Histoire de l’usage des plantes médicinales (5)
Les Plantes indigènes (suite)
(Voir à la fin de l’exposition la définition des termes médicaux au XVIIIe siècle)
Millepertuis : On trouve sur le site Vogel (en Suisse) que le millepertuis, que l’on trouve dans les ouvrages de Pline et de Dioscoride, était déjà utilisé dans l’Antiquité comme remède aux troubles somatiques et psychiques. En outre, il entrait dans la composition de la thériaque. Le millepertuis jouait un rôle important pour les anciennes peuplades germaniques qui pratiquaient le culte du solstice, car la forme et la couleur de la fleur rappellent d’une part le soleil, tandis qu’on considère d’autre part la plante comme «porteuse de lumière». Après la christianisation, le solstice d’été et ses plantes furent consacrés à Jean-Baptiste, car la plante se met à fleurir vers la Saint-Jean (24 juin) et c’est là que sa teneur en principes actifs est la plus élevée. Selon une légende populaire, le suc rouge de la plante symboliserait le sang du martyr de Saint-Jean. Les auteurs des livres de simples du début du Moyen Age appelaient aussi la plante «Corona Regia», couronne royale, parce que ses fleurs ressemblent à une auréole céleste. Le millepertuis est utilisé depuis toujours pour le traitement des plaies et des douleurs. Au Moyen Age et même plus tard, on s’en servait en outre comme d’un remède psychothérapeutique et apotropaïque (pour détourner les influences maléfiques).(Site Internet A. VOGEL). Au XVIIIe siècle, Geoffroy considère la plante comme » vulnéraire, détersive, résolutive, diurétique, hystérique. La dose des sommités fleuries, en infusion ou en décoction, est une poignée et un gros des feuilles et graines. Extérieurement, elle est vulnéraire, détersive, consolidante, adoucissante.
Elle entre dans le Sirop antinéphrétique, apéritif, cachectique, d’Armoise, la Poudre de Palmarius, la Thériaque, le Mithridate, l’Huile de Scorpion composée, l’Onguent Martiatum, le Mondificatif d’Ache, l’eau vulnéraire de Pénicher. »
Enfin, Fournier, dans son livre de recettes (1755) utilise le millepertuis dans plusieurs médicaments comme celui-ci : « Lavement calmant. Recette : Faite une décoction d’eau de (illisible) dans laquelle on fera bouillir des têtes de pavot blanc et des fleurs de Millepertuis. Le tout étant passé et exprimé, vous y ajouterez de l’huile de noix, deux onces, ou huile d’olive et de camomille. » Inscrit à la Pharmacopée française en 1818, il apparaît encore dans le codex de 1949 : frais, il entrait dans la préparation de l’alcoolat vulnéraire, et sec, dans celle du baume du commandeur. Dans le Médecin des pauvres, de Beauvillard (1922) on trouve les autres noms du Millepertuis : herbe aux mille-trous, trucheron jaune ou encore barbe de Saint-Jean. L’auteur précise qu’un « grand verre de mille-pertuis quelques minutes avant le repas débarrasse l’estomac de toutes les impuretés, donne l’appétit, facilite la digestion, supprime les vomissements, les aigreurs, les renvois, etc. Cette infusion est très utile dans les catarrhes chroniques, les rhumes et les affections pulmonaires : très utile dans les catarrhes de la vessie. »
