Histoire de l’usage des plantes médicinales (6)
Les Plantes indigènes (suite)
(Voir à la fin de l’exposition la définition des termes médicaux au XVIIIe siècle)
Aconit : Selon la mythologie, l’aconit a poussé sur le sol où coula la bave de Cerbère quand Hercule l’ éloigna des portes de l’enfer ; l’étymologie du nom de la plante est basée sur le terme « acone » (en grec, pierre, rocher, pierre à aiguiser) car la plante pousse sur les terrains rocheux, ainsi que sur celui d’Aconai, port situé près d’Héraclée (ville de Bithynie en Asie Mineure), où, selon Théophraste, la plante poussait abondamment. Nous retrouvons chez Nicandre référence à cette ville en ces termes : « les villes de Lycos… désertes à cause de la présence de cette plante.» On sait qu’Héraclée a été fondée par Lycos et son frère Priolas en reconnaissance de l’aide d’Hercule dans leur guerre victorieuse contre les Bévryques. Lycos est aussi le nom du fleuve qui baigne cette ville. Cette référence à Lycos corrobore ainsi l’étymologie basée sur le port d’«Aconai», bourg des Mariandyniens (=Héracliotes), comme l’indique Théophraste.
Nicandre ne mentionne pas l’usage de l’Aconit en médecine . Dioscoride lui-même en donne une vue très succincte.(H. Skaltsa et al., RHP, 1997). Au XVIIIe siècle, Geoffroy estime que la plante est très dangereuse, prise intérieurement. « Cependant, son extrait à l dose de deux grains est sudorifique. Extérieurement, le suc de feuille est détersif. » De nombreux auteurs ont traité ce sujet jusqu’à nos jours. On voit comment petit à petit l’usage se concentre sur l’Aconit napel et les espèces exotiques. Les Pharmacopées (ex. la Pharmacopée française) comportent des monographies de la racine et de ses préparations galéniques. Au XXe siècle, Bauvillard (1922) lui donne les autres noms suivants : Napel, capuchon, coqueluchon, tue-loup bleu, gueule de loup, capuce de moine, pistolet, sabot du pape, etc. « Seuls les hommes de l’art peuvent l’employer dans les bronchites et les enrouements. Veillez à ce que vos enfants n’y touchent pas car elle a été cause de nombreux cas d’empoisonnement presque toujours mortels. »
Tabac : Les plantes fournissant le tabac étaient connues des Aztèques. Son nom actuel provient de la province mexicaine de Tabaco, ou Tabasco, où il fut trouvé pour la première fois par les Espagnols ; le nom de « petun » est celui qui lui avait été donné par les indigènes du Pérou. Le tabac a été introduit en Espagne et au Portugal par Hernandez en 1520. Un peu plus tard, Walter Raleigh le fit connaître en Angleterre. En 1556, le moine cordelier André Thevet en essaie la culture dans les environs d’Angoulème, puis c’est Jean Nicot de Villemain, ambassadeur de François II au ¨Portugal, qui le propage en France à partir de 1560. Le succès du nouveau remède s’étendit rapidement. En 1560, Catherine de Médicis en ayant fait l’essai contre les maux de tête, sous forme de poudre, fut vite conquise par ses vertus. Elle en fit semer dans les jardins royaux et le tabac devint « l’herbe à la Reine », « l’herbe Catherinaire », après avoir été « l’herbe du Grand Prieur ». En Italie, elle reçut le nom d’ « herbe sainte ». La mode s’en mêla et l’usage de la « nicotiane » entra dans les habitudes de la bonne société. La nicotiane continuait du reste à passer pour un éblouissant remède, faisant merveille contre : « Catarrhe, vertige, chassie des yeux, céphalalgie, brouillard de la vue, surdité, ozène (punaisie), mal de dents, ulcères, aphtes des gencives, toux invétérée, mal d’estomac, syncope, coliques, hydropisie, gale, scrofule, venin des flèches », aux dires d’un célèbre médecin de Seville, Nicolas Monardes, dans son Traité des Drogues de l’Amérique, On en fit des sirops, des onguents, des huiles, des emplâtres. On écrivit sur ses vertus maints traités. Les poètes chantèrent ses louanges. » Dès 1572, Jacques Gihory, dans son Instruction sur l’herbe petun dite en France l’herbe à la Royne au médicée, vante ses qualités comme topique (en application externe sur les plaies), antivenimeux, etc. Ces propriétés sont à nouveau mises en valeur, en 1622, dans la Tabacologie de Johann Neander, qui sera traduite en français dès 1625, par Jacques Veyras. Lorsqu’au XVIe siècle l’Europe reçut d’Amérique le tabac, elle le considéra d’abord et pendant longtemps comme un remède extraordinaire : il reçut les noms de Panacée et d’Herbe sainte l Il serait fastidieux d’énumérer ici les affections que, selon le professeur Magneno, un de ses innombrables panégyristes, il serait capable de terrasser : il faudrait les nommer toutes. Il s’administrait sous toutes les formes ; eau de tabac, huile, baume, . essence, , teinture, extrait, éther, sel fixe et sel volatil, sirop d’essence et sirop digéré ; on en utilisait non seulement la feuille, mais les racines, les fleurs, les graines. Le « tabac à priser » ou « Panacée Catherinaire » a été administré souvent comme médicament aux fils des rois François II et Charles IX, principalement contre les maux de tête, ce qui le mit à la mode d’abord parmi les nobles, puis dans le peuple entier.
