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Guillaume Valette

Guillaume Valette (1902-1982)*

 

Le Doyen Valette est né le 6 février 1902 à Mézidon dans le Calvados. Il était fils de pharmacien, petit-fils de médecin, arrière-petit-fils de médecins et pharmacien. Il commença ses études de Pharmacie à l’École de Médecine et Pharmacie de Caen dont il fut le lauréat en 1921, les continua à la Faculté de Pharmacie de Paris où il a reçu le prix Flon en 1927. Diplômé Pharmacien en 1924, il était Docteur en Pharmacie de l’Université de Paris en 1926. Licencié ès Sciences Naturelles en 1929 avec les Certificats de Chimie Générale, de Physiologie, de Zoologie, de Botanique, Docteur ès Sciences Naturelles en 1930.

Interne en Pharmacie des Hôpitaux de Paris en 1922 (Hôpital Boucicaut). Médaille d’Argent en 1926, il fut reçu au Concours du Pharmacopat des Hôpitaux de Paris dès 1928, à l’âge de 26 ans. Il fut successivement Pharmacien-Chef à l’Hôpital de Brevannes, à l’ancien Hôpital Beaujon (Faubourg Saint-Honoré), au nouveau Beaujon (Clichy), à l’Hôpital Cochin. Il termina sa carrière hospitalière comme Inspecteur Général des Services Pharmaceutiques de l’Assistance Publique.

Sa carrière universitaire débuta en 1931 par un poste d’Assistant de Microbiologie à la Faculté de Pharmacie de Paris, puis de Chef de Travaux dans la même discipline en 1938. Il fut nommé Maître de conférence de Sciences Naturelles en 1939. Professeur de Zoologie appliquée en 1943 où il prit la succession du Professeur Launoy. En 1952, il fut transféré à la Chaire de Pharmacodynamie, nouvellement créée pour lui, qu’il conserva jusqu’à sa retraite universitaire en 1973. il fut élu, par ses Collègues. Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris de 1960 à 1966.

Membre de nombreuses sociétés savantes, il présida l’Association des Internes et Anciens Internes des Hôpitaux de Paris, la Société de Thérapeutique et de Pharmacodynamie, la Société d’Histoire de la Pharmacie. Élu en 1944 à l’Académie de Pharmacie, il en fut le Secrétaire Général de 1967 à 1982. L’Académie Nationale de Médecine le reçut en 1958 et le porta à sa Présidence en 1980, année marquée par la commémoration du Bicentenaire de Laënnec.

Il fut nommé au sein de nombreuses commissions et conseils : Conseil de l’Université de Paris (1958. Comité Consultatif de l’Enseignement Supérieur (1958). Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (1944). Conseil Supérieur de la Pharmacie (1955). il présida la Commission Permanente de la Pharmacopée (1963) et la Commission interministérielle des Stupéfiants (1961).

Il effectua son service militaire en Tunisie en 1926 et fut mobilisé en 1939 comme Officier Z. Titulaire de la Croix des Services militaires volontaires et de la Médaille de bronze du Service de Santé des Armées, sa carrière dans le cadre de la réserve s’acheva au grade de Lieutenant-Colonel.  Le Doyen Valette était Commandeur de la Légion d’Honneur (1981), de l’Ordre National du Mérite (1972), des Palmes Académiques (1961). il était titulaire de nombreuses décorations étrangères.

Son oeuvre scientifique est considérable. Elle a donné lieu à la publication de plus de 200 notes et mémoires. Elle a été consacrée à trois disciplines, la Microbiologie, la Physiologie, la Pharmacodynamie. Da,s la première rubrique, les recherches portent sur l’action cytolytique des savons, des sels biliaires et des résines glucosidiques comme la convolvuline et la jalapine sur le Pneumocoque et le bacille de LÖFFLER, sur la fixation de la quinine chez les Protozoaires tels la Paramécie et l’Amibe. Les travaux de Physiologie ont trait à la sécrétion intestinale et à la circulation lymphatique. Cette dernière étude a été effectuée avec H. Rouvière. En Pharmacodynamie, on distinguera quatre grand chapitres  : le mécanisme d’action des médicaments du système nerveux central, le transfert transcutané des médicaments et des excipients, la fonction des amines biogènes, le phénomène de tachyphylaxie.

