve celle-ci avec de l’Agaric : « Poudre fébrifuge. Recette: Kinkina (sic) en poudre, 3 dragmes; trochisque d’agaric, une dragme; iris de Florence, 2 pincées. Le tout mêlez ensemble pour trois prises. Fébrifuges, pour différentes indications dans les fièvres intermittentes. »
Fruit d’Aneth : Employé dès l’antiquité. Dioscoride le croyait hypnotique. Il est également cité dans le Nouveau Testament. Épice très appréciée au moyen âge et actuellement bien oubliée, en France du moins. Le nom anglais Dill rappelle ses propriétés, car il vient d’un vieux, mot signifiant calmer (Hanbury) (Planchon, 1928)
Semen-Contra : La drogue était connue des anciens. Dioscoride la distinguait, sous le nom de Seriphon ou d’Absinthe marine, de l’Absinthe vraie et du Santonion qui poussait en Saintonge : il en faisait un anthelminthique. Pline la nomme Seriphium marin. On l’a toujours employée depuis lors. On l’appelait, en italien, Semenzinae, diminutif de Semenza, semence, parce qu’on croyait la drogue formée par de petites graines ; de là le semen cinae des pharmacopées qui a donné par contraction notre mot semencine. L’histoire botanique est assez complexe. Linné nommait la plante Artemisia Contra. Le Codex de 1818 attribue la drogue à l’A. judaica L. Après diverses opinions, Berg crée une nouvelle espèce, A. Cina, d’après les débris trouvés dans la drogue. C’est à elle que le Codex de 1884 attribue l’origine du Semen-Contra. Il est d’ailleurs possible que l’origine ne soit pas unique, mais actuellement l’on est à peu près d’accord pour voir dans l’espèce officinale une variété de notre Artemisia maritima, la var. paucifloia Ledeb du Codex français et du Codex belge. La Santonine, principe actif, fut extraite en 1830 par Kahler, puis par Alms qui la nomma ; puis étudiée par Cannizaro (1873), Trommsdorf et Hesse (1873). La production annuelle avant la première guerre mondiale était de près de 2 millions et demi de kilos de SemenContra, et de 25 tonnes de Santonine. (Planchon, 1928). On trouve plusieurs formules chez Fournier (XVIIIe siècle) comme celle-ci : « Formules de vermifuges. Recette : En faire prendre une demi-dragme de Semen Contra en poudre pendant cinq à six jours. Ensuite, on purge et on recommence de nouveau le Semen Contra. Cela fait rendre beaucoup de vers et on repurge les enfants, on diminue la dose et on fait le même procédé. »
Piment de la Jamaique : Paraît avoir été connu depuis fort longtemps au Mexique, où il entrait avec la Vanille dans la préparation d’un chocolat. Quand les Espagnols le connurent (fin du XVIe siècle) et l’importèrent en Europe, une vague ressemblance extérieure avec un gros grain de Poivre fit donner à ce fruit le nom de Pimienta (= Poivre, en espagnol). Du reste, au moyen âge,le mot Pimentum. était assez général pour les épicés. Ce fruit connut alors une fortune rapide, son importance a bien diminué surtout en France ; la Jamaïque exporte principalement en Angleterre, en Allemagne et aux États-Unis. L’usage médical ne date que du XVIIIe siècle (Planchon, 1928). Geoffroy, à cette époque décrit Bothys ambrosioides (Piment), de Provence, comme « béchique, incisive » et adoucissante, extérieurement.
