Exposition temporaire
Publicités anciennes
(XVIIIe et XIXe siècles)
Tous les remèdes secrets, spécialités ou médicaments anciens dont on trouve ici la description n’ont pas fait l’objet d’études approfondies. Certaines ont été plus étudiées et feront l’objet d’un commentaire précis. Toutes présentent un intérêt pour l’histoire du médicament durant cette période. Ils sont, avec d’autres, le témoin des évolutions en matière de soin.
Elixir de la Grande Chartreuse
C’est un très vieil Elixir dont la recette figurait dans un manuscrit offert aux moines Chartreux par le duc d’Estrée en 1605. C’est le frère Jérôme Maubec, du monastère de Grenoble, qui crée la première liqueur en 1737. Lorsque l’Ordre des Chartreux est dispersé à la Révolution, le dernier moine se décide à céder le manuscript à un pharmacien, mais il revient aux Chartreux en 1816.
Les propriétés thérapeutiques revendiquées étaient très nombreuses. Par voie orale, l’Elixir était censé être souverain dans les apoplexies, les syncopes, les défaillances,etc. On l’administrait aussi pour les grandes palpitations et autres problèmes cardio-vasculaires. Il était également considéré comme stomachique et comme facilitant la digestion, mais aussi comme fébrifuge. On l’utilisait enfin par voie externe pour soigner les plaies récentes. Comme beaucoup d’autres médicament réputé, il fut souvent copié ! , d’où la mise en garde sur ce sujet dans le prospectus publicitaire.
Eau Spiritueuse de Comère-Duchans
La Revue d’Histoire de la pharmacie évoque cette spécialité à plusieurs reprises, en particulier en 1944, à l’occasion d’une collection de Toulouse, celle de Dupuy : Cette collection comprenait un prospectus de l’Elixir Salutaire du sieur Comère, de Montpellier, vu et approuvé le 15 juillet 1740 par le Doyen de la Faculté de Montpeliier. « Il raccommode l’estomac, en détruit le mauvais levain, fortifie, restaure et ranime la nature sans y causer aucune altération; il augmente la chaleur naturelle, ranime toutes les parties vitales, entretient la santé, conserve l’humide radical, fait circuler le sang, en absorbe les acides, le rend Balsamique, donne beaucoup d’appétit, et ranime les forces abattues ».
Par ailleurs, un autre prospectus de l’Eau Spiritueuse de Comère-Duchans indique : « Le Sr Comère-Duchans avertit le public qu’il a établi des Bureaux d’Entrepôt dans les principales villes et Ports de mer du Royaume… à Paris, chés le Sr Duchans, à l’Hotel de la Galère, rue St-Thomas du Louvre… », etc. « Le prix des bouteilles est depuis 12 s., 15, 24, 30, 40, 3 L., 6 L., jusqu’à 12 Livres ». D’après l’Etat de Médecine pour 1776, l’Eau Vulnéraire de Comète (sic) de Montpellier, a été approuvée par l’Académie Royale des Sciences.
Eau dite de Ninon de Lenclos
Selon les prospectus diffusés sur ce médicament, l’Eau dite de Ninon de Lenclos a conservée cette dernière « belle, fraîche, et d’une santé parfaite jusqu’à quatre-vingt-dix ans… « Elle se vend par petites bouteilles, de 3 francs et de 6 francs, avec la manière de s’en servir, au seul et unique dépôt, rue du Helder, n°6, chaussée d’Antin, chez Mme Meslin. (voir Eau de Hongrie).
Eau d’Orval
L’Eau Vulnéraire, dite d’Arquebusade, « parce qu’elle guérit les Playes profondes causées par les Armes à feu, coup d’Epées et autres accidents : vieux Ulcères, Contusions et toutes sortes de brûlures. Etant prise intérieurement, elle guérit de la Pleurésie et des Abcès dans le corps, Vomissements et Ruptures intérieures, causées par des chûtes ou par des efforts… »
On en attribue la paternité à Nicolas Lémery. Dès 1685, Madame de Sévigné, pour une plaie de la jambe, en éprouvait et vantait les bienfaits.
La formule, démarquée, simplifiée en 1695 par l’apothicaire parisien Pénicher, passe au XVIIIe siècle, plus ou moins modifiée dans les Pharmacopées de Strasbourg, de Vienne, de Paris, fait la fortune de divers apothicaires Lausannais qui invoquent les vertus particulières qu’y apportent les plantes alpines.