Objet de ses deux thèses, les anesthésiques locaux ouvrent le champ d’activité de G. Valette, alors dirigé par ses Maîtres, Marc Tiffeneau et Jean Régnier. Bien plus tard, G. Valette, devait reprendre ses recherches sur les anesthésiques locaux et étudier leur action sur la muqueuse bucco-pharyngée du Lapin.

Avec son élève Raymond Cavier, il a étudié, à l’aide d’une élégante technique originale, les phénomènes de passage de l’ésérine à travers la peau, passage facilité par divers excipients. Ces deux auteurs, avec leurs collaborateurs dont Jean Savel, montrent l’influence de la longueur de la chaîne carbonée des acides, des alcools, des esters utilisés comme excipients. L’apport des radioéléments, carbone 14 et tritium, permet l’approfondissement de l’analyse (avec J. Wepierre). 

La fonction des amines biogènes et, singulièrement, de l’histamine a représenté une part importante des préoccupations scientifiques de Guillaume Valette. Avec ses élèves H. Huidobro, W. Burkard, Y. Cohen, il étudie le devenir de l’amine, les effets de l’histaminase, enzyme du catabolisme. Il montre ainsi le rôle protecteur des hormones corticosurrénaliennes à l’encontre de l’histamine. Il approfondit le mécanisme de l’intervention de l’ion calcium dans les effets de cette dernière. Il étudie avec son élève P. Rossignol le passage de cet ion à travers le nerf sciatique de Grenouille.

La tachyphylaxie, dans son aspect de phénomène d’homéostasie pharmacodynamique à caractère général, a passionné G. Valette qui lui a consacré ses efforts dans les dernières années de sa vie de chercheur : le phénomène de tachyphylaxie survient par épuisement d’un neuromédiateur : la noradrénaline, lors d’administration répétée d’un alcaloïde sympathomimétique : l’éphédrine. Un second mécanisme est suggéré : l’occupation des récepteurs par l’agoniste à la suite de travaux mettant en œuvre la noradrénaline, l’éphédrine, l’amphétamine radiomarquées. A ce stade, G. Valette aborde la pharmacologie moléculaire, aidé par une pléiade de jeunes chercheurs qui ont nom Stclet, Bralet, Jacquot, Carron, Rapin.

L’œuvre pédagogique du Professeur Valette est non moins considérable.Il a renouvelé l’enseignement de la Zoologie à la Faculté, a introduit l’enseignement, à part entière, de la Physiologie et de la Parasitologie. Il a créé la chaire de Pharmacodynamie. Avec ses collègues R. Delaby et M.M. Janot, il a fondé en 1947 l’Institut de Pharmacotechnie et de Pharmacodynamie, qui a été une pépinière de savants, enseignants et chercheurs des universités, des organismes publics ou des industries pharmaceutiques.

Il rédigea un précis de Pharmacodynamie et dirigea la rédaction d’un traité : « Médicaments organiques de Synthèse », en collaboration avec Léon Velluz. Il participa à la rédaction de nombreux ouvrages parmi lesquels nous retiendrons le traité de Pharmacie Chimique de Lebeau, Janot et Courtois. Le Doyen G. Valette a fait école et, grâce à lui, la Pharmacodynamie est reconnue sans discussion comme une discipline pharmaceutique. Nombre de ses élèves l’enseignent en France et dans le pays francophones.

Type achevé du Pharmacien des Hôpitaux à la culture encyclopédique, à la réflexion profonde, au raisonnement assuré, G. Valette a été un grand hospitalier. il a créé les laboratoires de biochimie de l’Hôpital Beaujon et de l’Hôpital Cochin, préfigurant ainsi les services actuellement dirigés par des Pharmaciens-Biologistes des Hôpitaux.