Bryonia (Couleuvrée) : Les propriétés purgatives étaient déjà connues de Dioscoride ; et les anciens employaient fort cette plante, souvent même à tort et à travers, dans les maladies mentales, les névroses, etc. Spécifique de l’épilepsie pour Arnaud de Villeneuve. Trop oubliée aujourd’hui (sauf par la médecine homéopathique), car son action purgative drastique bien réglée pourrait rendre de grands services. Employée en médecine populaire ; cause assez souvent des ~intoxications par sa racine ou ses baies rouges. Geoffroy (XVIIIe s.) décrit les vertus de la Couleuvrée : « La racine est un purgatif violent et âcre : elle est antihystérique & céphalique. C’est avec cette racine qu’on contrefait la Mandragore antique. Elle entre dans le Sirop Cachectique, l’Onguent Agrippa, d’Arragon. » Voici l’une des recettes de Fournier : » Cataplasme pour murir le bubon. Recette: Racine d’Althea, de Bryone, de Lys, une once et demi de chaque; faites les cuire avec Q.S. d’eau pour y ajouter des feuilles de porcelaine, de mauve, de branc-ursine, une manipule de chaque; figues grasses , 12 ; Supuratif et du vieux levain, one demi-once de chaque. » Au XXe siècle, Beauvillard (1922) rappelle ses différents noms : « navet du diable, vigne blanche, racine vierge, feu ardent, navet bourge, navet galant, etc. » Il déconseille de l’utiliser par voie orale en raison de sa toxicité mais on peut l’utiliser, dit-il, par voie externe : « Sa racine, râpée et appliquée en cataplasmes sur les douleurs de goutte les plus violentes, les fait disparaître en peu de temps. »
Thym : D’après le professeur Delaveau, le mot thym viendrait de thueoin, brûler, car, pour les Anciens, c’était l’herbe aux fumigations. A cette époque, le thym était considérée comme une plante magique. Les Romains l’utilisaient lors de rituels religieux en l’honneur du soleil, de la lune,d e Vénus et leurs poètes chantaient ses vertus. Au IVe siècle, les gaulois considéraient le thym comme un antiseptique puissant. Du temps de Charlemagne, on le prescrivait aux mélancoliques et à ceux qui ont l’esprit hanté par l’épouvante, aux rhumatisants, asthmatiques et comme vermifuge, diurétique, emménagogue. Sainte-Hildegarde et Saint-Albert-le-Grand préconisaient son usage contre la lèpre et la paralysie. Cultivé dans quelques pays au moyen âge. La découverte du Thymol est de 1725, Neuman décrivit alors le Camphre de Thym (Planchon, 1928). Geoffroy décrit le Thym de crète (Thumus creticus) et le thym indigène (Thymus) qui ont, pour lui, les mêmes propriétés : « céphalique, béchique, stomachiques, en infusion ou décoction. Extérieurement, elles sont résolutives, fortifiantes. Les feuilles entre dans l’Eau générale. Les fleurs dans le Sirop de Staechas. Les sommités fleuries dans la Décoction aromatique, la Poudre réjouissante, l’Huile de Renard, l’Huile distillée dans le Baume nervin, apoplectique, L’Eau distillée dans l’Eau de Mille-fleurs. » Toujours au XVIIIe siècle, on trouve plusieurs recettes chez Fournier comme celle-ci : « Bain pour l’enflure des pieds. Recettes : Dans trois pintes d’eau de vie, y faire infuser des feuilles d’hysope, de lavande, thym, romarin, serpolet, laurier et sang, une poignée de chaque. On en met un demi-septier dans une pinte de gros vin rouge pour en bassiner les pieds soir et matin. S’il survient (de l’) érysipèle, on lave les pieds avec le lait ».
Chanvre indien : Le Chanvre aurait été transporté par les Scythes, qui le connaissaient (Hérodote), au moment de leurs invasions, dans l’Europe occidentale, 1500 ans avant J.-C. Vers la même époque, le Rh-ya, traité de botanique chinois, décrit les deux sortes dont l’une seulement fructifie. Il est également mentionné dans des ouvrages sanscrits d’origine fort ancienne sous le nom de B’hanga (la racine an se retrouve dans le nom du Chanvre chez presque tous les peuples). Ni les Hébreux, ni les Égyptiens ne le possédaient. Ce médicament était employé de longue date par les Hindous et les Chinois, mais non par les Grecs et les Romains ; les Arabes ne le connurent également qu’assez tard, venant de la Perse, mais l’usage s’en répandit très vite et leurs plus célèbres médecins (Ibn-Al-Awam et Ibn-Baiter) vantèrent l’usage du « haschich» ou « hachich ». Histoire ou légende, le Vieux de la Montagne et ses successeurs auraient en Perse, puis en Syrie, exalté le fanatisme sanguinaire de leurs compagnons à l’aide de breuvages au haschieh ; notre mot « assassin » viendrait de ces Haschichins (hommes du Haschich) dont la férocité et la bravoure inspiraient tant de terreur aux Croisés. A partir du XVIe siècle, tous les voyageurs en Orient parlent de l’usage du Chanvre comme substance inébriante (qui enivre), il ne fut bien connu qu’au début du XIXe siècle par la campagne d’Égypte (Le 17 vendémiaire an IX, un ordre du jour du général commandant en chef les armées d’Égypte interdit aux soldats français l’usage du haschich, qui se répandait rapidement parmi eux. En 1906, le général commandant la division de Tunisie a dû défendre aux troupes de fumer le chanvre). Lamarck décrit la plante (1809) d’après des échantillons rapportés des Indes par Sonnerat. En 1838, O’Shaugnessy fait à Calcutta les premiers essais thérapeutiques: en même temps, Raleigh, Esdale, O’Birest commencent l’étude chimique de la résine et Moreau de Tours (1840) étudie le Haschich au point de vue physiologique. Ensuite les travaux chimiques, physiologiques et thérapeutiques se multiplient et divers littérateurs célébrèrent l’ivresse psychique procurée par la drogue orientale (Planchon, 1928).
