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Auguste Arthur GERAUDEL

 Auguste-Arthur GERAUDEL (1841-1906)

GERAUDEL, le roi de la « Réclame » et une entreprise prospère au tournant du XX° siècle.

L’histoire du Laboratoire Géraudel est peu connue et nous avons la chance que trois auteurs (Berdold, Stupp et Dubois) ont édité une petite brochure en 1994 à propos d’Auguste-Arthur Géraudel, le fondateur de l’entreprise pharmaceutique qui portait son nom. Cette brochure est une précieuse source d’informations sur l’histoire de l’entreprise et de son créateur.

Auguste-Arthur Géraudel

L’histoire commence le 4 Mars 1841 avec la naissance de Auguste-Arthur Géraudel au hameau de Bellefontaine, sur la commune de Futeau (Meuse). Issu de parents sans ressources, Auguste-Arthur a un père souffleur de verre et une mère sage-femme. Géraudel reste à l’école locale jusqu’à 12 ans puis va 2 ans au collège de Ste Menehould. A 14 ans, il doit travailler et entre à la Pharmacie Labrosse comme apprenti pour 4 ans. Il part alors à Metz travailler dans une « Droguerie », magasin grossiste en produits pharmaceutiques. Auguste-Arthur entreprend alors un gros travail personnel et réussit en 1862 à l’examen de grammaire au lycée de Metz, ce qui lui permet d’espérer accéder au titre de pharmacien de 2° classe. Et la chance lui sourit : en 1865, une épidémie de cholera sévit à Paris et Géraudel, Interne en pharmacie à Paris depuis 1864, se montre d’un dévouement exemplaire, ce qui lui vaut d’être remarqué et de recevoir le témoignage de reconnaissance de V. Duruy, ministre de l’instruction publique : celui-ci lui accorde la gratuité des droits pour l’achèvement de ses études. En 1868, Géraudel obtient son baccalauréat ès sciences et devient pharmacien de 1° classe dans la foulée. En 1869, il soutient une thèse sur l’opium, avec pour membre du jury Berthelot et Planchon, entre autres.

Les Pastilles de goudron de Norwége

Ayant ainsi aboutit à son objectif, Géraudel rachète l’officine de ses débuts, celle de Labrosse, au 86, rue de Chanzy à Sainte Menehould. Il y poursuit des recherches personnelles et met au point les fameuses pastilles Géraudel. En Raison de sa mère qui souffre de catarrhe bronchique, Géraudel s’intéresse au goudron de Norwége (sic). Cette matière première est bien connue depuis l’antiquité et même avant puisque le goudron végétal était utilisé pour la confection des flèches dès le mésolithique. La Bible en parle également dans l’Exode. Quant à son usage thérapeutique, il était connu dans l’antiquité pour lutter contre les affections respiratoires (ref thèse Erasme Loir en 1940, Montpellier et DORVAULT 1945). Plus près de nous, on trouve des pastilles de goudron (« pice nautica ») en 1860 dans le catalogue MENIER et par la suite, le  Dorvault mentionne les propriétés thérapeutiques du goudron végétal. Ce dernier ouvrage dans son édition 1945 distingue pour l’usage pharmaceutique le goudron végétal ou goudron de Norvège ou du Nord, d’une part, et le goudron des Landes, d’autre part. « Le premier, qui est préféré, s’obtient principalement des Pinus Silvestris et Ledebourii ». L’auteur précise par ailleurs que le goudron s’obtient par la combustion des tronçons, racines et copeaux de pin et de sapin qui ne sont plus aptes à fournir de la térébenthine. « C’est une distillation per descensum »

Le succès de Géraudel et de ses pastilles n’est donc pas lié à l’originalité du principe actif ni même à la forme galénique adaptée. C’est sans doute plutôt associé à deux autres éléments :

–         Géraudel s’est attaché à purifier le produit en le débarrassant de substances irritantes ou nauséabondes auxquelles il était mélangé lors de la distillation.

–         Mais Géraudel et ses pastilles sont aussi (et peut-être surtout) devenues célèbres grâce aux efforts de publicité considérables réalisés dès 1887. Car la concurrence ne manquait pas : les produits à base de goudron végétal et de façon plus générale les produits pour traiter les affections broncho-pulmonaires étaient légions. De nombreux supports publicitaires seront utilisés par Géraudel pour recommander ses fameuses pastilles : la presse bien sûr sera un des support important, comme le Journal Illustré qui publie en novembre 1887 (n°47) un feuillet pleine page pour une publicité ayant pour slogan « Si vous toussez, ne prenez que les Pastilles Géraudel », slogan sans doute peu original mais qui sera repris à de multiples occasions (sous la forme aussi de « Si vous toussez, prenez les Pastilles Géraudel »). Le Courrier Français Illustré, hebdomadaire plus spécialement orienté vers la littérature, les beaux arts, le théâtre, fondé par Jules Roques, donne à Géraudel une large audience. Ses dessinateurs Cheret et Willette apporteront leur talent à la gloire du produit. Enfin, il faut citer l’Illustration qui sera également sollicité comme support de la publicité Géraudel.