L’exclusivité de la vente du tabac, même lorsqu’il commença à être fumé pour le plaisir, fut assurée aux apothicaires, notamment par un décret de Richelieu en 1629, une ordonnance de 1673 intéressant Cassel et des règlements applicables à Venise. Si le tabac prend peu à peu sa place dans les officines des apothicaires, il est normal que ceux-ci cherchent à s’approvisionner. C’est ce que fait, vers 1688, un apothicaire de Clermont-Ferrand, Pierre Groslier. Mais, dès cette époque, la culture du tabac est réglementée par une Ordonnance contenant règlement sur les droits des fermes sur les tabacs, dont l’article 14 est ainsi conçu : « Défendons aussi à tous nos sujets d’ensemencer leurs terres de tabac à peine de confiscation de celui qui y croîtra et de mille livres d’amende ». Cuinet et Guérard, « sous-fermiers du tabac en poudre de la basse Auvergne » interviennent alors pour faire respecter l’ordonnance royale. Groslier refuse de s’exécuter et les maîtres apothicaires de la ville interviennent, d’où procès. (M. Bouvet, RHP, 1944).
Au XVIIIe siècle, Geoffroy indique que le tabac est un purgatif et vomitif violent et dangereux. « Extérieurement, les feuilles fraiches sont vulnéraires, détersives ; les feuilles sèches, mêlées avec le beurre, font mourir la vermine. Les feuilles entrent dans l’Eau d’Arquebusade, l’Onguent de Nicotiane, le Mondificatif d’Ache, l’Onguent splénique de Bauderon. » Fournier met le tabac dans plusieurs de ses recettes : « Remèdes pour les dartres, gratelle et teigne.Recettes : Sel de Saturne ; précipité blanc ; sublimé doux ; Esprit de vitriol philosophique; huile de tartre par défaillance; Esprit de tabac; Mercure précipité de couleur de Rose; panacée mercurielle, Esprit de Venus ; huile de papier; Eau phagédénique, Fleur de soufre, huile de myrrhe ; pierre médicamenteuse de Crolius. »
Origan : L’Origan (Origanum vulgare L.), la sariette (Satureia montana L.), le serpolet (Thymus serpyllum L.) et le thym (Thymus vulgaris L.) renferment dans leurs parties aériennes des huiles essentielles contenant, en proportions variables, le thymol et le carvacrol. Ces herbes, largement utilisées comme condiments, ont été aussi reconnues, depuis des millénaires, pour leurs propriétés médicinales. Le thym apparait dans les tablettes sumériennes cunéiformes (5000 ans avant JC) et figure dans le Papyrus d’Ebers (environ 1500 avant JC). Hippocrate y fait référence et Pline le recommandait contre les morsures de serpent. Les Grecs faisaient grand usage de l’Origan. Selon la mythologie grecque, cette plante à la douce senteur aromatique aurait été créée par la déesse de l’amour Aphrodite en guise de symbole de joie et de bonheur et poussait en abondance dans son jardin, sur les pentes de l’Olympe. L’origan était fréquemment planté sur les tombes car on pensait qu’il aidait l’âme des morts à trouver la paix. La marjolaine et l’origan étaient des herbes protectrices précieuses auxquelles on prêtait le pouvoir de protéger contre les sortilèges, les esprits malfaisants et les kobolds. Au XVIIIe siècle, Goeffroy considère l’Origan et le petit Origan comme « diurétiques, diaphorétiques, hystériques, béchiques, en infusion. La poudre des feuilles et fleurs est extérieurement céphalique…. Les feuilles entrent dans l’Eau générale, le Sirop d’Armoise. Les sommités fleuries dans l’Eau vulnéraire, la Poudre de Chalybé, l’Huile de petits chiens. Les felurs dans le Sirop de Staechas. Toute la plante dans l’Électuaire de baies de Laurier de la Pharmacopée de Paris ».
