Les grands centres français de la faïenceries
producteurs de pots de pharmacie*
(suite et fin)
Exposition 1° partie Exposition 2° partie Exposition 3° partie
-
De Saint-Cloud à Paris
Quand le roi Louis XIV fonde l’infirmerie royale de Versailles, pour « soulager les misères de son peuple », il passe une importante commande à la fabrique de Saint-Cloud; mais il s’adresse aussi à la production parisienne pour Saint-Germain-en-Laye et Saint-Denis. A l’origine de la manufacture de Saint-Cloud, il y a les frères Révérend qui s’associeront avec Chicaneau. Celui-ci décède en 1678 et sa veuve se remarie avec un nommé Trou. La fabrication devient alors Chicaneau-Trou et pour compliquer le tout, certains enfants des deux lits s’installent à Paris, d’autres à Saint-Cloud…
Si bien que, là encore, il y a des difficulté d’attribution des pièces : même terre, même émail, même décor et mêmes artistes. une certitude toutefois : Saint-Cloud cerne de noir ses décors; Paris les cerne de bleu.
Grâce aux commandes retrouvées, on sait en revanche que l’abbaye de Chelles, que dirige l’abbesse Marie-Adelaïde d’Orléans, fera réaliser à Paris ses pots d’apothicairerie, et que l’infirmerie royale de Saint-Cloud s’adressera à Saint-Cloud.
Début du 18e siècle, les décors au grand feu des deux fabriques suivent la mode extrême orientale, avec lambrequins et couronne de petites fleurs. Plus tard, avec le retour du naturalisme, on verra apparaitre des roses et des œillets.
On trouve à Paris, comme partout, deux branches feuillues réunies par une sorte de marguerite, avec inscription à l’intérieur. . A Paris même, de nombreuses commandes sont passées avec la construction de l’Hôtel-Dieu, puis de l’hôpital Saint-Louis et de la pharmacie de l’hôpital de Fontainebleau.
La quasi-totalité des manufactures parisiennes sont réunies rue de la roquette à Paris. C’est le cas de la manufacture de Thory qui reçoit en 1778, une commande de Jacques Necker, alors Directeur général de Trésor, pour l’Hospice des enfants assistés. Ces pots porteront les armoiries de leur bienfaiteur.
Un autre faïencier parisien célèbre de la rue de la Roquette, Ollivier, reçoit une importante commande de Nicolas Beaujon, financier qui décide de faire construire un hospice pour les orphelins. Ces pots sont agrémentés de décors au petit feu très originaux et nouveaux pour l’époque. Et surtout, ils affichent une fraîcheur qui fait penser à la porcelaine. On y trouve des bleuets, des rubans, des guirlandes; des serpents enroulés forment les anses des grands vases couverts dont le couvercle a comme fretel une pomme de pin.Tous portent les armes de Nicolas Beaujon.
|
|
Les formes un peu lourdes au début s’allègent avec le temps : lignes droites sous Louis XIV, lignes courbes sous Louis XV et Louis XVI.
- Sceaux et Bourg-la-Reine
Pour la région parisienne, il faut encore aller à Sceaux où Jacques Chapelle, génial artiste faïencier, qui œuvre dans cette fabrique de 1750 à 1763 uniquement au petit feu, réalise des pots destinés à l’hôpital des frères de la Charité à Paris. Ils présentent un décor au naturel de fleurs et fleurettes avec feuillage en deux tons de vert (signe de reconnaissance pour l’attribution à cette fabrique), très doux, presque pastels, avec un bleu lavande tendre.
De Sceaux, passons à Bourg-la-Reine avec le sculpteur Jacques et le peintre Jullien, deux faïenciers qui ont quitté Sceaux pour créer la manufacture de Bourg-la-Reine en 1772. On leur attribue des séries de pots de formes simples et assagies par rapport au motif rocaille, avec un décor en coloris assez vifs de branches de feuillage, nouées par un ruban rose avec, à l’intérieur, l’inscription du produit, réalisée en noir.