Chicorée : Employée de longue date, même à l’état de culture, comme médicament et aliment (Grecs, Romains). L’emploi de là racine torréfiée est plus récent : d’après P. Dorveaux, cette formé attrait été inventée par les Hollandais en 1690, introduite en Prusse en 1763, en France et dans le Luxembourg en 1771, en Belgique vers 1776. Ce ne fut que pendant la période du blocus continental, à partir de 1806, que cette industrie, pour remédier à l’absence de Café, se développa en grand chez nous.(Planchon, 1928). Au XVIIIe siècle, Geoffroy décrit 4 sortes de Chicorée : la Chicorée blanche (Endivia), la Scarole (Endivia latifolia), la petite Endive (Enivia angustifolia) et la Chicoré frisée (Endivia crispa). Pour lui, la graine est une des quatre petites semences froides. Elles sont rafraichissantes, détersives, apéritives, tempérantes. Extérieurement, les feuilles sont émollientes. Les Endives entrent dans le Sirop de Chicorée simple & composé. A la même période, voici une des recettes de Maître Fournier : « Maladies de poitrine : Apozème béchique. Recette: Feuille de buglosse, bourrache, chicorée sauvage, scolopendre, une demi poignée chacun; fleurs de bouchon blanc, de guimauve, une pincée de chaque.On fera bouillir le tout dans trois chopines d’eau réduite à une pinte. On passera la liqueur pour y mêler une once de sirop de violette. on en prend un bon verre toutes les quatre heures »
Cigüe : Planchon indique que le nom s’applique à des Ombellifères diverses : 1°) Conium maculatum L., Grande Ciguë, Ciguë officinale, C. commune, C. des anciens, C. d’Athènes, etc. ; 2° Æthusa Cynapium L., Petite Ciguë, Ciguë des jardins, Persil bâtard, P. de chien, etc ; 3° Cicuta virosa L., Ciguë vireuse, Ciguë d’eau, Persil des fous, etc., etc. ; 4° Œnanthe Phellandrium LAM., Phellandrie, Ciguë aquatique, etc.. Ces différents noms vulgaires risquent de créer des confusions, c’est ainsi que le nom de Ciguë aquatique (appliqué quelquefois à une autre espèce, I’ Oenanthe crocata L.) risque de faire confusion avec celui de Ciguë d’eau. Le mieux est de donner à chaque espèce le premier nom indiqué. On aura ainsi : la grande Ciguë, la petite Ciguë, la Ciguë vireuse et la Phellandrie. La grande Ciguë figure seule au Codex, pour ses fruits. C’est très vraisemblablement la Ciguë des anciens ; quelques-uns pensent cependant que le mot Ciguë désignait la plupart des plantes vénéneuses. On a beaucoup discuté sur la Ciguë de Socrate. On a pu montrer avec certitude que le Conium abondait alors en Grèce, entre Athènes et Mégare : aucune des trois autres n’y existe actuellement (Sibthorp). On admet, d’après les symptômes décrits par Platon, que le poison était un mélange de Ciguë et d’Opium ; du reste, Théophraste dit qu’on ajoutait du suc de Pavot à la Ciguë pour que la mort fût plus douce. On employait aussi la Ciguë en médecine (Hippocrate, Galien, Pline, etc.). Elle fut oubliée pendant de longs siècles, au moins en France, car les Anglo-Saxons l’utilisaient, dit-on. En 1760, Storck, de Vienne, l’expérimenta et la vanta contre le cancer, les dermatoses, la cachexie, etc. Puis cette vogue momentanée diminue à la suite d’insuccès (emploi d’autres Ciguës ? mauvaises préparations ?) et la plante retomba dans l’oubli, mais pour peu de temps, car à partir du milieu du siècle dernier des recherches plus scientifiques, l’analyse de la plante, l’extraction de la Conicine, l’emploi préférable des semences rendirent à la Ciguë une partie de sa réputation, bien qu’à l’heure actuelle l’étude toxicologique soit encore plus importante que l’emploi thérapeutique (Planchon, 1928). Geoffroy, au XVIIIe siècle, décrit les propriétés de la Grande Cigüe : « Quoique la Cigüe, prise intérieurement, soit réputée poison, cependant depuis peu, quelques médecins en ont employé l’extrait en petites doses pour les cancers, avec réussite. Extérieurement, elle est résolutive, adoucissante, émolliente. Elle entre dans l’Emplâtre Diabotanum de Blondel. »
Coriandre : Très anciennement connue. La Bible la cite (comparaison de la Manne avec un grain de Coriandre). Épice et médicament chez les Grecs et les Romains, c’était un objet de culture et de commerce déjà plus de trois siècles avant J.-C. (Caton). On préférait celle d’Égypte (Pline). Une des plantes dont la culture fut ordonnée par Charlemagne, et, d’après Hanbury, elle avait pénétré en Angleterre avant la conquête des Normands. Usitée couramment de tout temps et surtout au moyen âge, elle est restée importante pour l’industrie, mais n’est plus guère employée en médecine (Planchon, 1928).