Pivoine : La pivoine apparaît comme ayant été une plante aux multiples vertus médicinales et aux innombrables pouvoirs magiques. Depuis l’Antiquité gréco-romaine, elle a été considérée comme une panacée, et sa réputation de guérir l’épilepsie s’est maintenue longtemps. Selon Pline, elle serait la plus ancienne plante médicinale connue. L’article est subdivisé en deux parties, consacrées respectivement à « la plante aux multiples vertus » et à « la plante magique ». La première est employée sous la forme de ses graines rouges ou noires et de sa racine, dans de nombreuses indications. Leur port au cou protège en particulier de l’épilepsie, réputation qui s’est perpétuée jusqu’au XIXe siècle, bien que mise en doute et jamais prouvée… Des pouvoirs magiques de la plante ont été décrits dans divers opuscules et nécessitent pour se manifester qu’elle soit récoltée dans des conditions précises de moment et d’état du cueilleur. En dehors des propriétés pharmacologiques qu’elle manifeste alors, la pivoine, portée sur soi ou placée à la maison, assure la réussite en affaires, en fortune, en amour, et protège des dangers, croyance qui, là aussi, s’est transmise en Europe occidentale jusqu’au XIXe siècle (Ducourthial (Guy), «La pivoine, une panacée oubliée», La Revue du praticien, 2001). Au XVIIIe siècle, Geoffroy donne la description des deux pivoines, mâle et femelle, qui sont « antiépileptiques, céphaliques. On préfère le mâle en médecine. La racine entre dans l’Eau générale, épileptique, le Sirop d’Armoise antispasmodique. La graine entre dans le Sirop de Staechas, l’Emplâtre Diabotanum. » Quant à Fournier, il donne une longue recette de « Poudre dans la gravelle. Recette : Sené, rhubarbe, canelle, réglisse, des semences d’anis, de fenouil, graines de genièvre, des semences d’asperge, de pardanne, grains de nèfle, une dragme de chaque; turbith, écorces intérieure d’arrête-boeuf et d’herbe à la pivoine , une demi-dragme de chaque; semences d’alkekange, de milium solis, de genêt, une dragme de chaque. Toutes ces drogues seront réduites en poudre subtile que l’on aura soin de mettre dans un vaisseau bien bouché pour s’en servir au besoin. Les grandes personnes en prendront une dragme dans un verre de vin blanc sans avoir la fièvre. Le mal étant grand, on en prendra des demi-bains en faisant infuser de la poudre . On pourra se préparer par quelques lavements carminatifs et les saignées. Pour les petits enfants, on aura soin d’observer les mêmes règles prescrites ci-dessus à la réserve de la dose qu’il faudra proportionner suivant leur tempérament. On prendra de cette poudre pendant trois jours de suite. L’usage de ce remède est sans danger et fait jeter phlegme et gravier et pierre. Ce remède est de M. Cabotin, Docteur en médecine à Chauny, qui l’a mise en réputation. Il recommande pour la garder de l’envelopper d’un cuir de chevrotin afin que la poudre ne s’évapore pas. »
Persil : Jusqu’au Moyen Âge, le persil avait un statut de plante médicinale, stimulante, tonique et diurétique avant tout. Il était fortement préconisé dans les cas de maladies hépatiques et rénales. Voici une des recettes de Fournier (XVIIIe siècle) contenant du Persil : Tisane calmante. Recette : 2 bonnes poignées de persil que l’on fera bouillir dans trois verre d’eau réduit à moitié. Lorsqu’elles seront bien cuites, on les passera en les exprimant fortement. Au XXe siècle, Beauvillard (1922) précise les autres noms de la plante : Ache, sersin, persil cultivé et considère que c’est un excellent remède pour les contusions.
Nerprun : Le nerprun est connu depuis longtemps. Selon les légendes bibliques, on l’utilisait pour le tressage de la couronne d’épine de Jésus, et c’est pourquoi elle symbolise la résignation, la propreté et la pureté. On le trouvait suspendu sur les portes et les fenêtres pour prévenir les sortilèges des sorciers et des démons.
