La verrerie pharmaceutique
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Gravure satirique contre le suffrage universel qui est représenté sous la forme d’un alambic distillant trois régimes hétéroclites (2° quart du XIXe siècle)
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Catalogue Pharmaceutique DORVAULT de 1877. Publicité pour Danin & Fils
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Le verre est connu depuis l’Antiquité. Pline d’Ancien attribue sa découverte au hasard. La plus ancienne pièce de verre serait une perle ronde d’Amenhotep Ier (1551-1527 avant JC). Quant aux Romains, c’est vers 31 av. JC qu’on trouve les premiers vestiges de fabrication du verre. Très tôt, on utilisa le verre pour contenir des médicaments : collyre, onguents, etc.. Pline l’Ancien recommande de conserver dans des vases de verre l’urine de sanglier qu’il vante dans la traitement des douleurs d’oreilles.
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Catalogue commercial Menier 1860. Chapitre des verres blancs |
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L’art du verrier fut importé en Gaule et en Espagne par les Romains. Pline nous affirme que les verreries gallo-romaines étaient fort nombreuses des bords du Rhône à la côte Atlantique. A la mort de Constantin, en 337, la verrerie gallo-romaine avait une prédominance totale sur la poterie et l’orfèvrerie. Après une période de régression dans la fabrication du verre, son usage se répand en Europe. En France, du Moyen-âge à la Renaissance, on a pu compter 168 verreries. Au XVe siècle, on trouve des fioles de verre chez les apothicaires. |
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Catalogue commercial Menier 1860. Chapitre du cristal fin et du cristal ordinaire (appareil à déplacement) |
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Mais c’est surtout à partir du XVIe siècle que l’usage du verre va se répandre en pharmacie. Les trochistes, dit Bauderon en 1595 seront gardés « dedans des pots de verres ou de terre vernissée ». Au XVIIe siècle, le verre joue un grand rôle dans la conservation des médicaments. C’est au XVIIIe siècle qu’est découverte la fabrication du cristal par l’ajout de plomb. L’utilisation du verre en Pharmacie ne cesse de croître. Dès 1779, des bouteilles sont utilisées pour le transport des eaux minérales. Le verre sert également à la confection de pots et même de boites. Mais on utilise aussi des instruments (vaisseaux, cornues de verre, mortiers…). Catalogue Dorvault 1877 |
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Moyse Charas, dans sa Pharmacopée, décrit plusieurs vaisseaux en cristal : bassins plates, aiguières, tasses, bouteilles, vases, buetes…, mais, dit-il, on en fait de bien plus grande quantité en verre : cloche, Pelican, vaisseaux à distiller, matras à long col, cornues, cucurbites, biberons, pots, écuelles… De nombreuses apothicaireries d’hôpitaux sont pourvues en matériel de verre. Par ailleurs, les bouteilles de verre sont souvent des moyens de mesure des volumes. Lémery précise les conditions dans lesquelles on peut s’en servir après les avoir soigneusement « qualifiées » comme on le dirait aujourd’hui. | |||
Catalogue Pharmaceutique DORVAULT de 1877 |
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Verrerie de l’apothicairerie de Bazas Photo Bruno Bonnemain |
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La Révolution française va supprimer les privilèges et avec eux, beaucoup de verriers. A part quelques exceptions notables comme l’apothicairerie de Bazas, la verrerie hospitalière est moins fournie. Mais la fin du XIXe siècle et le XXe siècle vont voir le développement de la fabrication industrielle du verre. Le verre devient très utilisé dans les pharmacies, soit pour la décoration (boules de verre ou de cristal en devanture), soit pour conserver les médicaments de l’officine. La diversité des formes et des couleurs devient très importante. La qualité du verre s’améliore également. | |||
Catalogue Pharmaceutique DORVAULT de 1877 | |||
Verrerie de l’apothicairerie de Bazas Photo Bruno Bonnemain |
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Pour mieux représenter la verrerie au XIXe siècle, il faut lire le Catalogue Commercial de Menier dont on reproduit ici quelques planches sur la verrerie pharmaceutique. Sous le titre « Cristaux, verreries, porcelaines, faïences, terres et grès », l’entreprise Menier définit précisément la conception de la verrerie pharmaceutique de l’époque: 1°) le mot flacons tout seul ne spécifie pas ; pour être compris, il est nécessaire de la faire suivre d’une autre qualification, telle que flacons à émeri A ETROITE OU LARGE OUVERTURE , ou flacons NON BOUCHES A L’EMERI. |
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Flacons de pharmacie à étiquettes émaillées (XVIIIe siècle. Publié par la RHP, 1957 (Collection Pierre Chassaigne, Paris) |
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2°) Les flacons non bouchés à l’émeri sont désignés dans la fabrique sous le nom de Goulots lorsqu’ils sont appliqués aux liquides. ; de Poudriers ou de Cols droits lorsqu’ils doivent renfermer des substances sèches, et de Bocaux à fleurs lorsque l’ouverture a presque le diamètre du flacon.