Courge : Nous ne savons donc pas exactement quelles étaient les Courges des anciens, mais les Romains cultivaient certaines espèces et en connaissaient, dit-on, les propriétés tænicides (Pline). La graine de Courge passe pour avoir été utilisée de longue date au Mexique. Au XVIIIe siècle, Geoffroy indique que la courge fait partie des quatre semences froides. « Elle est rafraichissante, adoucissante ». Ce n’est qu’au XIXe siècle que l’usage s’établit en Europe (Mongeny, 1820 ; Brunet, 1845, etc.). Depuis l’emploi s’est généralisé. On l’utilisait aussi à Maurice, dès 1830. (Planchon, 1928).
Cumin : Connu des Anciens (Écritures), qui le recevaient d’Asie Mineure et d’Italie. Vanté par Dioscoride sous son nom actuel : c’était une des épices les plus employées au moyen âge. Il est actuellement peu utilisé en France, mais d’emploi courant en Hollande, en Allemagne où on le met jusque dans le pain et en Orient où c’est un condiment quotidien (Planchon, 1928). Geoffroy précise ses propriétés : stomacale, carminative, intérieurement et extérieurement. On trouve plusieurs recettes chez Fournier à base de cumin comme celle-ci : « Emplâtre de soufre. Recette: Cire jaune, Résine, poix de Bourgogne, une livre de chaque; soufre pulvérisé, huile de Camomille, quatre onces de chaque ; Térébenthine, racines d’Iris, de Cumin, une once et demi de chaque. Faire du tout un emplâtre selon l’art. Vertus. Il résout les tumeurs ; il chasse les vents. »
Pyrèthre insecticide : Les Pyrèthres asiatiques ont été connus les premiers, au début du XIXe siècle – la poudre était connue depuis longtemps dans la région du Caucase, sous le nom de Guirila, mais l’usage en Europe est moderne, le dernier venu est le Chrysanthème insecticide de Dalmatie, il a complètement détrôné les Pyrèthres asiatiques. pour ces espèces et de désigner le produit sous le nom de « Chrysanthème insecticide » au lieu de «Pyrèthre insecticide» couramment employé ; on éviterait ainsi des confusions, parfois volontaires, avec le Pyrèthre d’Afrique, Anacyclus Pyrethrum, dont la racine seule est utilisée. La première relation de ses propriétés paraît due à Cantraine (1841), encore confondait-il la plante avec la Grande Marguerite.
R. Visiani (1847) signala le premier, en toute certitude, les propriétés et l’emploi de la plante en Dalmatie ; mais il n’y a guère qu’un demi-siècle que cette poudre insecticide est préparée industriellement et couramment employée. Les premières applications du Pyrèthre comme insecticide en agriculture datent du milieu du siècle dernier, mais on doit aux: recherches de Faes (1914) la connaissance du Savon-Pyrèthre, mode d’emploi très pratique de cet insecticide contre l’Eudémis et la Cochylis de la vigne et Juillet (1919-1924) a étudié dans le détail toute la question du Pyrèthre, en particulier sa culture industrielle, ses produits extractifs et leurs propriétés (Planchon, 1928). Geoffroy au XVIIIe siècle évoque le Piretre (Pyretrum) pour les propriétés de la racine : « masticatoire, dentrifrice. Elle entre dans le Philonium Romain, la Poudre sternutatoire de Charas ».
Lin : Comme l’explique Planchon (1928), il en existe de nombreuses variéts. Les unes et !es autres paraissent fort anciennement connues. Des tombeaux égyptiens (23 siècles avant J.-C.) et des habitations lacustres primitives de la Suisse contenaient des tissus de lin. Les Égyptiens connaissaient le rouissage et le tissage. Les Grecs et les Romains consommaient les graines et les propriétés mucilagineuses sont indiquées par Théophraste.
Le Lin est une des plantes dont la culture en Europe est due à Charlemagne (Hanbury). Geoffroy au XVIIIe siècle considérait la graine comme « adoucissante, émolliente, carminative, diurétique, en tisanes et apozèmes ; son huile prise intérieurement est laxative, tempérante, pectorale. » On trouve cette recette chez Fournier, parmi d’autres : « lavement dysentérique.
Recettes : Une chopine de lait que l’on fera bouillir avec 3 pincées de semences de lin, et y delayer deux jaunes d’oeuf pour un lavement. » En 1922, Beauvillard précise qu’on « donne la tisane de graines de lin dans toutes les inflammations de l’estomac et des intestins… C’est avec la farine de lin que l’on fabrique l’un des meilleurs cataplasmes émollients que l’on applique sur les parties enflammées et sur le ventre pour en calmer les douleurs. »
Grenadier : Cette plante est cultivée depuis au moins 5 000 ans en Asie occidentale et en Afrique du Nord. La plante poussait dans les jardins suspendus de Babylone. La Bible y fait allusion plusieurs fois et les Grecs le considéraient comme symbole de la fertilité. Les Romains parlaient des pommes de Carthage. Ce seraient les Phéniciens qui auraient introduit le grenadier en Afrique d’où son nom latin de pomme punique (Malum punicum) et le nom scientifique de Punica granatum attribué au grenadier par Linné. Le grenadier sera introduit en Andalousie dans le courant du VIIIe siècle par les musulmans venus du Maroc (d’où peut-être le nom donné à la ville de Grenade).