Comme le remède curatif le nerprun est connu il y a longtemps en Inde et la Chine. Dans la médecine du moyen âge, le nerprun était assez rarement utilisé en médecine. On sait qu’ elle était utilisée par les Anglo-Saxons lors la conquête des îles Britanniques. Le médecin gallois Myddafai («Meddygon Myddavai») au ХIIIe siècle fixait le jus des fruits du nerprun, associé avec le miel, comme boisson purgative. Une des premières mentions du nerprun comme purgatif est attestée en Italie au XIVe siècle et par le médecin de Bologne Petrus de Crescentiis (1230-1320) «Opua Ruralium Commodorum Libri XII». Son action purgative est mentionné par le Tchèque R A. Matthioli et T. Hajek (1554) qui indique qu’il faut l’appliquer après l’avoir conservé sous forme sèche pendant un an. Le nerprun était aussi recommandé pour l’hydropisie. L’écorce fraîche mouillée dans le vinaigre, traitait la gale. Le sirop du nerprun est apparu dans la pharmacopée de Londres de 1650.
Le nerprun de Pourcha était bien connu des habitants d’Amérique centrale et d’Amérique du Nord. Les tribus indiennes, qui peuplaient la Californie moderne et le Mexique, trouvaient que l’écorce du nerprun était le médicament universel le plus précieux. L’écorce était utilisée comme antiphlogistique et fébrifuge pour le paludisme et comme traitement des pathologies de l’appareil digestif et du foie. On utilisait aussi l’écorce pour les calculs biliaires. Les conquérants espagnols au ХVIe siècle ont amené l’écorce du nerprun de Pourcha en Europe. Les propriétés médicales de l’écorce étonnaient tellement les missionnaires de l’époque qu’ils l’ont appelé cascara sagrada — «l’écorce sacrée» en espagnol. D’autre part l’écorce du nerprun de Pourcha au XIXe siècle était un des médicaments les plus populaires aux États-Unis et entrait avec les racines de podofila dans la composition des diverses pilules et les extraits pour le traitement des problèmes de digestion. (d’après https://ikobrin.ru/fr/kobrmir99.php)
Rose : Depuis la plus haute antiquité, la rose a été employée en thérapeutique. Homère, les Assyriens et les Babyloniens, Asclepios, Erasistrate, Dioscoride, Pline, Galien se servent de ses préparations et parlent longuement de ses vertus. Il est probable que l’eau de rose ait été préparée pour la première fois par les Iraniens, au début du IXe siècle. Mais, c’est la Renaissance qui a été l’âge d’or de la rose utilisée comme médicament. Les deux siècles suivants, le XVIIe et le XVIIIe, dans leurs traités de botanique et leurs formulaires, en recommandent l’emploi sous des formes nombreuses et variées ; au XIXe siècle et de nos jours, au contraire, l’utilisation de cette fleur se fait de plus en plus rare.
Non seulement la fleur et ses divers organes, toutes les parties de la plante étaient mises à contribution à l’époque de la vogue de la rose : le fruit, la graine, la racine, l’écorce et même le bédignac, excroissance due à la piqûre d’un insecte. Les formes étaient aussi, on le pense, fort diverses : infusion, décoction, suc, eau distillée, essence, teinture, extrait, huile, sirops, mellite, conserve, vin et vinaigre, sans omettre la poudre, la pulpe, la confiture, les onguents, les tablettes et le sucre rosat.
Les propriétés de la rose étaient laxatives, astringentes, cordiales, cholagogues, elles agissaient en dermatologie, étaient diurétiques, antirabiques et vermifuges, c’est dire qu’avec les « vertus » spéciales de l’églantier, la rose était capable de guérir toutes les maladies, comme le déclarait au XVIe siècle un de ses plus fervents adeptes.(P. Laporte. La rose en thérapeutique, 1952).