Laurier Sauce. On trouve sous le nom de laurier plusieurs plantes assez différentes. Geoffroy parle du « Laurier franc » qui est en fait le laurier sauce, d’une part, et du Laurier-rose, d’autre part. Concernant le Laurier sauce, on connait peu son histoire comme plante médicinale. Leclerc (1956) rapporte qu’Esculape utilisait l’huile de laurier en frictions, sans grand résultat sans doute, contre le tétanos, et, grâce à elle, Hippocrate avait (déjà) la prétention de favoriser les accouchements sans douleur : il l’ordonnait en injections vaginales. Galien, puis les Arabes lui attribuèrent d’autres vertus. Par contre, la Renaissance n’en fit plus cas. Au XVIIIe siècle, Geoffroy décrit les feuilles comme digestives, résolutives, stomachiques, carminatives. » Quant aux baies, elles sont « stomachiques, spléniques, hépatiques, diurétiques, hystériques : l’huile des baies est adoucissante, fortifiante, extérieurement. Les feuilles entrent dans l’Emplâtre de Bétoine. L’huile de Laurier entre dans l’emplâtre manus Dei, de Paracelse, de Grenouilles, Stiptique de Charas. »
On trouve plusieurs recettes à base de laurier chez Fournier : » Bain pour l’enflure des pieds. Recettes : Dans trois pintes d’eau de vie, y faire infuser des feuilles d’hysope, de lavande, thym, romarin, serpolet, laurier et sang, une poignée de chaque. On en met un demi-septier dans une pinte de gros vin rouge pour en bassiner les pieds soir et matin. S’il survient (de l’) érysipèle, on lave les pieds avec le lait. » Au XIXe siècle, un pharmacien parisien, de la rue Saint-Louis-en-l’île, répondant au nom de Sifflet, exploitait une spécialité à base de beurre de laurier et d’essence de romarin. Un vieux rimailleur, cousin du docteur Leclerc, et qui avait naguère sollicité en vain des prix académiques, venait de temps à autre lui acheter, pour une gérontarthrose, cette pommade calmante : « Voilà, lui disait ironiquement M. Sifflet, qui le connaissait bien, quelques lauriers en remplacement des autres. » (RHP, 1956)
Quant au Laurier-rose, il était connu en Egypte à partir de la cinquième dynastie (2500 ans avant JC). La description de Dioscoride montre que les Grecs anciens connaissaient bien la plante : Nêrion (νήριον), également appelé « arbre aux roses » (rhododendron – ῥοδόδενδρον) ou encore laurier-rose (rhododaphnê – ῥοδοδάφνη) : arbuste bien connu, à feuilles plus longues, plus épaisses et plus rudes que celles de l’amandier, à fleur rose et fruit en forme de corne qui, ouvert, se montre plein d’une substance laineuse semblable aux pappus des chardons ; la racine se termine en pointe et elle est longue, de saveur salée. Il pousse dans les parcs, sur le littoral et le long des cours d’eau. La fleur et les feuilles ont un effet délétère sur les chiens, les ânes, les mulets et la plupart des quadrupèdes, et un effet salutaire sur les hommes, prises en boisson avec du vin contre les morsures d’animaux sauvages, surtout si on y mélange de la rue. Elles sont mortelles pour les animaux faibles comme les chèvres et les moutons, même s’ils n’en boivent que l’infusion. (Dioscoride, 4.81. – trad. Suzanne Amigues). Geoffroy (XVIIIe siècle) explique que c’est un poison, intérieurement. Extérieurement, les feuilles sont « digestives, résolutives, alexitaires ». Il note également qu’elles entrent dans la Poudre sternutatoire de la Pharmacopée de Paris.
Enfin, le Laurier-Cerise aurait été découvert par Pierre Belon vers 1550, dans les environs de Trébizonde, proche de la Mer Noire. En 1576, Charles de l’Écluse (1526-1609) en reçut un exemplaire à Vienne, qui lui fut envoyé par David Ungnad, ambassadeur d’Allemagne à Constantinople ; c’est peut être le premier qui a été cultivé en Europe. Ses propriétés toxiques n’ont été reconnues qu’au cours du XVIIIe siècle à la suite de plusieurs cas d’empoisonnement.(L. Girre, 1981).