La connaissance des propriétés médicinales est fort ancienne : Caton parle des propriétés vermifuges ; le péricarpe servait à la tannerie et à la médecine. Après avoir été prôné comme anthelminthique par Dioscoride, Pline, Celse, etc. Ce médicament tomba dans un oubli complet (une mention est relevée au IVe siècle), et ce n’est qu’en 1807 que Buchanan, médecin de Calcutta, signale l’emploi et le succès du Grenadier, que les Hindous employaient de temps immémorial.
Les travaux des médecins de l’Inde ou d’Europe le firent dès lors adopter définitivement par la thérapeutique (Gomez, Mérat, etc.). Les Chinois l’emploient depuis fort longtemps. On utilise surtout l’écorce de la racine et de la tige, et secondairement l’écorce du fruit et les fleurs desséchées (Planchon, 1928). On relève cependant que Geoffroy évoque le Grenadier au XVIIIe siècle pour les grains ou pépins qui sont » stomachiques, cordials, céphaliques ; l’écorce du fruit est astringente, fébrifuge… Les balaustes (fleurs d’une espèce de Grenadier) sont incrassantes, dessiccatives, un peu moins astringentes que l’écorce du précédent. Fournier (1753), pour sa part, utilise les feuilles pour le Cataplasme de Vigo, pour la commotion du cerveau. Recette : Du Son, 4 onces ; Farine de Lentille, deux onces ; Colanin odorant, une once et demie ; des feuilles de Grenadier sèches, des myrtilles et des roses, une once de chaque ; des fleurs de melilot et de camomille, une poignée de chaque ; six noix de Cyprès. » Au XXe siècle, Beauvillard dit que « l’écorce de racines de Grenadier est employée avec succès pour chasser le ver solitaire. »
Marrube blanc : Le nom aurait une origine hébraïque (marrob = très amer), le prasion des Grecs, de Dioscoride, le tarassioun des Arabes était aussi le Marrube. Utilisé dans l’antiquité dans les affections chroniques des organes respiratoires, puis préconisé contre les affections du foie et de la rate ? il fut plus tard employé comme fébrifuge et anti-périodique et recommandé comme succédané du Quinquina (Wauters, 1810, Thorel, Bouchardat, 1849). Expérimenté de nouveau par Trabut, 1891, par Hanoune, 1894, qui reconnurent son activité contre le paludisme, par Garbier et Vannier, 1914, comme tonique et antithermique dans la fièvre typhoïde ; par H. Leclerc, 1917, dans
le traitement des bronchites (Planchon, 1928). Geoffroy (XVIIIe s.) cite le Marrhube blanc (Marrhubum album) pour ses propriétés : la plante est « apéritive, discussive, désobstruante, pectorale. Le feuilles et sommités fleuries entrent dans le Sirop de Marrhube de Mesvé, les Pilules d’Agaric, la Thériaque, l’Hiera diacolocynthidos, la Poudre de Marrhube. » Beauvillard (1922) évoque le Marrubium vulgare que l’on connait aussi sous le nom « de Mont-Blanc, bon blanc, marrochemin, herbe vierge, bonhomme, marrube blanc, etc. » Pour lui, la tisane de feuilles et de fleurs de Marrube, « prise à raison de 5 à 6 verres par jour, fortifie l’estomac, excite la sécrétion des urines, active la transpiration, facilite l’expectoration des crachats, provoque l’écoulement menstruel et excite le système nerveux. On emploie cette même tisane avec succès dans les maladies du cœur et du foie. Néanmoins, il faut en faire un usage modéré, car elle fait maigrir sensiblement. »
Herbe aux cuillères (Colchearia) : Elle était considérée par Geoffroy comme « antiscorbutique par excellence, incisive employée verte ». Planchon considérait qu’elle avait les mêmes propriétés que le Raifort et signalait qu’elle entrait dans le sirop antiscorbutique et l’Alcoolat de Cochlearia composé. Fournier l’utilise au XVIIIe siècle comme le montre l’exemple suivant : » Gargarisme détersif. Recette: Aigremoine, Sommitées de Ronces ; orge, un demi-posson; faite bouillir dans une quantité suffisante d’eau à la réduction d’un demi-septier. Delayez y un posson de sirop de mûre ou de miel Rosat avec 10 gouttes d’esprit de vitriol et de cochlearia. S’en gargariser souvent la gorge. »
Garance : La Garance (Rubia tinctorum L.) est une herbe vivace, originaire de l’Asie Mineure, depuis longtemps cultivée pour ses portions souterraines (rhizome et racines) comme substance tinctoriale. Cette « racine » de Garance, restée longtemps à la base du fameux rouge d’Andrinople, a été employée par les Romains pour teindre la laine et le cuir et par les Gaulois pour la teinture en violet par mélange avec le suc du Pastel. Après avoir été pratiquée avec succès en Normandie (l’écarlate de Caen était fort estimée au XIIe siècle), la culture fut abandonnée, s’implanta en Hollande et revint en France, d’abord en Alsace, puis en Provence. En 1810, le département de Vaucluse fournissait près de 60 millions de kilos de poudre propre à la teinture préparée dans plus de 50 moulins à Garance.
