illus014

Goudron et les capsules de Guyot

Extrait de l’ouvrage du docteur Dehaut (1902) sur ce sujet1 :

« Beaucoup de personnes savent ce que c’est que le goudron, mais le plus grand nombre l’ignore, et c’est pour être agréable à celles-ci que nous allons donner quelque détails sur ce produit, dont il est tant question depuis quelques années.

Pour fabriquer le goudron, on se sert d’une sorte d’alambic particulier et peu compliqué dans sa construction. On emplit cet alambic de rameaux de sapin, ou d’autres arbres du même genre, et on chauffe à une température suffisante. Alors, une vapeur épaisse, noire et odorante sort de l’instrument ; on fait passer cette vapeur dans de grands tubes réfrigérant dans lesquels se dépose un liquide noir et épais qui est le goudron brut. Après avoir fait subir à ce goudron une purification grossière, on le met dans des tonneaux, et on l’expédie dans les ports de mer.

Quand on fait l’analyse du goudron, on y trouve un grand nombre de substances qui ont, presque toutes, des propriétés conservatrices pour les substances animales ou végétales, et c’est à cause de la réunion de ces propriétés que le goudron est si utile dans la marine, pour empêcher la destruction des bois et des cordages par l’humidité.

C’est en Norvège que croissent les sapins qui donnent le meilleur goudron, et c’est pour cela que le produit norvégien est employé de préférence, dans la médecine, malgré son prix plus élevé.

Dès l’antiquité la plus reculée, les médecins furent frappés de la vigueur remarquable des hommes employés aux travaux de la mer, et ils attribuèrent, en grande partie, cette santé florissante au contact et aux émanations du goudron.

Les propriétés du goudron étaient donc connues depuis longtemps ; mais, on pourrait dire qu’elles étaient plutôt soupçonnées que réellement connues, par suite de la difficulté qui a toujours existé de la faire prendre en quantité suffisante pour produire des effets sérieux.

Publicité pour le Goudron Guyot

Qui ne se rappelle cette façon barbare de préparer l’eau de goudron qui figure encore dans le Codex, et qui consiste à barbouiller de goudron l’intérieur d’une cruche dans laquelle on faisait séjourner de l’eau ? Lorsque l’eau avait pris le goût et l’odeur du goudron, on la buvait, et on la remplaçait par de la nouvelle eau pure. On continuait à boire et à renouveler l’eau, jusqu’à ce que l’odeur du goudron ne fut plus appréciable. Alors, on retirait le goudron, qui n’avait guère diminué de volume, et on le remplaçait par du produit neuf. Les malades, qui croyaient prendre ainsi du goudron, ne prenaient, en réalité, presque rien, et, bientôt découragés, malades et médecins renonçaient au remède. M. Guyot, pharmacien habile de Paris, entreprit de donner au goudron toute la réputation qu’il méritait, en cherchant une préparation qui permit de le prendre aisément, et en quantité suffisante pour produire un véritable effet, et le résultat de ses recherches fut la découverte de la liqueur qui a donné une si grande célébrité au nom de Guyot. Dans cette liqueur, le goudron est devenu entièrement soluble dans l’eau, et, dès lors, rien n’est plus facile que de faire une eau de goudron aussi riche qu’on le désire.

Mais il y a des personnes qui ne servent pas volontiers de l’eau de goudron, soit parce qu’elles ne peuvent pas boire beaucoup, soit parce que leurs occupations ne leur permettent pas de se trouver chez elles, chaque fois qu’il faudrait prendre un verre d’eau. C’est pour répondre à cette difficulté que M. Guyot eut l’idée, vraiment heureuse, de mettre le goudron parfaitement pur dans des capsules qui ne sont pas plus difficiles à prendre que des pilules, et qui sont faciles à transporter dans la poche.

De là, l’existence de deux produits : le goudron Guyot, liquide servant à préparer l’eau de goudron, et les capsules de Guyot, contenant le goudron absolument purifié et sans aucun mélange.

Le goudron Guyot est employé comme agent hygiénique et comme médicament.

Comme moyen d’hygiène, l’usage habituel de l’eau de goudron faible, c’est à dire, contenant une cuillerée à bouche de liqueur par litre d’eau, met le consommateur dans des conditions analogues à celles où vivent les marins. Cette eau de goudron légère convient à tout le monde, mais surtout aux personnes qui vivent et travaillent dans des conditions hygiéniques laissant à désirer, comme les moissonneurs, les ouvriers de la terre, dans les contrées marécageuses ; ceux des usines où il y a encombrement. Si on ajoute la liqueur de goudron dans de l’eau sucrée à l’aide de la réglisse, on a une boisson encore plus agréable, qui peut se prendre aux repas ou en dehors des repas, et à discrétion. Un nombre considérable de personnes ont pris l’habitude louable de ne boire que cette eau de goudron…

Comme médicament, le goudron Guyot s’emploie, à volonté, sous la forme de capsules ou sous la forme de boisson. dans ce dernier cas, on met deux bonnes cuillerées à soupe de liqueur de Guyot dans un litre d’eau, que l’on boit à volonté, sans mesure, à toute heure, à jeun ou en mangeant ; non sucré ou sucré avec du sucre, du miel ou de la réglisse. Quant aux capsules, on peut en prendre deux le matin, au réveil, deux à chaque repas, et deux en se couchant. Elles n’ont aucun goût, et on les fait descendre à l’aide d’un peu de liquide quelconque ou d’une bouchée de n’importe quel aliment.

Les propriétés du goudron se font sentir sur toutes les membranes muqueuses du corps. Lorsque ces membranes fonctionnent bien, le remède n’y produit aucun effet ; lorsqu’elles sont malades et produisent des glaires en excès, l’effet du goudron consiste à rendre cette production de glaires moins active, et finit par la faire cesser entièrement, du moins habituellement, et à la condition que le goudron soit pris en quantité suffisante.

On peut juger, par là, de l’avantage qu’il y a à joindre l’emploi du goudron à celui de notre médication purgative et fortifiante, dans les affections catarrhales ou glaireuses de la gorge, du larynx, des poumons, de la vessie, de la matrice, des oreilles. Si chacun de ces moyens peut suffire, souvent, à amener la guérison, la réunion de deux bons remèdes, qui s’entr’aident, ne peut qu’augmenter les chances de guérison… »

 

  1. Manuel de médecine, d’hygiène, de chirurgie et de pharmacie domestiques par Dehaut…24ème édition, Paris, chez l’auteur, 1902
Tags: No tags

Comments are closed.