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La Pharmacie Centrale de France : son histoire avant 1894

La Pharmacie Centrale de France :
son histoire avant 1894

Portrait de Dorvault, fondateur de la Pharmacie Centrale de France.
Pharmacie Centrale de France : à gauche, vue générale de la « Maison de Paris » ; à droite, usine de Saint-Denis (vue générale)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Emile Genevoix, successeur de Dorvault à la tête de la Pharmacie Centrale de France.
Illustration de la brochure de la Pharmacie Centrale de France.

Nous avons vu lors d’une exposition précédente le Catalogue de la Pharmacie Centrale de France en 1905 et rappelé l’histoire de cette Société à cette occasion. En 1894, la Pharmacie Centrale publia une brochure sur « Son histoire, son organisation, son fonctionnement », éditée par Georges Soenen, directeur commercial de la Succursale de Lyon. La particularité de cette brochure était aussi d’être illustrée de 38 gravures du graveur E. Alix dont nous allons reproduire ici quelques exemples. 

PCF. Magasin de Paris (Rappel des commissions).

On peut voir également l’ensemble des médailles et récompenses obtenues par la Société aux Expositions Internationales et Universelles, classées selon les 5 grandes périodes de direction : celle de Menier, Dorvault et Cie, Em. Genevoix et Cie, Em. Genevoix et Ch. Buchet et Cie et enfin Ch. Buchet et Cie. La brochure permet de découvrir une biographie des principaux dirigeants : Dorvault, Genevoix et Buchet. Nous allons donc parcourir ensemble quelques éléments essentiels de cette brochure peu connue. 

Entrée de l’Hôtel d’Aumont (rue de Jouy)

 

 

L’introduction montre la vision qu’avaient les fondateurs de la Pharmacie Centrale : celle d’une Société Coopérative qui permettait à ses membres pharmaciens d’obtenir des matières premières de qualité. Mais elle avait aussi l’ambition d’être l’entreprise pharmaceutique la plus importante en France et de poursuivre un objectif de formation auprès des pharmaciens, être une « grande Ecole, où Maîtres et Elèves peuvent se procurer tous les renseignements utiles à la profession pharmaceutique ». 

Pharmacie Centrale : cour d’honneur de l’hôtel d’Aumont, rue de Jouy

 Des moyens considérables avaient été déployés dans ce sens : concours annuels, prix importants, des journaux, une bibliothèque, un musée, etc. Pour les auteurs du document, l’historique de l’entreprise remonte au début du XIXe siècle où Fourcroy, Vauquelin, Chevallier, Soubeiran et Boudet « avaient rêvé de réunir en un seul faisceau les pharmaciens de France, pour en former une association ayant pour but l’achat des drogues et la préparation en grand et en commun », idée qui sera finalement mise en œuvre par Dorvault. Contrairement à ce que nous avions vu dans l’exposition précédente, la première installation de la Pharmacie Centrale ne fut pas rue de Jouy, à Paris, mais rue des Marais-Saint-Germain (aujourd’hui rue Visconti)* : quelques semaines vont suffire « pour aménager les magasins, assurer les premiers approvisionnements, agences les bureaux et la Maison de Commerce et pour installer, à Courbevoie, un laboratoire de fabrication ». Les opérations commerciales commencent le 15 janvier 1853 et ce n’est qu’en 1860 que la Société fut transférée rue de Jouy.

Pharmacie Centrale. Salle du Conseil où se réunissait chaque année, en avril, les actionnaires en Assemblée générale.
Entrée de l’hôtel d’Aumont par la rue des Nonnains-d’Hyères. « Un vaste porche voûté conduit à la cour de réception des marchandises, d’où l’on pénètre dans le magasin par la salle d’attente de la galerie vitrée ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Pharmacie Centrale de France était alors représentée par un Ecu « représentant la Pharmacie, s’appuyant d’une main sur un livre, emblème de la science, et de l’autre sur le caducée, symbole du Commerce. Elle est entourée des principaux objets qui font la matière des études pharmaceutiques : appareils de pharmacie et de chimie ; puis, animaux, végétaux, minéraux, synthétisant ainsi la vieille devise des pharmaciens : « In his tribus versantur » (= Ils sont versés dans les trois règnes). Elle a le coude appuyée sur les armes de Paris, pour rappeler que le siège de l’association est dans cette ville. Enfin, devant elle, est une colonne supportant le serpent traditionnel et le coq d’Esculape, le tout, souligné de la devise : « In foedere virtus » ».