L’Algérie vint aussi fournir une bonne qualité de ce produit, la Garance française était très supérieure à celle de Hollande et de Silésie, trop riches en substances mucilagineuses. La culture de la Garance a été tuée par la synthèse de son principe actif, l’Alizarine (Graebe et Libermann), qui, réalisée en 1869, permit, par les perfectionnements industriels, de produire cette substance à 2 francs le kilo vers 1890 (Planchon, 1928). Pour Geoffroy au XVIIIe siècle, la racine de Garance était « l’une des cinq racines apéritives mineures. Elle est apéritive, hépatique, splénique, hystérique, diurétique ». Pour Planchon, « la Garance était considérée comme tonique, diurétique, apéritive et emménagogue ; employée en poudre(2 à 5 gr. par jour) ou en extrait aqueux (0 gr. 30 à 1 gr.). Elle teint en rouge les os des sujets qui l’absorbent ainsi. »(1928).
Taxus (IF) : Bien connu de tous temps comme dangereux. Poison de flèche chez les Gaulois. Arbre de deuil des anciens. (Planchon, 1928). La taxine (ensemble d’alcaloïdes de l’If) est exploitée depuis longtemps à des fins médicinales et les Romains en connaissaient déjà les usages. Elle est aujourd’hui synthétisée pour ses propriétés anticancéreuses. Curieusement, Geoffroy, au XVIIIe siècle indique que l’If n’est d’aucune utilité en médecine mais « qu’on le décrit ici pour avoir l’occasion de désabuser les personnes qui croient que cet arbre, surtout ses fruits, sont venimeux. Des expériences réintérées ont fait reconnaitre qu’en ce pays-ci, il n’a aucune qualité nuisible ».
Garou : Les Grecs, chez qui la plante abondait, en employaient surtout les fruits (Cocca Gnidia), vingt baies formaient un violent purgatif. Pour en empêcher l’action sur la gorge et en atténuer l’activité, ils les enveloppaient dans de la farine, des grains de raisin et du miel. On employait également les feuilles, pulvérisées et administrées dans du jus de raisin. Le moyen âge et les temps modernes ont employé l’écorce de Garou à l’intérieur, non sans imprudence, dans les maladies de la peau et les maladies vénériennes ; peut-être ce médicament est-il trop resté à ce titre dans la médecine populaire, les médecins ne l’emploient plus que fort rarement et uniquement pour l’usage externe (pommades épispastiques) ; cet emploi comme vésicant s’est développé à partir de la fin du XVIIIe siècle (Planchon, 1928). Geoffroy évoque cette plante au XVIIIe siècle et considère que c’est un purgatif très dangereux, « c’est pourquoi on ne s’en sert pas intérieurement. Extérieurement, la racine est vesicatoire ».