L’eau de Hongrie (ou Eau de le Reine de Hongrie)
Elle connut une grande vogue sous Louis XIV grâce à la réclame charlatanesque faite par les Capucins du Louvre ou par Jean-Baptiste Daumont, qui tenait boutique ouverte à l’enseigne du Messager de Montpellier; celui-ci obtint même du premier médecin de Sa Majesté, le Dr d’Acquin, le droit de la distiller, tout en l’obligeant d’en tenir des bouteilles de quinze sols à la disposition de la Cour; aussi fut-elle admise comme une panacée universelle, dont Mme de Sévigné portait toujours un flacon sur elle.Cette eau de Hongrie se prescrivait comme un excellent spécifique contre la peste. Il s’agissait de l’alcoolat de Romarin qui proviendrait d’une reine « Yzabelle de Hongrie » que certains auteurs ont identifiés avec Elisabeth, fille de Wladislas Lokietek, roi de Pologne, laquelle épousa, en 1319, Charobert, roi de Hongrie, et mourut en décembre 1381; d’autres, avec sainte Elisabeth de Hongrie, née en 1207 et morte en 1231, etc. Ces attributions mensongères sont l’oeuvre de quelques empiriques malins qui, pour faire admettre leur produit à la cour ou chez les grands, lui donna le nom d’une reine imaginaire.
Chez les gens du monde, l’eau de la reine de Hongrie fut en vogue jusqu’au règne de Napoléon Ier; supplantée par l’eau de Cologne, elle prit alors le nom d’eau de Ninon. Après avoir figuré dans les pharmacopées officielles jusqu’au milieu du XIXe siècle, elle est tombée dans un profond oubli.
Le Sel désopilant de Guindre
Il porte le nom de son inventeur et fut l’objet d’une publicité importante à la fin du XVIIIesiècle. Jean Guindre (v.1719-v.1790) était maître-apothicaire à Paris et fut nommé apothicaire du commun de la reine en 1742. Le sel était vendu en nature ou en solution (c’était l’eau désopilative).
On peut lire sur le prospectus du XIXe siècle : « Ce bienfaisant purgatif, inventé il y a plus d’un siècle (vers 1740) par feu Guindre, apothicaire de Mme la Dauphine et de mme la Comtesse de Provence, à Versailles a été composé et distribué par lui pendant plus de 50 ans, avec un succès non interrompu. Alors, comme aujourd’hui, on lui a reconnu des propriétés laxatives et fondantes qui, dans la plupart des maladies, ont produit des résultats remarquables et souvent inespérés »
Baume du Commandeur.
Le baume du commandeur de Berne (sic) est bien connu des historiens de la pharmacie. On le trouve sous diverses appellations : teinture balsamique, baume du Chevalier de Saint-Victor, baume des Innocents, baume catholique, baume vulnéraire anglais, baume persique, Elixir traumatique ou encore baume de la Miséricorde.
Le Commandeur de Pernes est le frère Gaspard de Pernes, commandeur de l’Ordre de Malte en la Commanderie de Xugney et Libdeau, près de Toul, dans les années 1680-1682. Pomet dans son « Histoire générale des drogues » en rapporte la formule à base de baume du Pérou, de Styrax et de Benjouin. Cette appartenance à l’Ordre de Malte amène à penser que ce baume faisait partie d’un recueil de formules pharmaceutiques de l’ordre. Les formules de ce baume ont beaucoup changé depuis le XVIIe siècle.
Il fut inscrit à la Pharmacopée française jusqu’à l’édition de 1937 comprise.
Boule de Mars, boule de Nancy, boule d’acier :
Ce sont les dénominations que l’on trouve pour désigner un un produit solide obtenu par trois évaporations successives de mélanges de limaille de fer et de tartre, macérés dans des décoctions des espèces vulnéraires. la pâte est mise en forme de boules de 30 grammes (Pharmacopée française de 1866) On s’en servait en trempant la boule dans l’eau et en utilisant « l’eau de boule » ainsi obtenue. La préparation de ce type la plus ancienne date de 1675 (Médecin des Pauvres, Paul Dubé) mais sera progressivement introduite dans de nombreuses pharmacopées. on retrouve la formule dans la pharmacopée française de 1818.
L’incorporation de plantes vulnéraires est une spécialité de Nancy au XVIII° siècle. La composition de ces « boules de Nancy » ne sera connue qu’en 1828 grâce à Guibourt qui en publie la composition. La fabrication des Boules de Nancy a cessé dans les officines avant 1914, mais la Cooper en a produit jusqu’en 19492.