 

Chocolaterie, broyeurs, « dont l’outillage complet représente les derniers perfectionnements apportés dans cette industrie ».
Entrée des magasins et bureaux

 

 

 

  La Pharmacie Centrale avec Dorvault chercha à créer une caisse de retraite des pharmaciens, ce qui fut finalement réalisé par l’Association Générale des Pharmaciens. Elle créa également un journal professionnel, l’Union Pharmaceutique, qui eut un réel succès auprès des pharmaciens.

Laboratoire de Pharmacie « dans lequel on confectionne une grande quantité de produitset où l’on vient de construire des fours spéciaux et un atelier pour la fabrication des Biscuits médicinaux »

En 1867, la Société acquit l’entreprise Menier, devenant propriétaire de son usine de son usine de Saint-Denis. A la mort de Dorvault, en 1879, c’est François-Emile Genevoix, né en 1828 dans la Creuse. Il vint à Paris en 1847 et entra comme stagiaire, d’abord à la Pharmacie Dubrouillet, puis chez Miquelart-Debreuil dont il devint le successeur en 1853.

 

 

Quatre ans plus tard, il est au Conseil de la Société de Prévoyance des pharmaciens de la Seine. Ecrivain et très bon orateur, il est élu à la Présidence de l’Association Générale des Pharmaciens de France. Secrétaire du Conseil de Surveillance de la Pharmacie Centrale, il en devint le directeur dans les circonstances que l’on sait. Charles Buchet, son proche collaborateur, lui succéda en 1890. Il avait été successivement économe, chef du personnel, sous-directeur, puis co-gérant. C’est Charles Buchet qui sera l’un des acteurs de la création de la Société d’Histoire de la Pharmacie.

 

Ateliers des bandages
Chocolaterie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  A partir de 1860, nous avons vu que la Pharmacie Centrale est transférée rue de Jouy dans l’ancien Hôtel des duc d’Aumont, construit sous le règne de Louis XIII par François Mansard pour Antoine, premier duc d’Aumont, qui fut Maréchal de France et Gouverneur de Paris.  Une des pièces importantes est la Salle du Conseil dont on voit ici une gravure. « Cette salle, élégante et spacieuse, éclairée de chaque côté par de hautes fenêtres décorées de vitraux d’art, est ornée de peintures, de portraits et de vase anciens. Sur un beau socle de marbre gris, agrémenté d’attributs artistiques, se dresse le buste en bronze du regretté Emile Genevoix. En face se trouve celui du savant Schaeuffele, un des fondateurs de la Pharmacie Centrale de France qui, pendant vingt-cinq ans, présida les travaux du Conseil de Surveillance ».

 

Moulins à graines de lin (Saint-Denis)

 

Pilerie et broyeurs (Saint-Denis).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le reste de cette partie du document décrit dans le détail les aménagements intérieurs de l’Hôtel et en particulier les magasins : au premier étage, les Produits Chimiques et les Essences, au centre, le service des Toxiques, et plus loin, le service de la Pharmacie Galénique et les réserves. Au second étage se trouvent les spécialités solides, les accessoires de pharmacie, les produits hygiéniques, etc.

 

Grand laboratoire de Pharmacie (Saint-Denis)
Préparation des extraits. Appareils à évaporer dans le vide (Saint-Denis).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au troisième étage : le service des Poudres et l’Herboristerie.  La visite se poursuit au contrôle et à l’expédition (intitulée Emballoir), sans oublier la Véranda qui abrite « deux générateurs de 25 chevaux et une superbe Machine à balancier de la force de 30 chevaux, actionnant la Chocolaterie, la Pilerie, le Laboratoire et les dynamos.  On trouve également des Laboratoires de Bactériologie et de Chimie, l’Atelier de photographie, le Cabinet d’Analyses et le Bureau du Pharmacien en chef. Le conditionnement secondaire et les services administratifs (factures…), « tous ces emplois sont tenus par des dames et des jeunes filles, qui apportent dans leur travail une attention, une minutie et une habileté remarquable ».