Muguet : Matthiole signalait déjà son action cardiotonique en 1580. Au XVIIIe siècle, Geoffroy décrit les propriétés de la plante : « Elle est céphalique, nervine, antiépileptique. Les fleurs entre dans la Poudre antiépileptique, sternutatoire et céphalique. » Le Muguet fait également partie des remèdes anciennement connus en Russie contre les troubles cardiaques, et deux médecins russes en commencèrent l’étude en 1878. En France Germain Sée, à partir de 1882, montra non seulement son influence sur le coeur, mais aussi ses propriétés diurétiques. (Girre, 1981)
Mauve : Les vertus de la mauve étaient déjà appréciées au VIIIe siècle avant notre ère. L’encyclopédie Histoire Naturelle de l’auteur romain Pline l’Ancien (30-79 ap. J.-C.) contient des recettes à base de mauve. Au XVIe siècle, les Italiens l’avaient aussi baptisée omnimorbia, autrement dit : « remède sacré à toutes les maladies »(Site Internet Medisite). Geoffroy au XVIIIe siècle décrit la grande Mauve et la petite Mauve, mais considère que leurs propriétés sont communes : « (La Mauve) est une des quatre plantes émollientes, humectante, laxative, diurétique, pectorale. Extérieurement, les feuilles sont adoucissantes, émollientes. Elle entre dans le Sirop de Guimauve. Les graines entrent dans le Sirop d’Hysope, de Jujubes, les Trochisques de Gordon, le Looc de Santé ». On trouve chez Fournier plusieurs compositions qui incluent de la Mauve, comme celle-ci : « Tisane béchique. Recette : Fleur de mauve, guimauve, bouillon blanc, une pincée de chaque que l’on fera infusé pendant deux heures dans une pinte d’eau bouillante. On peut y ajouter un peu de réglisse. » En 1922, on trouve chez Beauvillard (Médecin des pauvres) que la Mauve est « émolliente et très adoucissante », et trouve ainsi son emploi partout où il y a de l’inflammation. « Les fleurs sont très utiles dans toutes les maladies des voies respiratoires : asthmes, rhumes, toux, etc. Les feuilles s’emploient en cataplasmes comme émollient. Pour calmer les maladies la peau et les inflammations de tout genre, on se sert comme lavage ou application de la tisane de feuille ou de racines de mauve. »
Mandragore : La mandragore, ou plutôt les mandragores — on en distingue, en effet, trois espèces — sont des solanacées voisines des atropa. Deux croissent dans la région méditerranéenne, la troisième se trouve en Asie. L’aspect anthropomorphique de leur racine est le point de départ de la fabuleuse légende des mandragores à qui on attribuait une origine humaine. Aussi ancienne que la Genèse, cette légende a une influence considérable sur l’emploi thérapeutique de la mandragore, la « théorie de la signature » faisant, pendant longtemps, attribuer à cette plante des vertus surnaturelles. Elle a donc été considérée surtout comme plante magique soit dans l’antiquité, soit au Moyen Age, soit à la Renaissance. Dans les temps modernes, elle fait encore partie du folklore de nos provinces métropolitaines ou d’outre-mer. Ce folklore a inspiré la littérature depuis les trouvères jusqu’à nos plus modernes romanciers. On retrouve la mandagore dans Boccace, Machiavel, Shakespeare et La Fontaine ; plus près de nous, dans Goethe, Flaubert, A. France. Un auteur allemand, Hanns Heinz Ewers, a même écrit, au début du XXe siècle, un roman dont le thème est le pouvoir surnaturel de cette plante. Sa légende a enfin tenté les cinéastes et, dans un film récent, la solanée magique joue un rôle de premier plan. RHP, 1949)
La renommée de la mandragore remonte à la plus haute antiquité. Dans les textes égyptiens une déesse qui, ivre de meurtre, extermine l’humanité, est arrêtée dans son carnage par l’action soporifique des sept mille cruches remplies de mandragores.
Les Grecs et les Romains attribuent à la mandragore des propriétés sédatives et calmantes; elle joue un rôle important dans la pharmacie. Dioscoride indique deux formules de préparations somnifères tirées de sa racine. L’usage de la plante au Moyen Age et pendant la Renaissance suit de près la tradition antique. L’Antidotaire de Nicolas de Salerne contient plusieurs médicaments où elle entre, entre autres une huile calmante, l’oleum mandragoratum. Les prescriptions de Nicolas de Salerne se retrouvent dans les pharmacopées ultérieures, par exemple dans celle de Brice Bauderon, si répandue en France au XVIIe siècle.