L’une des variétés du Rosa Gallica (espèce originaire d’Asie Mineure) est le Rosier de Provins. Il parait que ces roses ont été introduites à Provins par Thibault IV, comte de Champagne, qui y mourut à son retour des croisades, en 1254. Provins devint très célèbre, non seulement pour ses pétales de rose desséchés, mais aussi pour ses conserves, son sirop et son miel de roses, préparations qui étaient considérées comme des médicaments de grande valeur, selon Pomet, en 1694. Au XVIIIe siècle, Geoffroy évoque 4 roses et leurs propriétés respectives. La rose pâle (Rosa pallida) : on se sert des fleurs. « L’eau qu’on tire des fleurs est purgative, céphalique, cordiale. Extérieurement, elle est vulnéraire, détersive, astringente. Elle entre dans l’Électuaire Diaphoenic, le Diaprun, l’Onguent Rosat. Le suc entre dans l’emplâtre de l’abbé de Grace. Le Sirop simple dans les Pilules d’Agaric, impériales, le Sirop composé dans les Pilules angéliques. L’eau distillée et l’Esprit ardent dans l’Eau de mille-fleurs. La deuxième rose est la rose blanche (Rosa alba) qui n’est pas purgative, mais extérieurement ophtalmique et astringente. La troisième rose est la rose muscade (Rosa moschata) pour laquelle on utilise également les fleurs. Geoffroy considère qu’elle a à peu près les mêmes vertus que la rose pâle « mais elle est beaucoup plus purgative. Elle entre dans les Pilules Angéliques, dans l’eau mille-fleurs ». Enfin, la Rose de Provins (Rosa provincialis) est « astringente, détersive, stomacale ; on l’emploi en Sirop, Teinture, Conserve, etc. Extérieurement, elle est astringente, résolutive, fortifiante. Elle entre dans la Thériaque, le Diascordium, la Confection d’Hyacinthe, la Poudre Diarrhodon, les Trochisques de Camphre. »
Garance (Rubia tinctorum) : La garance des teinturiers est vraisemblablement originaire de Perse et de la partie orientale du bassin méditerranéen. Son utilisation est ancienne comme l’attestent des textiles de lin datant du 11e siècle avant notre ère. Les Grecs et les Romains antiques l’emploient pour différents usages, en teinture mais aussi en peinture et en médecine. Sa culture s’accroît et se répand sur le pourtour méditerranéen ainsi qu’en Europe occidentale. Son essor est notamment dû au développement de la production de laine. La chute de l’Empire Roman n’entraîne pas son déclin. Sous Dagobert, la garance se vend pour l’exportation sur le marché de Saint-Denis. Elle figure dans le capitulaire De Villis, édicté par Charlemagne, sous le nom de Warentiam (carolingien), warentia (bas latin). A partir du Xe siècle, le développement de la draperie en Europe permet l’expansion de la culture des principales plantes tinctoriales et donc de la plante. Mais les guerres civiles et étrangères des XVIe et XVIIe siècles font disparaître la garance de France. Sa culture avait été tentée sous le règne de Louis XIV.(Internet : Sophie De Reguardati et William Barthe, enseignants de physique-chimie, Fabrice Arnault, ethnobotaniste et chargé de mission au Jardin des Plantes). Geoffroy indique qu’elle fait partie des cinq racines apéritives mineures. Elle est « apéritive, hépatique, splénique, hystérique, diurétique. »
Moutarde : Il y a trois mille ans, les Chinois en cultivaient déjà plusieurs espèces et les égyptologues ont découvert des graines de moutarde déposées en offrande dans tombeaux et mastabas. Athènes et Rome appréciaient l’usage médical et culinaire de la moutarde. Les Grecs et les Romains l’appelaient sinapi, que l’on retrouve dans le mot français sinapisme. La moutarde était connue de Théophraste, de Dioscoride et de Pline. Son usage était d’abord alimentaire. Au XVIIIe siècle, Geoffroy dit que la moutarde est « stomacale, antiscorbutique, diaphorétique, apéritive. Extérieurement, elle est sternutatoire, masticatoire, résolutive. La graine entre dans l’Eau antiscorbutique, l’Onguent épispastique, l’Emplâtre épispastique de la Pharmacopée de Paris. » Fournier (1755) décrit un « Cataplasme apoplectique. Recette : De la Racine de bruyère récente, 3 onces ; du Savon et de la graine de moutarde, une once de chaque ; des Cantharides pulvérisée, 4 dragmes ; et la quantité qu’il faudra du meilleur vinaigre pour faire du tout un Cataplasme que vous appliquerez chaudement sur la tête après l’avoir bien rasée. VERTUS : Il est vésicatoire, il irrite, il attire les sérosités, il est propre pour l’apoplexie, pour la léthargie, pour la paralysie, et pour les autres occasions où il est besoin de réveiller les esprits ; on ne s’en sert jamais que sur les parties extérieures. Quelques-uns appliquent sur la tête rasée une ventouse avec quelques scarifications avant de mettre le Cataplasme. » On trouve également l’usage de la moutarde dans le « Médecin des pauvres » de Beauvillard (1922) où l’on peut lire : »La fameuse moutarde de Dijon… facilite la digestion mais il faut en user modérément… Une pincée de farine de moutarde chaque matin dans les chaussettes, empêche le froid aux pieds. »