Parmi les nombreux documents publiés sur ce médicament, on peut citer la permission accordée à Claude-Charles Goeury de composer la Boule d’acier vulnéraire en 1764 par le Roi : « Le Roi, étant à Luneville, sur la représentation qui lui a été faite par Claude-Charles Goeury, Concierge de l’Hotel Commun de la ville de Nancy, qui ayant acquis le secret de la composition de la Boule Vulnéraire, appelée vulgairement Boule d’Acier ahumblement fait supplier sa Majesté de lui accorder la Permision : à quoi… Sa Majesté a permis et permet par ses présentes audit Claude-Charles Goeury de composer les Boules Vulnéraires d’Acier dites de Mars, et de les vendre et les distribuer au public, tant dans la dite ville de Nancy qua dans tous ses Etats… »
Voir aussi le site Wikipedia sur ce sujet et l’article publié par Mr Etienne Martin, de l’Université de Nancy. : http://fr.wikipedia.org/wiki/Boules_d%27acier
Pommade de Porcheron
C’est en 1715 que l’on trouve semble-t-il pour la première fois une publicité pour ce médicament, dans le Nouveau Mercure Galant. Il y est indiqué que « Le sieur Porcheron a un secret merveilleux contre les Rhumatismes inveterez, gouteux, douleurs de nerfs et sciatiques. le secret consiste en une Pommade composée de simples, approuvée de Messieurs les Doyen et Docteurs de la Faculté à Paris… ». Dans le même journal, en 1722, est rapporté la guérison du Cardinal Dubois par cette pommade. Lorsque le Cardinal est attaqué par une sciatique, en septembre 1722, le comte de Belisle lui conseille le remède de Porcheron qui avait guéri, six ans auparavant, la marquise, sa mère, atteinte de la même affection. La réclame précise que cette pommade est approuvée par le Premier Médecin et le premier Chirurgien du Roi et autorisée par le Lieutenant de Police de Sa Majesté et qu’employée en frictions elle a « opéré en moins de trois jours la guérison parfaite de M. le Cardinal ».
Quelque dix-huit ans plus tard, ce remède secret est exploité par Carlier, gendre de Porcheron, alors décédé. Le prospectus ci contre date de 1745.
Beaume de Mai
Comme l’indique le prospectus de ce remède secret, le baume de mai est « composé dans le moi de mai, avec les Plantes et Racines les plus merveilleuses, que les hommes les plus éclairés et les plus savans puisse connoître, joint avec d’autres Matières, que chacun en particulier seroit en état de soulager les Maux ci-bas nommés. il n’est pas douteux que le tout ensemble ne soit d’une grande vertue ».
Poudre Purgative d’Ailhaud
Jean Ailhaud (1673-1756) reçu, grâce à son remède, d’immenses revenus qui permirent à son inventeur l’acquisition de la baronnie de Castres et des fiefs de Vitrolles et de Monjustin, etc… A base de suie de cheminée et de résine de scammonée, le remède universel se vendait par paquet de dix prises, à 12 livres 10 sols tournois le paquet. Un arrêt du Conseil d’Etat du 25 avril 1769 avait exempté la poudre de tous droit d’entrée, de sortie et de circulation dans le royaume.
Le corps médical s’est déchaîné contre le petit docteur de Lourmarin. Certains médecins soutenaient Ailhaud, de même que des apothicaires et des droguistes. mais les plus nombreux propagandistes et les plus actifs étaient les ecclésiastiques, séculiers ou réguliers. De très nombreuses lettres de guérison entre 1724 et 1764 témoignent du succès de ce remède : plus de cent mille lettres déclarait un des descendants Ailhaud ! Jusqu’en 1766, il fut principalement utilisé en France, date à partir de laquelle Jean-Gaspard d’Ailhaud ambitionna de le propager à travers le Monde, jusqu’aux lieux les plus reculés. On traduisit le texte en grec, en latin, en italien, en arabe, etc.
Le succès de cette poudre durera tout au long du XVIIIe siècle et même une partie du XIXe où une ultime tentative pour remettre en faveur le remède familial fut tentée en 1850 par les descendants de Jean Ailhaud, après un siècle de prodigieux succès.
La poudre de Madame la Princesse de Carignan
Elle était réputée efficace contre les convulsions chez l’enfant. Composée de « Guy de chêne, racines de fiaxinelle, de corne de cerf préparée, de racines de pivoine, de carbonate d’ammoniaque et de Karabé, cette poudre devait être prise « dans du lait de la nourrice aux enfans à la mamelle, ou dans du lait de vache à ceux qui sont sevrés; on la leur fait prendre dans du bouillon, dans de l’eau distillée de fleurs d’oranges, dans une infusion de fleurs de tilleul, ou dans de l’eau pure, et jamais dans du vin.