A côté de ses vertus médicales, la mandragore, on le sait, était réputée pour en posséder d’autres magiques. Son aspect anthropomorphe, qui est incontestable, a donné lieu à toute une floraison de légendes. On croyait que la mandragore poussait des cris quand on l’arrachait, que cette action même était très dangereuse et difficile; pour la mener à bonne fin, une quantité de précautions et d’incantations s’imposaient. Une fois arrachée et dûment conservée dans de l’étoffe, la mandragore apportait la richesse et le succès à qui la possédait. Jeanne d’Arc a été accusée « de porter parfois une mandragore dans son sein, espérant par ce moyen, avoir bonne fortune en richesses et choses temporelles » (Article VII de l’acte d’accusation).
La mandragore était aussi utilisée contre la stérilité et l’impuissance et servait de philtre d’amour. Cette superstition, immortalisée par la célèbre comédie de Machiavel, s’explique quand on songe à l’aspect de la racine. Elle est encore actuellement très répandue en Tunisie.
Mais le vrai mage ne recherchait ni la richesse ni l’amour. Son but était autre : faire passer la mandragore de l’état végétal à l’état animal, réussir à capter son esprit et à créer ainsi une sorte d’homoncule : tentative louable, certes, mais qui n’a jamais complètement réussi. (Bouquet, rapporté par Guitard, RHP, 1936). La mandragore était incluse dans plusieurs préparations du XVIIIe siècle : Grand Emplâtre Barbatum (Fournier), Onguent Populeum…
Mélisse : La mélisse est cultivée depuis toujours comme plante médicinale. Elle fut introduite en France au Xe siècle par les moines bénédictins qui la rapportèrent d’Espagne où elle était employée alors par les médecins arabes dont Avicenne qui déclarait : « la mélisse est propre à relevr les forces, ranimer le courage, faire renaître la gaieté, chasser les soucis, dissiper l’anxiété issue de la bile noire ou atrabile ». Mais on connait la mélisse surtout à partir du XVIIe siècle et de la célèbre eau de Mélisse des Carmes. Au XVIIIe siècle, le père Polycarpe Poncelet, agronome et chimiste réputé, en vante les mérites dans son ouvrage Chimie du goût et de l’odorat, paru en 1755 : »L’eau de Mélisse, vulgairement appelée eau des Carmes, parce que ces religieux en font un grand débit, soutient depuis longtemps sa célébrité par son excellence et ses effets salutaires ; quand elle est faite avec soin, elle est non seulement odorante mais encore très médicale. » Il révèle en avoir trouvé la formule dans un manuscrit ayant appartenu à son inventeur, décédé cent ans auparavant. Les Carmes était l’un des ordres monastiques les plus puissants de la France de l’Ancien Régime. Ils s’étaient installés place Maubert, à Paris puis fondent, en 1611, le couvent des Carmes déchaussés de la rue de Vaugirard. C’est dans ce dernier qu’ils mettent en place la distillerie pour réaliser leur élixir. Au moment de la tourmente révolutionnaire, en 1792, 45 carmes, tous anciens de la rue de Vaugirard, forment une société civile et commerciale, Mira et Lebon, pour exploiter l’Eau des Carmes. En 1793, ils s’installent près de Saint-Germain-des-Prés. Au cours du XIXe siècle, le frère Paradis, seul survivant et détenteur du secret de fabrication, prend un associé, Royer. En 1838, Amédée Boyer entre dans la société et en devient rapidement l’unique propriétaire.