Il a été un administrateur efficace et un bâtisseur hors pair. Sous son décanat, en pleine vague d’inflation démographique universitaire, le nombre d’étudiants doublant, le corps des enseignants de la Faculté de Pharmacie de Paris est passé de 97 à 245. La réforme de 1962 était progressivement mise en place, des certificats d’enseignement supérieur voyaient le jour en Pharmacie Galénique industrielle, en Législation des établissements pharmaceutiques ; une attestation d’Études relatives à l’utilisation des Radioéléments en Pharmacie était instituée. La Chaire d’Endocrinologie était créée.

Dès sa prise de fonction de Doyen, Guillaume Valette était confronté à un problème de locaux. Il réaménagea les Salons du Doyen, avec goût, aidé en cela par Madame Valette ; il étendit sur deux étages les services administratifs trop à l’étroit au rez-de-chaussée, il fit installer la Salle du Conseil, les Bureaux du Doyen et du Secrétaire Général, la Galerie Fialon qui accueille le Musée de la Pharmacie. Il agrandit et modernisa les locaux des Chaires de Biochimie, Hydrologie, Toxicologie, Chimie Organique, Pharmacodynamie.

Il fut à l’origine de l’extension de la Faculté, faisant construire sur trois étages et un sous-sol, derrière les amphithéâtres Moissan et Guignard. Ainsi, un hall majestueux s’étend de la Cour d’Honneur jusqu’au Jardin Botanique. Des bâtiments enterrés en cour anglaise abritent des laboratoires et des salles d’enseignements dirigés. L’ensemble est  traité en terrasses plantées de gazon et de fleurs pour ne pas réduire les espaces verts.

Enfin, G. Valette choisit le terrain de Chatenay-Malabry et arrêta le plan de masse de la future Faculté de Pharmacie de l’Université Paris XI, sur un terrain de 11 hectares, dotée de salles de gymnastique, d’une piscine et de terrains de sports. Il obtint des services publics, en faveur de l’enseignement pharmaceutique, une monumentale Faculté de près de 60 000 m2, y compris une bibliothèque et un restaurant universitaire. Cette largeur de vue nous est précieuse aujourd’hui où le nombre d’étudiant répartis sur les deux facultés parisiennes avoisine 8000. Une décennie a suffi pour justifier le projet de G. Valette.

Le Doyen Valette s’est intéressé à l’Histoire de la Pharmacie et de la Médecine. il a écrit quelques essais sur les découvertes scientifiques réalisées dans le domaine de la Pharmacologie. Son œuvre d’historien, qui occupait ses loisirs de Professeur honoraire, n’a pas été achevée, malheureusement. Néanmoins, comme Doyen de la Faculté et Président de la Société d’Histoire de la Pharmacie, il a organisé en 1963 les trois journées consacrées au bicentenaire de la naissance de Vauquelin, premier Directeur de l’École de Pharmacie. Il a présidé le Congrès International d’Histoire de la Pharmacie, tenu à Paris en 1973.

Il lui a été demandé d’organiser et de présider le Bicentenaire de Laënnec, et le Centenaire de la Faculté de l’Avenue de l’Observatoire. Il a d’ailleurs préfacé l’ouvrage sur le Centenaire.

Cette vie bien remplie, cette œuvre dense font honneur au corps des Pharmaciens des Hôpitaux, au corps des Enseignants des Facultés de Pharmacie, à la profession pharmaceutique entière. Nous prions Madame Valette, ses enfants et ses petits-enfants, de croire à l’assurance de notre sympathie entière et fidèle.

Doyen Y. Cohen

Faculté de Pharmacie de l’Université de Paris-Sud

* Article paru dans les Annales Pharmaceutiques Françaises en 1982, 40, 6 : 493-497, Masso, ed.

Voir aussi son éloge prononcée par le professeur Delaby

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