3°) il est utile de spécifier l’espèce de verre par les mots Cristal fin, Cristal ordinaire, verre blanc ou verre bleu ; et de désigner la forme des vases par le numéro des figures. 4°) La manière la plus simple d’indiquer la grandeur des vases en verre est de l’exprimer par leur capacité en litres et fractions de litre. Si l’on veut fixer la hauteur et le diamètre, il est essentiel de dire HAUTEUR JUSQU’A LA BASE DU COL (épaulement), HAUTEUR JUSQU’A L’ORIFICE, DIAMETRE A LA BASE DU FLACON, DIAMETRE DE L’OUVERTURE. Ce dernier chiffre est utile à connaître pour adapter des capsules à ces flacons.
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Catalogue Dorvault 1877. Chapitre VERRE BLANC | |||
5°) Lorsque l’on veut faire remplacer le couvercle d’une conserve, il faut dire si ce couvercle couvrait en dehors ou en dedans, et envoyer la figure du cercle obtenu en posant sur un papier l’ouverture de la conserve, et traçant une circonférence avec un crayon promené autour de cette ouverture. Ces remplacements de couvercle réussissent difficilement , parce que les vases en verre ne sont pas des cylindres réguliers. Ce n’est que sur la conserve elle-même qu’on pourrait adapter un couvercle convenable. 6°) Il faut toujours s’attendre à un délai de vingt-cinq jours à un mois pour la livraison… |
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Catalogue Dorvault 1877. | |||
17 ans plus tard, le catalogue Dorvault dont nous voyons ici quelques pages, ne donnera pas d’informations très différentes sur la verrerie pharmaceutique. | |||
Catalogue commercial Menier 1860 | |||
Le XXe siècle va changer la donne de façon considérable en ce qui concerne le verre à usage pharmaceutique. Tout d’abord, la spécialité va progressivement réduire puis presque supprimer les préparations magistrales. La verrerie de l’officine est donc aussi fortement réduite et fait place aux produits prêts à être dispensés aux malades. Le problème du verre est désormais celui qui doit être adapté à la conservation prolongée des produits. Deuxième révolution importante : celles des injectables dont l’importance va croitre à partir de la 1ère guerre mondiale, et la découverte des pyrogènes.
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Catalogue Dorvault 1877. |
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Après la deuxième guerre mondiale, les composants nécessaires à la fabrication du verre ne changent pas mais on améliore la qualité du verre par l’addition d’adjuvants en fonction de son usage. La fabrication devient complètement automatisée et permet une forte augmentation des volumes et une baisse des coûts de production. Mais un autre point important va se modifier. L’étude de la stabilité des produits conditionnés dans des récipients en verre conduit à définir 4 types de verre : – le verre type I (verre neutre) destiné aux produits injectables, au sang humain et aux produits dérivés, et neutre dans la masse.L’oxyde de bore remplace en partie la silice (verre borosilicaté). – le verre de type II neutralisé en surface (verre sodo-calcique). Les flacons correspondant peuvent également être utilisés pour la plupart des produits injectables – le verre de type III qui n’est pas adapté aux préparations à usage parentéral et convient principalement aux sirops et aux produits pulvérulents. – le verre de type IV qui est généralement impropre à l’usage pharmaceutique. Il faut aussi constater que le verre pharmaceutique va progressivement se voir concurrencé par le plastique : en Europe ce dernier a déjà remplacé le verre pour les solutés de perfusion qui sont surtout présentés en poches souples (PVP ou PVC). Mais aussi de nombreux fabricants ont remplacés des contenants en verre par des produits similaires en plastique : seringues pré-remplies, flacons , etc. Ce n’est sans doute pas la fin du verre à usage pharmaceutique qui reste souvent indispensable. Son heure de gloire est quand même derrière nous, sans doute ! |