L’Almanach Pink de 1912
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Les Pilules
Pour
Personnes
Pâles
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En cette année 2012, quoi de plus naturel que de lire l’Almanach PINK de 1912, un siècle plus tard ? C’est l’occasion de (re)découvriri l’histoire des pilules Pink et surtout de la publicité qui les accompagnaient, mais aussi de revoir les idées de l’époque sur les femmes, les enfants, les personnes âgées , etc…
Tout d’abord, un bref rappel sur les Pilules pink ! Le premier domaine le plus fréquemment l’objet de publicité médicamenteuse au début du XX° siècle fut celui des fortifiants et des produits pour combattre l’anémie, dont les fameuses pilules PINK. Le véritable promoteur des Pilules PINK fut le canadien G.T. Fulford qui fit fortune au début du XX° siècle grâce à cette spécialité. Georges Taylor Fulford est né en 1852 à Brockville, dans l’Ontario, Canada, et reçut une formation commerciale. A 22 ans, il devient apprenti en pharmacie chez son frère William, tout en travaillant par moment comme vendeur de billet de train et de paquebot ! En 1879, quand William décide de partir à Chicago, Georges reprend la pharmacie et décide de vendre ses propres spécialités. A la fin des années 1880, il remarque les « pilules roses pour personnes pâles » du Dr William Frederick Jackson, médecin de Brockville, pilules brevetées par le Dr Jackson en 1886. En 1890, ce dernier se désintéresse de l’affaire ou bien considère cette activité comme peu conforme à la déontologie médicale, et il décide de vendre le brevet à Georges Fulford le 4 juin 1890 pour $53.01 (plus les taxes). Fulford se met donc à vendre les pilules PINK, aidé par une épidémie de grippe en 1891-1892. Le succès aidant, Fulford trouve un agent pour les Etats Unis en la personne de Willis Tracy Hanson, en Angleterre avec John Morgan Richards, et en France à partir de 1893 avec l’ouverture d’un bureau à Paris dont le responsable est Eugène Meiffre.
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Dès l’introduction destinée aux lecteurs, on constate quelques constantes de l’époque : Tout d’abord, ce sont les témoignages (véridiques ?) des patients qui sont la base de la promotion du produit. Deuxième caractéristique : la peur de la concurrence et de la contrefaçon qui amène dès les premières pages à indiquer : « Méfiez-vous de celui qui, lorsque vous demandez une boite de Pilules Pink, veut vous vendre à la place quelque chose de « tout aussi bien « . Exigez les véritables Pilules PINK, exigez la boite représentée ci-dessus. ». L’Introduction est aussi l’occasion d’utiliser l’année bissextile de 1912 pour parler des Pilules Pink : ce sera « un jour de plus de bonne vie à vivre » ou, au contraire, un jour de plus à souffrir si les pilules Pink n’avaient pas guéris les malades !
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Le petit Almanach Pink de cette année 1912 se présente sans un plan bien défini. Cependant, on peut repérer certaines pages associées à un thème particulier. Ici, ce sont les jeunes filles qui sont la trame du récit.
Un premier pavé fixe le sujet et donne les grandes lignes de ce qu’il convient de penser de l’anémie des jeunes filles. L’anémie de développement est ici le point sensible, car « rappelez vous qu’une jeune fille débile, pâle, anémiée, ne deviendra jamais une femme robuste » ! Heureusement, « les pilules Pink peuvent tout changer ».
Viennent ensuite dans un second temps le témoignage, clef de voûte de la publicité pour les Pilules Pink. Ici, après une brève introduction qui souligne que « Les Pilules Pink pour Personnes Pâles sont un gage de santé pour la jeune fille », c’est un article qui rapporte deux témoignages : celui de Mlle Marie Guillermier, de Lyon, qui était anémique depuis trois ans. Son témoignage se conclut par des mots définitifs : « Les Pilules Pink m’ont guérie et depuis je me suis toujours bien portée ». Le second témoignage est celui de Mlle Jeanne Devillers, de Paris, dont on voit la photo. « Vos pilules Pink m’ont fait beaucoup de bien….J’ai de nouveau bonne mine , comme vous le verrez sur la photographie que je vous adresse ».