Herbe au chat (Valériane) : C’est le Phu des anciens. Le mot Valériane ne date guère que du IXe siècle. Dans les langues du Nord, c’est la Racine des Vandales. Employée de tout temps, mais surtout très grande réputation au moyen âge soit comme médicament, soit comme épice ou comme parfum. Hippocrate, Dioscoride et d’autres auteurs anciens recommandaient la valériane dans diverses indications. Le recensement des usages de la plante qui n’a cessé d’être utilisée au cours des siècles est difficile tant on lui a attribué de “ vertus ” : un survol rapide des ouvrages de matière médicale et de thérapeutique — ou de botanique médicale — publiés pour le seul XIXe siècle, montre que les médecins lui attribuaient des propriétés variées, souvent contradictoires — un véritable “ guérit-tout ”, une herbe de tous les maux. Il semble malgré tout que ses indications majeures aient été l’épilepsie, la chorée de Sydenham, l’hystérie, etc. Cela étant, il semble que les doutes sur son réel intérêt ne sont pas le seul fait des praticiens contemporains adeptes de la médecine fondée sur les faits : en 1889, la question était déjà posée : « Son utilité réelle répond-elle à la fréquence de son emploi ? Nous croyons pour notre compte qu’elle est entièrement superflue. » Autrefois iana officinalis était également considérée comme un puissant philtre d’amour. On attribuait aussi à la valériane le pouvoir de chasser les elfes. La valériane a été très consommée au cours des deux guerres mondiales, pour traiter les différents traumatismes nerveux subis par les combattants. Jadis, la Valeriana officinalis, était considérée comme une plante magique associée à la magie blanche. Autrefois puissant philtre d’amour, l’herbe aux chats est désormais surtout employée dans les tisanes soporifiques. Son appellation d’« herbe aux chats » est due à l’attirance de ces animaux pour son odeur : alors qu’elle semble agir comme un calmant sur l’homme, son influence est inverse sur les chats. En fait, elle provoquerait un état proche de l’euphorie éthylique ou cannabique chez ces félins (Wikipedia 2018). En 1922, pour Beauvillard, la poudre de Valériane (ou Herbe de Saint-Gorges) mélangée avec un peu de miel était très employée « dans l’épilepsie, les spasmes d’estomac, les convulsions des enfants. Elle guérit la polydipsie, maladie qui consiste dans une soif excessive et des urines très abondantes sans être sucrées, ce qui les distingue du diabète. »
Dans les ouvrages sur les plantes médicinales, il y a de très nombreuses « herbes ». nous avons vu l’herbe aux chats (Valériane) mais Geoffroy, au XVIIIe siècle, donne les propriétés de beaucoup d’autres, sans que nous connaissions l’historique de leur utilisation en médecine. Il évoque l‘Herbe à éternuer (Dacunculus ptarmica) : « La racine est masticatoire. La plante en poudre est sternutatoire » nous dit Geoffroy (d’où son nom) ; l’Herbe à Robert : c’est une sorte de géranium (Geranium robertianum), avec le pied de pigeon (Geranium columbinum) et le Bec de grue sanguin (Geranium sanguineum). Pour Geoffroy, les feuilles de l’Herbe à Robert sont les plus utilisées. Elles sont « vulnéraires, astringentes, résolutives, intérieurement et extérieurement; l’Herbe à pauvre homme (Gratiola) est décrit par Planchon comme une « plante vivace des marais d’Europe et d’Amérique du Nord est douée de propriétés émétocathartiques et diurétiques très prononcées, mais est toxique à dose élevée.
Les racines seraient plus actives que la tige feuillée. Médicament populaire un peu oublié, mais d’un emploi dangereux ». Geoffroy au XVIIIe siècle considère qu’elle est très purgative, hydragogue, apéritive, vermifuge. extérieurement, les feuilles fraîches sont consolidantes, détersives » ; l’Herbe d’or (Helianthemum) : Selon Geoffroy, elle est vulnéraire, astringente, intérieurement et extérieurement; l’Herbe aux verrues (Heliotropium): Pour Geoffroy, elle est « vulnéraire et détersive », extérieurement; l’Herbe de Saint-Jacques (Seneçon, Jacobée) : Geoffroy dit qu’elle est vulnéraire et détersive, mais qu’on s’en sert rarement; l’Herbe aux mamelles (Lampsane) : La Lampsane (Lapsana communis L. subsp. communis, Astéracées) fait partie des plantes qui ont été couramment utilisées autrefois en médecine populaire dans la majeure partie de l’Europe occidentale puis sont tombées dans l’oubli au milieu du XXe siècle; Herbe aux perles (Gremil); Herbe à lait (Glaux);Herbe de saint-Julien (Sarriette) ; Herbe de la Sainte-Barbe (Erysimum barbarea) ; Herbe aux poux (Staphisaigre) ; Herbe aux Gueux (Clématite) ; Herbe aux vipères (Echium). Mais ce n’est qu’une petite partie des « herbes » décrites dans la littérature, qui mériteraient à elles seules une exposition !
Parmi les autres plantes curieuses incluses dans l’ouvrage de Geoffroy, on peut citer le Sang de Dragon (Dracaena) ; le Buisson ardent (Pyracantha) ; le Chardon aux ânes (Onopordon Acanthium) ; le Pet d’âne (Onoporde) ; le Pied d’oiseau (Ornithopode) ; le Porte-Chapeau (Paliure) ; la Queue de pourceau (Peucedanum) ; la Grenouillette d’eau (Ranonculus sceleratus) ; les Mords du diable (Scabieuse des bois) ; le Trique-Madame (O. Blanc, S. Album) ; le Cure dent d’Espagne (Daucus visnaga) ; le Nombril de Vénus (cotyledon) ; le Vulnéraire des paysans.(Anthyllis vulneraria L.) ; le Ben Mouringou (Balamus myrepsica) ; le Grain de Tilly (Tiglium L.) ; les Truffes de Cerf (Lycoperdon L.); le Pied de Lion (Alchimille) ; le Chardon rolant (Eryngium campestre) ; le Pied de Pigeon (Geranium columbinum); le Bec de grue sanguin (Geranium sanguineum) ; le Pied de chat (Gnaphalium dioicum) ; la Myrthe.