Datura (Herbe aux sorciers): « Plante cosmopolite, originaire d’Amérique, d’après Linné, de l’Inde pour beaucoup d’auteurs se basant sur le nom d’origine indienne Dhatura, mais comme le dit De Candolle, « indigène de l’Ancien Monde, probablement des bords de la Mer Caspienne et des pays adjacents, mais certainement pas de l’Inde. Il est douteux qu’il existat en Europe à l’époque des anciens Romains, mais il parait s’être répandu de lui-même entre cette époque et celle de la découverte de l’Amérique ». Lewin attribue au Datura Stramonium les cas de folie et les morts dans l’armée d’Antoine durant son expédition contre les Parthes en 37-38 : en effet, durant la retraite qui suivit cette expédition malheureuse , les vivres manquant, les soldats mangèrent des racines et les plantes qu’ils trouvèrent sur leur passage. Il fallait que les soldats aient bien faim pour manger du Datura ! L’ensemble de la plante dégage une odeur vireuse très agréable. On ne trouverait pas trace de la Stramoine dans les écrits du Moyen-Age, mais c’est bien du Datura qu’il s’agit, sous le nom de Jouzmathel dont traite Avicenne. D’après Delaveau, qui reprend l’opinion de Fournier sur la soi-disant introduction par les Tziganes, la plante serait originaire du Mexique et aurait été envoyée entre 1570 et 1577 par Francisco Hernandez, le médecin de Philippe II d’Espagne. De là, la Stramoine se serait répandue dans toute l’Europe. C’est Gérarde (d’après Hambury) qui l’a introduite et cultivée en Angleterre à la fin du XVIe siècle. » (J. Aillaud, et al. 1986). Au XVIIIe siècle Geoffroy décrit la plante sous le nom de « Pomme épineuse » et indique qu’il est « dangereux de s’en servir intérieurement. Cependant, depuis peu, quelques-uns en ont employé l’extrait, mais en très petites doses, pour les affections du cerveau. Extérieurement, elle est adoucissante, anodine, résolutive. Les feuilles entrent dans le Baume tranquille. »
COCA : « Dans l’ancien Pérou, bien avant l’époque coloniale, la Coca était connue. D’après une légende soigneusement entretenue par les « harweks » qui parcouraient le pays, la Coca aurait été due à Manco Capac, le fondateur mythique de l’Empire Inca et à Mamma Oclo, sa soeur-épouse. (J. Aillaud et al, 1986). Le cocaïer fut signalé pour la première fois par Garcilasco de la Vega (1535-1568), puis les feuilles semblent avoir été apprtées en Europe au commencement du XVIIe siècle (Duret, 1605). Le cocaïer fut également remarqué par Joseph de Jussieu qui en fit venir plusieurs pieds à Paris en 1749. (L. Girre, 1981). C’est en 1859, en Allemagne, qu’Albert Niemann, élève de Wôhler, isola des feuilles de coca la cocaïne-base qui s’y trouvait à côté d’autres substances, dont d’autres alcaloïdes. Elle fut vite employée sous la forme de son chlorhydrate. Mais, quelques années auparavant, en 1856, le docteur Samuel Percy aurait constaté que la mastication de ces feuilles diminuait la sensibilité de la langue. Et en 1859, un neurologue du nom de Mantegazza les recommandait contre les maux de dents, les troubles digestifs et la neurasthénie ; il aurait même réussi à convaincre Freud de l’utilité du remède, bien qu’il lui signalât que « l’usage immodéré de la coca provoquait cachexie, maigreur et affaiblissement, et dépravation mentale et éthique, et apathie à tous égards ». En 1876, le British Medical Journal prévoyait que «la coca ferait ses preuves en tant que stimulant et narcotique d’un nouveau genre » ; elle était alors prescrite contre tous les maux, comme énergétique pour les soldats, pour les timides. En 1884, la cocaïne fit une entrée brillante et subite dans la thérapeutique, au vu de son effet anesthésique local sur la cornée animale d’abord, humaine ensuite ; la découverte était due à un médecin de Vienne (Autriche), du nom de Karl Koller, alors âgé de 27 ans. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, le chlorhydrate de cocaïne connut une ère d’utilisation universelle comme anesthésique local et l’on vit apparaître très rapidement les collyres à base de ce principe actif, aussi bien dans les formulaires pharmaceutiques que dans les ouvrages d’ophtalmologie.(M. Faure et al. RHP, 1985). Quant au vin Mariani, il fit son apparition sur le marché français juste après la Commune, en 1871. Celui qui devait y attacher son nom, Angelo François Mariani, le mit au point avec l’aide d’un médecin, Charles Fauvel, alors qu’il travaillait dans une pharmacie à Paris. Fauvel fut l’un des premiers à utiliser la cocaïne pour ses propriétés anesthésiques dans le traitement des maladies du nez et de la gorge : son intérêt pour cette substance et le fait qu’il était client de la pharmacie où Mariani travaillait sont à l’origine de leur association. L’idée d’ajouter de la coca à du vin n’était pas nouvelle, bien que Mariani se soit attribué par la suite un rôle de pionnier. Le Vin de Coca fut inscrit pour la première fois au Codex pharmaceutique français en 1884, mais on le trouvait en France et dans d’autres pays depuis longtemps déjà. Les vins médicinaux étaient en effet une forme pharmaceutique très répandue en France : l’édition de 1880 de l’Officine de Dorvault en mentionne 154 sortes (W. Helfand, RHP, 1980).