Autres publicités du XVIIIe siècle
(pour lesquelles nous n’avons pas de détails)
Spécialités et remèdes secrets du XIX° siècle
La législation pharmaceutique du début du XIX° siècle (loi de Germinal) n’empêcha pas la poursuite des remèdes secrets, et de l’activité de charlatans fortement combattus par les pharmaciens comme Cadet de Gassicourt. D’autres rares produits avaient l’autorisation de l’Académie de Médecine d’être vendus1. En 1831, les spécialités autorisées sont les pilules de Belloste, les grains de santé du Dr Franck, la poudre d’Iroë, le rob de Boyveau-Laffecteur, la pommade de la veuve Farnier, les préparations de Kunckel. SDont aussi autorisés plus tardivement les pilules de Vallet (en 1938), les préparations de Gélis et Conté, le citrate de magnésie de Rogé, le Cousso de Rochet d’Héricourt et le charbon de Belloc. Certaines de ces spécialités donneront lieu à une très large publictés dans les journaux ou sous forme de prospectus.
Les pilules de Vallet
Elles ont fait l’objet de très nombreuses publicités dans les journaux tout au long du XIX° siècle. On les trouve aussi bien dans le Journal de Toulouse que dans d’autres régions de France. On trouve, par exemple, dans le Journal de Toulouse, le 18 octobre 1854, un argumentaire sur ces pilules « adoptées depuis plus de 15 ans par les médecins, pour guérir les pâles couleurs, les pertes blanches et pour fortifier les tempéraments faibles et lymphatiques ». Faisant partie des rares spécialités autorisées, les pilules Vallet sont l’objet de contrefaçons ce qui amène le journal à préciser : »Pour se garantir des contrefaçons, il faut s’assurer que chaque flacon porte sur l’étiquette la signature Vallet, inventeur – A Paris, rue Caumartin, 45″.
On trouve une publicité très large également dans le Journal d’Annecy en 1886. Le fabricant est devenu la Maison Frère, 19, rue Jacob à Paris. il est signalé l’évaluation faite par le Dr Piorry, professeur à la Faculté de Médecine de Paris qui indique avoir comparé entre elles les différentes préparations ferrugineuses et conclut : « Le charlatanisme exploitant outre mesure et sous toutes les formes les médicaments dont le fer forme la base; il est de la plus haute importance de faire un bon choix, car on obtient souvent que des résultats négatifs d’une foule de médicaments forts vantés et dont la publicité préconise tous les jours la valeur.Nous devons à la vérité de dire qu’entre nos mains, les pilules de Vallet (vraies) n’ont jamais été infidèles… ».
Sirop de Labeylonie.
Jean-Pierre, Claude, Clément Labelonye et son sirop mériteraient à eux seuls une exposition temporaire ! Ce pharmacien parisien est né le 23 novembre 1810 à Navarrenx (Pyrénées-Atlantique) Il est non seulement l’inventeur du sirop qui porte son nom, mais aussi ancien conseiller général, maire de Chatou et fut élu aux élections complémentaires de 1871 comme représentant de la Seine et oise à l’Assemblée Nationale.
Son sirop connu beaucoup de succès en France, ce qui conduisit à la création d’une société pharmaceutique, mais aussi à l’étranger comme en témoigne les publictés pour le sirop que l’on trouve en Hongrie en 1866.
Ce succès amena aussi la société Labelonye a déposer une marque en 1883, à 5 heures du soir. Cette marque protège le nom du produit, la signature de l’inventeur, et l’étiquette proche de celle montrée ici, avec l’empreinte du cachet (en bas à gauche) appliquée sur le bouchon. Cette étiquette est apposée sur le papier qui enveloppe les bouteilles contenant un sirop de la fabrication du déposant, précise le texte de dépôt de marque.
L’eau du docteur Jackson,
Composée de gaïac, de cochléaria, d’écorce de grenade, elle convient pour le raffermissement des gencives molles, boupsoufflées et saignantes : par le pyrèthre, elle est odontalgique ; et, par la vanille, la myrrhe et le benjoin qu’elle tient en dissolution, elle est balsamique, rend l’haleine fraîche, et peut neutraliser l’odeur des dents gâtées et la mauvaise haleine des fumeurs et des personnes qui ont mauvais estomac.
La publicité présentée ici a été publiée dans la Revue « Charivari », le 9 octobre 1840.
Pâte de Regnauld
Cette spécialité a donné lieu à une abondante littérature et de savoureuse caricature de daumier à propos de son co-propriétaire, le Dr Véron. Régnault, l’inventeur, meurt prématurément en 1826 et sa veuve vend sa spécialité à son ancien élève, Louis-Rné Frère. ce dernier s’associe au Dr Véron qui fera fortune grâce au médicament (voir RHP, 1950, p136).
Autre publicités du XIXe siècle
2. Jean Armand Martin. Dictionnaire d’Histoire de la Pharmacie, Pharmathèmes, 2007
3. P. Dorveaux. Revue d’Histoire de la Pharmacie, 1918
* Ce médicament de Permiseux fut aussi soutenu la la loge de l’Athénée Français et la Loge des Disciples Ecossais des Héros de l’Humanité !!