Quant à ses propriétés médicales, il est fait mention de l’Eau des Carmes dans plusieurs ouvrages de référence du XVIIIe siècle. Ainsi, Pierre-Jean-Baptiste Chomel, médecin de Louis XV, écrivait dans son abrégé de l’histoire des plantes (1737) : « Cette eau est fort estimée pour l’apoplexie, la léthargie, l’épilepsie, les vapeurs, les coliques, la suppression des ordinaires et celles des urines… ». En 1770, Joseph Lieutaud, médecin du Dauphin et des enfants de France, reconnait dans son Précis de matière médicale que « l’Eau des Carmes est un des remèdes antihystériques des plus vantés et qu’on emploie le plus fréquemment. Elle n’est pas moins estimée comme cordial pour cesser les syncopes. Elle s’utilise aussi à l’extérieur : on en met dans les narines, sur les tempes et derrière le cou pour remplir les mêmes indications. Enfin, elle est salutaire, appliquée sur les contusions, ecchymoses, membres faibles et paralytiques ». 1 Quant à Geoffroy (1765), il n’évoque pas l’Eau des Carmes, mais il considère la mélisse comme « cordiale, céphalique, stomachale, hystérique et alexitaire. Il précise qu’elle entre dans le Sirop d’Armoise, la Poudre de l’Electuaire letisicans, le Catholicum simple, l’Eau vulnéraire, sans pareille, générale, du lait alexitaire. Toujours au XVIIIe siècle, donne la formule de « l’eau de mélisse magistrale ». Elle contient des feuilles de mélisse nouvelles, de l’écorce sèche de citron, de la noix muscade, de la coriandre, des girofles et de la cannelle. Après avoir laissé infuser pendant trois jours, on distille le tout. « Elle est propre pour l’apoplexie, pour la paralysie, pour la léthargie, pour l’épilepsie, pour les palpitations, pour les vapeurs hystériques, elle fortifie le cerveau, le coeur et l’estomac… Cette eau a été mise en usage à Paris depuis quelques années ». Au XIXe siècle, Dorvault, dans l‘Officine, dit que la mélisse « est fort en usage sous forme d’infusé, comme stimulant, vulnéraire, et antispasmodique. On en fait un alcoolat simple, un alcoolat composé (eau de mélisse des Carmes), un hydrolat. En 1922, le Dr Beauvillard, dans « Le médecin des pauvres », évoque la mélisse : »on l’emploie avec succès dans la migraine, les langueurs et les débilités de l’estomac, les spasmes, les convulsions, les maux de tête, les mauvaises digestions, les vents, les palpitations, etc. » Il donne aussi les autres noms de la mélisse : « citronnelle, citronnade, herbe au citron, citronne, séline, piment des abeilles, panchirade, etc. »
Menthe :
La menthe était connue des Égyptiens qui la cultivaient et des Japonais qui utilisaient le menthol depuis plus de 2000 ans. Hippocrate décrit ses vertus stomachiques et diurétiques, et Charlemagne en impose la culture parmi d’autres plantes à essences. Ce sont les Anglais qui au cours du XVIIIe siècle ont répandu la menthe poivrée en Europe et en Amérique. La menthe doit son parfum à une essence douée de propriétés antiseptiques. Son principe actif, le menthol, est contenu dans toute la plante, son contact procure une sensation de fraîcheur, voire d’anesthésie locale. Geoffroy évoque la menthe de jardin (mentha hortensis), la menthe romaine (mentha romana), la menthe d’eau (mentha aquatica), et la menthe sauvage (menthastrum). Pour lui, ces 4 sortes de menthe ont les mêmes propriétés : elles sont « stomacales, fortifiantes, diurétiques, hystériques, carminatives, apéritives, vermifuges, en infusion, décoction. Extérieurement, elles sont vulnéraires, résolutives. Elles entrent dans le Sirop de Mélisse sauvage, antiscorbutique de Charas, la Poudre Diagalanga, la Poudre de Xilo-aloès ».
Fournier utilise la menthe dans de nombreuses recettes comme celle-ci : « Emplâtre pour les hernies. Recette : des fromigeons, une bonne poignée; six branches de menthe. Faite bouillir le tout avec du lait et une piognée de farine de seigle, pour en faire un emplâtre que l’on appliquera le plus chaud qu’il sera possible, soutenu d’un bon bandage. » Plus récemment, l’Alcool de menthe de Ricqlès fut lancé en 1838, comme nous le précise une publicité de 1882 : « L’Alcool de menthe de Ricqlès, dont la découverte remonte à 1838, a reçu dix-huit récompenses, au nombre desquelles il y a quatre médailles d’or et deux diplômes d’honneur. Ce produit essentiellement hygiénique dont la popularité s’est étendue jusque dans les pays étrangers, est reconnu souverain contre les indigestions, les crampes d’estomac, les maux de cœur, de tête, etc » (T. Lefebvre, C. Raynal, RHP, 2000).