KOLA. Les graines de Cola nitida paraissent avoir été utilisées de tout temps en Afrique Occidentale Equatoriale, mais inconnues des Grecs, des Romains et des Arabes. « Parmi les produits végétaux dont l’antique et mystérieux sol africain, jusqu’ici avare de ses richesses botaniques envers la vieille Europe civilisée, nous promet une conquête et une assimilation complètes; il n’en est peut-être pas de plus intéressant et de plus précieux, nous espérons bien le prouver dans ce travail, que celui qui sous les noms divers de Kola, Gourou, Ombéné, Nangoué, Kokkorokou, Ourou, etc. , est consommé dans toute l’étendue de l’Afrique Tropicale et Equatoriale, à l’égard du thé, du café, du maté et de la coca, dont il tient la place auprès des peuplades indigènes de ce continent, mais avec des propriétés bien supérieures à celles qui caractérisent ses congénères caféïques ». C’est par cette dithyrambe qu’Heckel commence son mémoire sur les kolas africains en 1893. Si le fruit de cola était peu ou pas connu en Europe avant qu’Heckel ne le distribue, du moins en connaissait-on le nom, puisque Clusius en 1591 les nommait déjà coles, mais ce n’est qu’au début du XIXe siècle qu’une première description botanique est donnée par Palisot de Beauvois dans sa « Flore d’Oware et de Bénin »…. Mais la noix de kola et le kolatier représentent pour les Africains encore plus qu’une denrée appréciée : chez certaines ethnies, l’arbre est sacré, le kolatier que les Sousous appellent l’Arbre d’Or est l’arbre sacré et vénéré. Les lois du pays punissent de mort tout individu qui ferait subir une détérioration à un de ces arbres. Tous les kolatiers sont chargés de gris-gris , bien en vue, pour en éloigner les malintentionnés (Aillaud et al. 1986). Au XXe siècle, Pierre Astier fut l’heureux créateur du fameux Formulaire Astier, dont la première édition remonte à 1913. Après son décès en 1976, son fils, Patrice Astier, prit la relève jusqu’à la vente du laboratoire à Beaufour, en 1986. Le conditionnement de 1897 donnait de nombreuses indications : ainsi, le Kola granulée Astier était « un extrait complet et rigoureusement dosé de la noix de kola ». Il « en [contenait] tous les principes actifs : caféine, theobromine, rouge de kola et tannin ». Cet « aliment d’épargne, anti-neurasthénique, régulateur du cœur, excitant du système musculaire », se prenait à raison de « deux cuillerées à café par jour dans du vin ou dans tout autre liquide aqueux ». Vendu 4 F 50 le flacon, il était vendu « dans les bonnes pharmacies de France et de l’Étranger ». (T. Lefebvre, C. Raynal, RHP, 2000)
Le Formulaire Cerbelaud de 1920 en donne la composition exacte :
Termes médicaux au XVIIIe siècle (Geoffroy)
Acerbe : c’est un goût qui tient de l’aigre et de l’amer.