Dans une petite cour isolée, il existait aussi « un bâtiment spécial appelé la Chambre Infernale, (qui) renferme les éthers, les benzines et certains produits explosibles ou inflammables ».

Atelier pour la fabrication des pilules, granules et dragées. « On y voit fonctionner 7 turbines en cuivre de capacités différentes, chauffées à la vapeur et deux turbines en verresqui servent à argenter les pilules » (Saint-Denis).
Atelier pour la préparation des sels de fer, « et en particulier le fer réduit par l’hydrogène, les tartrates, citrates et pyrophosphates de fer, le sous-carbonate de fer, etc (Saint-Denis).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On trouve à côté les écuries (15 chevaux), la Forge et divers ateliers de réparation. Toute la maison est éclairées à l’électricité, qui est fournie par deux machines Gramme de 325 lampes de 10 bougies et 60 accumulateurs à 2 volts cinq. Les locaux sont bien sûrs chauffés l’hiver et refroidis l’été par « des ventilateurs et des ingénieux systèmes réfrigérants (qui) vivifient l’atmosphère et entretiennent dans les bureaux une température moyenne constante ».

Alambic à eau distillée (Usine de Saint-Denis)
Fabrication des alcaloïdes (Saint-Denis)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’un des éléments les plus remarquables de la brochure de 1894 est le chapitre consacré aux succursales de la Pharmacie Centrale, totalement réorganisée depuis 1891. Ces dernières délivraient les mêmes produits que la Maison Mère, vendaient au même prix, et exécutaient les commandes dans les mêmes conditions. Par contre, la comptabilité étaient centralisée à Paris. Innovation importante pour l’époque, toutes les succursales, « Factoreries » et Agences étaient reliées téléphoniquement à la Maison de Paris.

 

Fabrication du chloral (Usine de Saint-Denis)
Fabrication du chloral : « Quand on a reconstruit l’atelier du chloral, on a isolé dans un pavillon construit en fer et en briques, la partie la plus dangereuse de l’opération, c’est à dire la rectification du chloral »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Succursale de Lyon

 La Pharmacie Centrale dispose également d’une succursale à Londres à partir de 1893 ou 1894 au 864, Leadenhall street. Cette Agence est surtout destinée à l’achat de matières premières, Londres étant « un grand marché d’arrivage de la Droguerie ». Mais elle est aussi destinée à faciliter l’exportation des Produits de l’entreprise « qui sont extrêmement appréciés à l’Etranger et que les Expositions de Londres, d’Edimbourg, de Melbourne, d’Amsterdam, de Vienne, de Liverpool, de Moscou, de Chicago, etc, ont fait classer partout au premier rang.

Service de Chaland de la succursale de Lyon

C’est donc pour contribuer à l’expansion de notre industrie dans le monde et maintenir la réputation des produits pharmaceutiques français, que la Pharmacie Centrale de France n’a pas hésité à faire à l’étranger, ce que le progrès et son renom exigent ». 

 

Une bonne partie du document de 46 pages est consacrée à l’usine de Saint-Denis, récupérée au moment du rachat de Menier. Située plus précisément à la Plaine-Saint-Denis, avenue de Paris, elle avait une superficie de 30 000 mètres carrés, et était « la plus vaste fabrique de Produits chimiques et pharmaceutiques de France ». Elle occupait près de 200 employés, ouvriers et ouvrières.

 

 Le plan de l’usine était dû à l’architecte Jules Saulnier (1817-1881), connu surtout pour la construction de l’usine Menier à Noisiel. Celle de Saint-Denis fut construite de 1862 à 1864. On peut découvrir successivement les différents bâtiments de l’usine :

 

 

–          Le premier bâtiment (la Pilerie) était destiné exclusivement au broyage et à la pulvérisation avec différentes meules : meules accouplées, meule en granit, broyeur à cylindres du système Vapart, 3 batteries de mortier de 5 pilons chacuns et un groupe de 15 tamis mécaniques. 7 autres ateliers sont également aménagés dans le même bâtiment avec des mortiers, broyeur Car, Cylindre à boulets, coupe-racines, rapes mécaniques, etc. Un des ateliers était spécialement destiné au broyage des métaux, en particulier la Magnésite, grâce une meule capable d’écraser une tonne de minerai par jour. L’usine consommait alors 200 tonnes de magnésite d’Eubée par an. C’était cette partie de l’usine qui avait fait la renommée de Menier qui obtenait des poudres extrêmement fines et de très bonne qualité.