Mille-Feuille (Achilla millefolium): L’Achillée millefeuille (Achillea Millefolium) est connue depuis l’antiquité. La réputation de l’Achillée millefeuille comme plante médicinale remonte à la préhistoire à l’époque du Neandertal… Sans aller si loin, on la retrouve en Chine, 2000 ans avant J.-C., pour des pratiques divinatoires. Le Grec Dioscoride au 1er siècle après J.-C. fut le premier à mentionner l’Achillée millefeuille comme une plante incomparable pour traiter les plaies saignantes. Au Moyen Age et jusqu’aux 19° siècles, l’Achillée millefeuille fut largement utilisée dans toute l’Europe pour ses propriétés cicatrisantes notoires, en témoignent les divers noms communs, herbe à la coupure, herbe aux charpentiers, herbe aux militaires, herbe de Saint-Jean, sourcil de Vénus, saigne-nez….
Selon Pline, naturaliste romain du premier siècle après J.-C., son nom lui vient d’Achille, héros de la mythologie grecque, qui s’en servit pour guérir des blessures. La légende veut que Télèphe, fils d’Hercule et d’Augé, roi de Mysie, ait voulu empêcher de passer sur ses terres les Grecs qui se rendaient à Troie. Dans le combat qui l’oppose à Achille, Télèphe est blessé à la hanche. Un oracle de Delphes dit qu’il ne pourra guérir que par la main qui l’a blessé. Télèphe se rend au camp grec d’Aulis où Achille referme sa blessure en la touchant de la pointe de sa lance rouillée.
Selon une autre version, c’est Ulysse qui, comprenant que le sens de l’oracle était que la lance qui avait fait le mal devait servir de remède, compose un emplâtre avec de la rouille prélevée sur la pointe de cette lance et l’envoie à Télèphe qui guérit bientôt. La formule “guérir par la lance d’Achille” reste proverbiale jusqu’au XIXe siècle. En France, l’Achillée millefeuille est une des «herbes de la Saint-Jean». La fête de Saint Jean-Baptiste, martyr chrétien qui serait né un 24 juin, marque traditionnellement le solstice d’été. La veille de la Saint-Jean, l’usage est de pendre de l’achillée dans sa maison pour se protéger des maladies. (Internet, le monde des plantes, 2018). Au XVIIIe siècle, Geoffroy indique que le Millefeuille (millefolium) est « vulnéraire, résolutive, astringente, détersive ; intérieurement, on l’emploie en infusion, en décoction, en poudre, à la dose de deux gros. Extérieurement pilée, elle a les mêmes vertus. Elle entre dans l’Eau vulnéraire, le Baume Polycreste de Bauderon, le Mondificatif d’Ache, le Martiatum. » Au XXe siècle, Beauvillard (1922) donne les autres noms de la plante : Herbe aux charpentiers, herbe aux coupures, sourcils de Vénus, herbe à mille feuilles, herbe aux militaires, saigne-nez, herbe de Saint-Jean, etc. Pour l’auteur « la plupart des noms lui ont été donnés à cause des propriétés qu’on lui prêtait autrefois, mais il est absolument certain, aujourd’hui, que la mille-feuilles, écrasée et appliquée sur une plaie, ne fait que retarder la cicatrisation. Les seules propriétés utiles de cette plante, c’est d’être tonique, stimulante, antispasmodique et emménagogue. »
Termes médicaux au XVIIIe siècle (Geoffroy)
Acerbe : c’est un goût qui tient de l’aigre et de l’amer.