Adoucissants : remèdes qui corrigent l’âcreté des humeurs. Agglutinatifs : Remèdes qui réunissent et recollent les plaies. Alexipharmaques ou alexitères : remèdes qui résistent aux venins, fièvres malignes, peste, etc. Il y a en a pour l’intérieur et pour l’extérieur. Anodins : remèdes qui calment les douleurs. Antiépileptiques : remèdes contre l’épilepsie ou mal caduc. Antihystériques : remèdes contre les vapeurs de matrice. Antiscorbutiques : remèdes contre le scorbut. Antispasmodiques : remèdes contre les convulsions ; Apéritifs : remèdes qui rendent les humeurs moins épaisses et plus coulantes. Astringents : remèdes qui resserrent les pores et s’opposent au cours immodéré des humeurs. Béchiques : remèdes qui conviennent aux maladies de poitrine. Calmants : c’est la même chose qu’anodins : voyez ce mot. Carminatifs : remèdes qui dissipent les vents. Caustiques : remèdes qui brûlent les chairs Céphaliques : remèdes bons pour les maladies de la tête. Cicatrisants : remèdes qui affermissent et dessèchent les nouvelles chairs des plaies. Consolidants : remèdes qui servent à la réunion des plaies. Cordials : remèdes qui rétablissent les forces abattues Décoction : préparation de drogues médicinales qu’on fait bouillir dans quelque liqueur pour en tirer les vertus. Dentifrices : drogues pour nettoyer les dents. Dépilatoires : drogues qui font tomber le poil. Désobstruants : remèdes qui enlèvent les obstructions ou embarras, causés par l’épaississement des humeurs. Dessicatifs : remèdes qui consomment les humidités superflues, intérieurement et extérieurement. Détersifs : remèdes qui nettoient les plaies, en dissolvant les humeurs visqueuses qui s’y attachent. Diaphorétiques : remèdes qui font dissiper les humeurs, par la transpiration. Digestifs : remèdes qui disposent à la suppuration. Discussifs : remèdes qui dissolvent et dissipent les humeurs. Diurétiques : Remèdes qui adoucissent l’acrimonie des humeurs et les poussent par les urines. Emétiques : remèdes qui excitent le vomissement Emollients : remèdes qui ramollissent les tumeurs, en relâchant les fibres. Errhines : c’est la même chose que sternutatoires : voyez ce mot. Hépatiques : remèdes capables d’enlever les obstructions. |
Hydragogues : remèdes purgatifs qui évacuent les eaux et les sérosités.
Hystériques : remèdes qui excitent les règles. Incisifs : remèdes qui divisent les humeurs grossières Incrassants : remèdes qui épaississent les liquides, et leur donnent de la consistance. Infusion : médicaments qu’on fait seulement tremper dans quelque liqueur chaude et non bouillante, pour en tirer les vertus. Laxatifs : remèdes qui lâchent le ventre, et purgent doucement par bas. Masticatoires : drogues qui se mâchent, et attirent par la bouche les eaux et les sérosités. Maturatifs : remèdes qui disposent les plaies à suppuration. Narcotiques : remèdes qui calment les douleurs et procurent l’assoupissement. Nervins : remèdes qui fortifient les nerfs. Ophtalmiques : remèdes propres aux maladies des yeux. Otalgiques : remèdes bons pour les maux d’oreilles. Pectoraux : c’est la même chose que béchique. Voyez ce mot. Pénétrants : remèdes actifs qui divisent les humeurs. Purgatifs : remèdes qui purgent par bas seulement. Rafraichissants : remèdes qui tempèrent la trop grande agitation des humeurs. Répercutifs : remèdes extérieurs qui repoussent les humeurs en dedans. Résolutifs : remèdes extérieurs qui sont dissiper par la transpiration les humeurs arrêtées dans quelque partie du corps. Spléniques : remèdes propres aux maladies de la rate Sternutatoires : drogues qui excitent l’éternuement Stiptiques : c’est la même chose qu’astringents : voyez ce mot. Stomachiques, stomacales : remèdes propres à faciliter la digestion. Sudorifiques : remèdes qui excitent la sueur Suppuratifs : Remèdes extérieurs qui facilitent la suppuration Tempérants : remèdes qui apaisent la trop grande fermentation. Vomitifs : c’est la même chose qu’émétiques : voyez ce mot à la lettre. Utérins : c’est la même chose qu’antihystériques. Vulnéraires : remèdes propres à la guérison des plaies. Vermifuges : remèdes qui font mourir les vers ou les chassent du corps. Vésicatoires : remèdes caustiques, qui attirent les sérosités vers la superficie de la peau |