Termes médicaux au XVIIIe siècle (Geoffroy)
Acerbe : c’est un goût qui tient de l’aigre et de l’amer.
Adoucissants : remèdes qui corrigent l’âcreté des humeurs. Agglutinatifs : Remèdes qui réunissent et recollent les plaies. Alexipharmaques ou alexitères : remèdes qui résistent aux venins, fièvres malignes, peste, etc. Il y a en a pour l’intérieur et pour l’extérieur. Anodins : remèdes qui calment les douleurs. Antiépileptiques : remèdes contre l’épilepsie ou mal caduc. Antihystériques : remèdes contre les vapeurs de matrice. Antiscorbutiques : remèdes contre le scorbut. Antispasmodiques : remèdes contre les convulsions ; Apéritifs : remèdes qui rendent les humeurs moins épaisses et plus coulantes. Astringents : remèdes qui resserrent les pores et s’opposent au cours immodéré des humeurs. Béchiques : remèdes qui conviennent aux maladies de poitrine. Calmants : c’est la même chose qu’anodins : voyez ce mot. Carminatifs : remèdes qui dissipent les vents. Caustiques : remèdes qui brûlent les chairs Céphaliques : remèdes bons pour les maladies de la tête. Cicatrisants : remèdes qui affermissent et dessèchent les nouvelles chairs des plaies. Consolidants : remèdes qui servent à la réunion des plaies. Cordials : remèdes qui rétablissent les forces abattues Décoction : préparation de drogues médicinales qu’on fait bouillir dans quelque liqueur pour en tirer les vertus. Dentifrices : drogues pour nettoyer les dents. Dépilatoires : drogues qui font tomber le poil. Désobstruants : remèdes qui enlèvent les obstructions ou embarras, causés par l’épaississement des humeurs. Dessicatifs : remèdes qui consomment les humidités superflues, intérieurement et extérieurement. Détersifs : remèdes qui nettoient les plaies, en dissolvant les humeurs visqueuses qui s’y attachent. Diaphorétiques : remèdes qui font dissiper les humeurs, par la transpiration. Digestifs : remèdes qui disposent à la suppuration. Discussifs : remèdes qui dissolvent et dissipent les humeurs. Diurétiques : Remèdes qui adoucissent l’acrimonie des humeurs et les poussent par les urines. Emétiques : remèdes qui excitent le vomissement Emollients : remèdes qui ramollissent les tumeurs, en relâchant les fibres. Errhines : c’est la même chose que sternutatoires : voyez ce mot. Hépatiques : remèdes capables d’enlever les obstructions. |
Hydragogues : remèdes purgatifs qui évacuent les eaux et les sérosités. Hystériques : remèdes qui excitent les règles. Incisifs : remèdes qui divisent les humeurs grossières Incrassants : remèdes qui épaississent les liquides, et leur donnent de la consistance. Infusion : médicaments qu’on fait seulement tremper dans quelque liqueur chaude et non bouillante, pour en tirer les vertus. Laxatifs : remèdes qui lâchent le ventre, et purgent doucement par bas. Masticatoires : drogues qui se mâchent, et attirent par la bouche les eaux et les sérosités. Maturatifs : remèdes qui disposent les plaies à suppuration. Narcotiques : remèdes qui calment les douleurs et procurent l’assoupissement. Nervins : remèdes qui fortifient les nerfs. Ophtalmiques : remèdes propres aux maladies des yeux. Otalgiques : remèdes bons pour les maux d’oreilles. Pectoraux : c’est la même chose que béchique. Voyez ce mot. Pénétrants : remèdes actifs qui divisent les humeurs. Purgatifs : remèdes qui purgent par bas seulement. Rafraichissants : remèdes qui tempèrent la trop grande agitation des humeurs. Répercutifs : remèdes extérieurs qui repoussent les humeurs en dedans. Résolutifs : remèdes extérieurs qui sont dissiper par la transpiration les humeurs arrêtées dans quelque partie du corps. Spléniques : remèdes propres aux maladies de la rate Sternutatoires : drogues qui excitent l’éternuement Stiptiques : c’est la même chose qu’astringents : voyez ce mot. Stomachiques, stomacales : remèdes propres à faciliter la digestion. Sudorifiques : remèdes qui excitent la sueur Suppuratifs : Remèdes extérieurs qui facilitent la suppuration Tempérants : remèdes qui apaisent la trop grande fermentation. Vomitifs : c’est la même chose qu’émétiques : voyez ce mot à la lettre. Utérins : c’est la même chose qu’antihystériques. Vulnéraires : remèdes propres à la guérison des plaies. Vermifuges : remèdes qui font mourir les vers ou les chassent du corps. Vésicatoires : remèdes caustiques, qui attirent les sérosités vers la superficie de la peau |