Adoucissants : remèdes qui corrigent l’âcreté des humeurs. Agglutinatifs : Remèdes qui réunissent et recollent les plaies. Alexipharmaques ou alexitères : remèdes qui résistent aux venins, fièvres malignes, peste, etc. Il y a en a pour l’intérieur et pour l’extérieur. Anodins : remèdes qui calment les douleurs. Antiépileptiques : remèdes contre l’épilepsie ou mal caduc. Antihystériques : remèdes contre les vapeurs de matrice. Antiscorbutiques : remèdes contre le scorbut. Antispasmodiques : remèdes contre les convulsions ; Apéritifs : remèdes qui rendent les humeurs moins épaisses et plus coulantes. Astringents : remèdes qui resserrent les pores et s’opposent au cours immodéré des humeurs. Béchiques : remèdes qui conviennent aux maladies de poitrine. Calmants : c’est la même chose qu’anodins : voyez ce mot. Carminatifs : remèdes qui dissipent les vents. Caustiques : remèdes qui brûlent les chairs Céphaliques : remèdes bons pour les maladies de la tête. Cicatrisants : remèdes qui affermissent et dessèchent les nouvelles chairs des plaies. Consolidants : remèdes qui servent à la réunion des plaies. Cordials : remèdes qui rétablissent les forces abattues Décoction : préparation de drogues médicinales qu’on fait bouillir dans quelque liqueur pour en tirer les vertus. Dentifrices : drogues pour nettoyer les dents. Dépilatoires : drogues qui font tomber le poil. Désobstruants : remèdes qui enlèvent les obstructions ou embarras, causés par l’épaississement des humeurs. Dessicatifs : remèdes qui consomment les humidités superflues, intérieurement et extérieurement. Détersifs : remèdes qui nettoient les plaies, en dissolvant les humeurs visqueuses qui s’y attachent. Diaphorétiques : remèdes qui font dissiper les humeurs, par la transpiration. Digestifs : remèdes qui disposent à la suppuration. Discussifs : remèdes qui dissolvent et dissipent les humeurs. Diurétiques : Remèdes qui adoucissent l’acrimonie des humeurs et les poussent par les urines. Emétiques : remèdes qui excitent le vomissement Emollients : remèdes qui ramollissent les tumeurs, en relâchant les fibres. Errhines : c’est la même chose que sternutatoires : voyez ce mot. Hépatiques : remèdes capables d’enlever les obstructions. |
Hydragogues : remèdes purgatifs qui évacuent les eaux et les sérosités.
Hystériques : remèdes qui excitent les règles. Incisifs : remèdes qui divisent les humeurs grossières Incrassants : remèdes qui épaississent les liquides, et leur donnent de la consistance. Infusion : médicaments qu’on fait seulement tremper dans quelque liqueur chaude et non bouillante, pour en tirer les vertus. Laxatifs : remèdes qui lâchent le ventre, et purgent doucement par bas. Masticatoires : drogues qui se mâchent, et attirent par la bouche les eaux et les sérosités. Maturatifs : remèdes qui disposent les plaies à suppuration. Narcotiques : remèdes qui calment les douleurs et procurent l’assoupissement. Nervins : remèdes qui fortifient les nerfs. Ophtalmiques : remèdes propres aux maladies des yeux. Otalgiques : remèdes bons pour les maux d’oreilles. Pectoraux : c’est la même chose que béchique. Voyez ce mot. Pénétrants : remèdes actifs qui divisent les humeurs. Purgatifs : remèdes qui purgent par bas seulement. Rafraichissants : remèdes qui tempèrent la trop grande agitation des humeurs. Répercutifs : remèdes extérieurs qui repoussent les humeurs en dedans. Résolutifs : remèdes extérieurs qui sont dissiper par la transpiration les humeurs arrêtées dans quelque partie du corps. Spléniques : remèdes propres aux maladies de la rate Sternutatoires : drogues qui excitent l’éternuement Stiptiques : c’est la même chose qu’astringents : voyez ce mot. Stomachiques, stomacales : remèdes propres à faciliter la digestion. Sudorifiques : remèdes qui excitent la sueur Suppuratifs : Remèdes extérieurs qui facilitent la suppuration Tempérants : remèdes qui apaisent la trop grande fermentation. Vomitifs : c’est la même chose qu’émétiques : voyez ce mot à la lettre. Utérins : c’est la même chose qu’antihystériques. Vulnéraires : remèdes propres à la guérison des plaies. Vermifuges : remèdes qui font mourir les vers ou les chassent du corps. Vésicatoires : remèdes caustiques, qui attirent les sérosités vers la superficie de la peau |
- Cité dans « L’eau de mélisse des Carmes de 1611 à 2011, 400 ans de bienfaits », Catherine Deydier et Olivier Dauchez, Larivière ed., 2011.