 –          Le second bâtiment était consacré à la pharmacie : un laboratoire des Extraits avec un fourneau à 7 bassines, 4 appareils à évaporer dans le vide, un alambic de 1500 litres pour la distillation des alcoolats… Il y avait également des presses hydrauliques pour la préparation des huiles. Un deuxième laboratoire était  consacré aux pâtes : pâte de guimauve, pâte de lichen… Une autre partie du bâtiment était utilisée pour la préparation des alcaloïdes et glucosides avec, en particulier, un appareil-omnium à déplacement et distillation continus, système Payen. Enfin, un Laboratoire était spécialement consacré à la fabrication dans le vide des Extraits non toxiques. Sous ce laboratoire de Pharmacie, se trouvait 3 réservoirs à Baume tranquille de 3000 litres. D’autres étages étaient dédiées à la fabrication des capsules molles, la pastillerie, la confiserie et les pâtes candies, 6 bassines à pâte…
–          Un autre bâtiment fournissait la vapeur pour l’usine, mais était aussi associé à la fabrication des lactates et lactophosphates, la préparation des tannins, de la spartéine, la rectification des essences de térébenthine, le lavage du Calomel, la fabrication du salicylate de bismuth, des sels de tartre, de l’acide lactique, des cristaux de soude destinés à la fabrication du bi-carbonate de soude,  etc. –          Un autre pavillon remarquable était celui du magasin des alcools, avec de multiples réservoirs et récipients renfermant les alcoolats, alcoolatures, teintures, éthérolés, etc. D’autres bâtiments étaient dédiés à la préparation des onguents et pommade, pilules, granules, dragées, sparadraps et tissus emplastiques… Il y avait également une « Usine à gaz » qui comprenait un four à 3 cornues de 160 kg de charbon chacune, pouvant produire 500 mètres cubes d’un gaz très épuré. D’une façon générale, l’usine comprenait des utilités et ressources nécessaires à une production industrielle  (vapeur, eau, électricité, maintenance…) : la consommation annuelle de l’usine était de 5000 tonnes de houille et 1000 tonnes de coke. Une partie de l’usine fabriquait des produits chimiques : chloral, Terpinol, Thymol bi-iodé, Précipité rouge, Permanganate de potassium, etc.  Un magasin spécial était consacré à l’entrepôt des quinquinas.cAu total, l’usine de Saint-Denis produisait 419 tonnes de produits chimiques, 1 209 tonnes de produits  pharmaceutiques et galéniques

Le reste de l’ouvrage est consacré aux succursales de province de la Pharmacie Centrale

–   Celle de Lyon, créée en mars 1853, était la plus ancienne succursale. Elle fut installée rue Buisson, puis rue Lanterne et finalement rue Sainte-Marie-des-Terreaux dans un immeuble construit par Soufflot.

–  Celle de Bordeaux fut créée en 1854, rue du Cerf Volant puis rue Pelegrin, près de l’hôpital.

–   Celles de Marseille, fondée en 1858 ; de Toulouse, en 1853 ; de Nantes, crée en 1853 ; de Lille en 1893.

 

* La rue Visconti est une rue située dans le quartier Saint-Germain-des-Prés du 6e arrondissement de Paris. Elle relie la rue Bonaparte à la rue de Seine, avec la rue des Beaux-Arts au Nord et la rue Jacob au Sud. C’est la plus longue des rues étroites de Paris. Anciennement nommée rue des Marais-Saint-Germain, probablement d’après le nom d’un des tout us premiers habitants (Desmarest), elle a été renommée le 24 août 1864 en l’honneur de Louis Visconti, architecte de l’Empereur Napoléon III et auteur du tombeau de Napoléon Ier.(Wikipedia)

 

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