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Un autre exemple : la fatigue, thème réccurent dans les traitements miracles. C’est en effet « un jeu pour les Pilules Pink de guérir l’anémie. Avec les Pilules Pink, vous avez la certitude de guérir ». Que peut-on demander de plus ???
Comme pour le thème précédent, nous avons droit au témoignage de Mlle Aurélie Fabier, de Vitré, de M. Théodule Tétard, de Plassac et de Mlle Marie Mage, de Neufchateau. Mais nous avons d’abord une explication fort savante sur la fatigue. « Si nous faisons appel à nos forces de réserve, c’est qu’il y a fatigue ». Le moyen de l’éviter, c’est bien sûr d’avoir recours aux Pilules Pink, « véritables source de force ».
Le témoignage de Mlle Fabier est convaincant bien sûr. Allant tous les jours en s’affaiblissant, c’est grâce aux Pilules Pink qu’elle a remonté la pente. « Grâce à elles, j’ai repris des forces et j’ai retrouvé l’appêtit. Après un mois de traitement, j’étais de nouveau en parfaite santé ».
Celui de M. Tétard est tout aussi édifiant, de même que celui de Mlle Mage. Tous récupèrent forces et appêtit grâce aux Pilules Pink.
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Si l’on peut comprendre que les Pilules pink, à base de fer, soient efficaces contre l’anémie et la ftigue, le chapitre sur les mauvaises digestions laisse plus rêveur ! Après avoir affirmé que « les mauvaises digestions détruisent l’appêtit, rendent les repas désagréables, dépriment le cerveau, rendent le travail plus fatiguant et gâtent tous les plaisirs », d’une part et que les Pilules Pink « nourrissent le sang, le tonifient et le purifient », d’autre part, l’heure est venue des témoignages de M. Demars Victorien, à Chabannes (Ardèche) et de Mlle Louise Durand, bouillonneuse* à Rual dans l’Isère.
M. Demars n’a pas cessé de souffrir de l’estomac pendant 18 ans et a été guéri grâce aux Pilules Pink. Quant à Mlle Durand, elle a été guéri de son mauvais estomac et de son anémie !
* Bouillonneuse a plusieurs sens en fonction du contexte. Il peut s’agir d’une ouvrière chargée de réaliser, à l’aide de fils de métal, des franges de métal. Mais on utilise ce terme également pour les filles de cuisine chargée de la confection des potages !
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Au delà des pages précédentes où l’on voit systématiquement un couple « théorie » et témoignages correspondants, l’Almanach Pink est l’occasion de pages entières consacrées à un sujet. Ici : les femmes auxquelles les pilules Pink donnent ce qui leur manque : du sang et des forces !!
Et à gauche : les femmes sont d’éternelles malades !! (qui souffrent stoïquement en silence). Après cette affirmation sans appel, trois témoignages nous sont donnés par Mme Martin, de Nancy, Mme Gelot, de Bourges, et Mlle Benoit Louise de Lyon. A chaque fois, l’idée est la même : une situation catastrophique, une vie très perturbée par des troubles divers et l’arrivée des Pilules Pink qui changent tout !
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Autre thème : les riches ! : Si les riches savaient !! En réalité l’auteur cherche ici à démontrer que les « gens de condition modeste » évitent des traitements lourds et coûteux que cherchent les riches quand ils sont malades. Les plus modestes ont recours aux pilules Pink « parce qu’elles ont la réputation de guérir et que cette réputation est bien méritée ». Et avec les Pilules Pink, « il n’y a pas de complication de traitement, pas de voyages coûteux, il n’y a rien à changer à ses habitudes. Le malade guéri en suivant son petit tran-tran journalier » |
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Par ailleurs, les Pilules Pink ont un effet durable alors qu’il y a « des médicaments qui soulagent le malade momentanément. Le malade est tout heureux et croit sa guérison prochaine et, à son grand désappointement, après quelques jours de tranquilité, le mal fait sa réapparition. Il n’en est pas de même avec les Pilules Pink ». Conclusion : « Prenez des Pilules Pink qui, depuis 20 ans, vous signalent chaque jour des guérisons. Les Pilules Pink peuvent sembler chères si on ne regarde que le prix. Elles sont bon marché quand on pensent qu’elle guérissent, qu’elles guérissent vite, font cesser définitivement les souffrances et permettent de travailler ! » |
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Autres façon d’aborder la publicité des Pilules Pink : les maladies professionnelles : On en voit ici deux exemples à travers l’anémie des cuisinières et le cordonnier Georges Besse « qui fait des envieux ». On peut lire que certaines professions, « cela est reconnu » prédisposent à l’anémie : les cuisinères et les blanchisseuses, les peintres et les plombiers. Dès lors, l’auteur recommande les Pilules Pink avec le témoignage de Mme Polet-Mersch, cuisinière, qui a été guérie. La conclusion est là : « Les Pilules Pink sont pour les organismes affaiblis, pauvres de sang, comme l’eau pour les plantes qui ont souffert de la sécheresse ».