Un autre support majeur dont va bénéficier Géraudel et son produit, c’est l’affiche. Et l’aide des dessinateurs déjà mentionnés sera déterminante.

o       CHERET tout d’abord, qu’on salue comme le père de l’affiche artistique, est consacré en 1889 à l’occasion de l’Exposition Universelle, Manet le saluant comme le « Watteau des rues ». A partir de 1890, il réalise plusieurs œuvres majeures, en particulier les « Pastilles Géraudel » en 1891, avec comme personnage principal la « Chérette », personnage féminin élégant et frivole qui se déplace dans l’officine avec désinvolture (ref Marine Robert…). Géraudel avait pris contact avec le peintre réalisateur et l’accord, confirmé par un dîner chez le traiteur Cubat avait abouti  à la création de la fameuse affiche (ref).

o       Plus tard, c’est WILLETTE qui réalise des affiches pour les Pastilles Géraudel. Adolphe Willette est en cette fin de XIX° siècle un des grands animateurs du quartier de Montmartre : il décore de fresques de nombreux cabarets (Le Chat Noir, la Cigale, Tabarin) et est l’un des premiers à s’intéresser à l’affiche (ref Weill).

o       D’autres dessinateurs vont participer à la célébrité des Pastilles : Charles GILLOT (« Tous ceux qui toussent doivent constamment employer les Pastilles Géraudel ») en 1886, SANTINI en 1889, Eugène OGE en 1895, Maurice TAMAGNO en 1907. Cette dernière affiche est intéressante car le dessinateur a associé le thème du froid (classique pour vanter les mérites de pastilles contre la toux) et celui de l’exploit : deux héros, dont l’un est peut-être le Commandant Charcot, ont progressé sur la banquise au-delà des limites atteintes par Nansen. Cette réussite, ils la doivent aux pastilles : « Si nous avons été plus loin que Nansen, c’est grâce aux Pastilles Géraudel » indique le texte de l’affiche.

Enfin, Géraudel utilise d’autres supports publicitaires divers :

–         les cartes postales

–         la musique : l’éditeur MARGARITAT met dans le commerce (à une date non précisée) une partition : « Géraudel-POLKA pour piano, composée par Antony Lamotte, en hommage au célèbre Géraudel, Pharmacien de Ste Menehould ».

–         La poésie tel la Légende de Sainte Menehould par V.G. REIGI (nom fabriqué à partir des lettres de IGIER, ouvrier de l’usine Géraudel. Selon l’auteur, la Sainte se vit consigner pendant 1500 ans à l’entrée du Paradis, et ne fut autorisée à y rentrer qu’après un don céleste : « Ouvrez dit-elle à Pierre, car j’apporte

      Ma grâce et suis digne d’être au ciel

      J’ai créé la… Pastille GERAUDEL »

–         un carrelage réclame a également été créé à partir de l’affiche de Willette (voir illustration) où la caricature est restituée intégralement sur une céramique vernissée du plus bel effet (l’atelier d’émaillage est L. WARIN)

Bref, la publicité que Géraudel ne sera pas le seul à utiliser à son époque pour promouvoir le médicament, est au cœur du succès des fameuses pastilles à base de Goudron de Norvège.

L’entreprise pharmaceutique Géraudel

Le succès des pastilles conduisit Géraudel à quitter l’arrière boutique de l’officine pour crééer une entreprise pharmaceutique, une des premières du genre. Un batiment fut réalisé en 1888 à Ste Menehould au n°5 de la rue Zoé Michel. Cet établissement dont les plans ont été conservés fut le site de la pastillerie jusqu’en 1914, date à laquelle la fabrication fut reprise en région parisienne. On la retrouve en 1945 à Courbevoie, au 3 rue Watteau qui est alors le siège social du Laboratoire Géraudel. Celui-ci, d’après le Dorvault 1945, vend, en plus de ses célèbres pastilles, quelques spécialités supplémentaires : Allepha-quina, Jécol et le Sirop pectoral Géraudel à l’Ephédrine. C’est ensuite à Pontoise que se poursuivit la fabrication quand ce sont les Laboratoires Coupin qui assurèrent la commercialisation des Pastilles.  

Géraudel a deux fils et décède en 1906

Bruno Bonnemain, 2005

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