- Lille : inspirée par Rouen et Delft
Lille, la métropole commerçante du Nord de la France, est à l’évidence très marquée par les créations de Rouen et par les réalisations hollandaises de Delft. Ses pots portent les lambrequins de style rouennais, mais avec des dégradés de bleu plus subtils, plus légers.
Ces décors font penser à un napperon de dentelle. il y a de la recherche dans les formes, souvent balustres à pans coupés, godronnées, qui rappellent les porcelaines chinoises. Terre légère, bel émail très blanc, sont les caractéristiques de Lille, ainsi que cet autre décor en camaïeu bleu avec inscription dans un cartouche très compliqué formé de paons (souvent), corbeille de fruits, têtes d’Indiens ou d’anges, enroulements de cuir, guirlandes de fleurs.
- Bordeaux : influences multiples
A Bordeaux où les apothicaireries hospitalières seront nombreuses, c’est Jacques Hustin qui fournit la plupart des pots puisque, faïencier depuis 1714, il a le privilège de la fabrication jusqu’en 1762. En camaïeu de bleu, ces pots ont en principe un couvercle très bombé et leur pied convexe est terminé par un bourrelet. Les décors, en raison de la présence dans la manufacture de faïenciers de Montpellier, Rouen et Nevers, subissent toutes les influences. Elles s’entremêlent pour donner, finalement, des décors originaux.
Une polychromie discrète avec un vert olive sourd, un bleu sombre, un manganèse, et quelques touches de jaune foncé viennent quelquefois réveiller le très classique camaïeu bleu.
A la fin du privilège de Hustin, un de ses anciens ouvriers, Boyer, ouvre une fabrique concurrente (1765-1850) et produit aussi des pots de pharmacie avec un décor polychrome à dessin large, sans modelé, où les couleurs dominantes sont le vert, le bleu et l’orange (fleurs bleues et cœur orange sont l’une de ses spécialités, ainsi que les feuilles allongées terminées par des crochets).
-
La Rochelle : dans l’esprit de Rouen
La Rochelle ne pouvait échapper à son destin de faïencerie produisant des pots de pharmacie : celle-ci fut en effet installée dans les murs de l’hôpital Saint-Louis de La Rochelle pendant quelques années, à partir de 1722. Mais c’est surtout aux fabriques de Marans(village près de La Rochelle) et de La Rochelle elle-même (fermeture de la manufacture en 1787) que l’on doit la réalisation des plus beaux spécimens. Pendant la période où les locaux sont à l’hôpital même, les décors apparaissent en camaïeu de bleu grand feu, influencés par Rouen, avec uniquement des lambrequins. Puis, vers 1750, seront réalisés des grands vases couverts à anses verts et jaunes en forme de serpents entrelacés, à décor de chicorée sauvage (décor qui sera si souvent repris, un peu comme une signature dans toutes les productions : assiettes, plats ou pièces de forme).
Ces vases faisaient partie de l’ensemble exécuté pour l’hôpital Aufredi. La Rochelle aura aussi une production de petit feu, ào décor de fleurettes et roses mais on connait très peu d’exemplaires répertoriés pour le moment (deux ou trois)
- De la Bretagne à la Franche Comté
Concluons ce tour de France en passant par la Bretagne où l’on peut citer les fabriques de Loc Maria (Quimper) et Rennes, dont la production était destinée aux pharmacies des bateaux et aux hôpitaux militaires. Décor simple : deux branches retenues par une fleurette bleu et jaune, dans une polychromie très vive.
Enfin, reste la Franche-Comté où de nombreuses fabriques ont vu le jour au 18e siècle : Dole, Poligny, Salins, Fontenelay, Boult produisent des chevrettes, pots canon, vases et couverts avec des décors simples en camaïeu bleu influencés par Nevers ou Rouen : lambrequins, rameaux de feuillage avec marguerite. Ou encore, plus raffiné, à Poligny : inscriptions à l’intérieur d’un cartouche constitué de guirlandes de fleurs en polychromie.
Voir aussi l’article de COTINAT sur les pots de pharmacie
Retour au début de l’exposition