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Toutes ces illustrations ne sont que quelques exemples parmi les 33 pages de la Brochure de 1912. Le pharmacien Gablin qui est en charge à l’époque de la distribution des Pilules Pink s’adresse aussi à d’autres populations de patients potentiels comme on peut le voir ci-dessous : les personnes âgées, les patients ayant des problèmes d’impuissance ou encore les neurasthéniques. On peut trouver également une page entière sur les troubles nerveux, sur les rhumatismes, sur les maux de reins, sur le manque de poids, et aussi sur les enfants chétifs (« soignons nos enfants. Le traitement des Pilules Pink guérit les troubles occasionnés par la croissance »). Une page est intitulée : « Ne pleurez plus. Les Pilules Pink vous guériront ». Les sujets sont donc très variés et montre le caractère très vaste de l’usage des Pilules Pink !
L’auteur définit également une catégorie particulière : celle des demi-malades ! Vous connaissez certainement de ces personnes qui, lorsque vous leur demandez : « Eh ! bien, comment allez-vous ? », vous répondent : « Heu, je ne peux pas dire que je suis malade, mais je ne suis pas bien portant »… Il y a quantité de demi-malades, de ces demi-bien portants, qui se trouvent dans cet état justement parce que la maladie couve, pour employer le terme populaire ».
Un chapitre spécial est enfin consacré aux Pilules Pink à Lyon avec le témoignages de huit femmes de la région sur la réussite du traitement.
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L’auteur avait insisté auparavant sur les causes de la neurasthénie, « tout ce qui peut ébranler le système nerveux ». Il affirme par ailleurs que « le remède qui a toujours donné d’excellent résultats contre la neurasthénie est le régénérateur du sang, tonique des nerfs,
les Pilules Pink »
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Parmi les cibles préférées des promoteurs des Pilules Pink, il y a bien sûr les femmes comme nous l’avons vu à de multiples reprises. Et la beauté est donc un sujet qui attirent leur regard et sans doute leur porte-monnaie. Pour l’auteur, la beauté n’est pas une question de peau, mais une question de sang. « Il n’y a pas de réelle beauté sans un sang riche et pur ». Et les Pilules Pink, tout naturellement, sont donc « le plus grand régénérateur du sang du monde. Elles développent et entretiennent la beauté des formes et de la physionomie… et procurent à la femme la quantité de sang nécessaire à ses délicates fonctions » !! . |
Les trois dernières pages ci-dessous sont trois éléments intéressants sur la promotion des Pilules pink. Tout d’abord, le pharmacien Gablin propose aux patient de lui écrire pour examiner si son cas relève du traitement par les Pilules Pink. Et ce même pharmacien propose une seconde spécialité, la Scavuline, purgatif-laxatif, « aussi agréable qu’efficace ». Le second document rappelle les risques de la contrefaçon « Trompés mais pas guéris », slogan que nous pourrions reprendre aujourd’hui dans ce domaine ! Et la dernière page de l’Almanach rappelle, si cela était nécessaire, la cible principale des Pilules Pink pour Personnes Pâles : les femmes ! |
Conclusion : si l’Almanach 1912 des pilules Pink permet de connaitre le calendrier de cette année là, c’est surtout 33 pages de publicité sur les fameuses pilules qui eurent un succès considérable. Les témoignages étaient tellement convaincants !!! On est quand même frappé par les caractères répétitifs de ces témoignages qui, en général, reprennent mot pour mot les slogans de base du produit. |
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