Le Guide du FoyerEdité par le Syndicat des Grandes Pharmacies(vers 1920) |
||
Grande Pharmacie Normale « SOGEDROF » de Grenoble |
||
Lors d’un précédente exposition sur les Almanachs pharmaceutiques, nous avions indiqué : « Comme la Cooper, la SOGEDROF (Société Générales de Droguerie Française), Société d’achat en commun créée par l’Union des Grandes Pharmacies, éditait des publications destinées aux patients et plus spécialement son Guide du Foyer qui paraîtra jusqu’en 1939. On y trouve beaucoup de points communs avec l’Almanach François, même si chacun proposait des traitements différents pour la même pathologie. Dans l’un comme dans l’autre cas, l’objectif de l’ouvrage était d’abord de distraire le lecteur et de l’inciter à fréquenter toujours la même pharmacie ! Comme pour l’Almanach François, le nom de la pharmacie qui offrait l’ouvrage à ses clients était indiqué sur la première page. Par contre, il n’y avait aucune référence au calendrier et ce n’était donc pas à proprement parlé un Almanach. Il n’est d’ailleurs pas daté ». L’objet de la présente exposition est d’explorer un peu plus avant ce Guide du Foyer qui date sans doute des années 1920. Comme on peut le voir sur la page de garde, ce document était fait pour que toutes les pharmacies du réseau Sogedrof puissent le donner à leurs clients. Chaque pharmacie pouvait individualiser ses exemplaires grâce aux premières et dernières pages où le nom de la pharmacie était indiqué ainsi que quelques informations locales (nom, adresses et heures de consultations des médecins et dentistes). Voici les premières pages où l’on voit bien le nom de la pharmacie de Grenoble et le rattachement à Sogedrof. On peut aussi relire avec intérêt l’article de Pierre Julien sur SOGEDROF et le Guide du Foyer
|
||
La Société Générale de Droguerie Française (SOGEDROF en abrégé) était une centrale d’achat des pharmaciens fondées par le Syndicat des Grandes Pharmacies Françaises. La date de la création de cette structure est incertaine mais la SOGEDROF a été probablement créée au début du XX° siècle, comme le montrent plusieurs articles de la revue d’Histoire de la Pharmacie sur ce sujet. La Société était chargée d’effectuer pour ses adhérents, et pour eux seuls, l’achat de tous les médicaments ou accessoires dont ils avaient besoin, et de les livrer au prix de revient. Par ailleurs, la Société et ses membres fabriquaient eux-mêmes un certain nombre de produits « grâce à leur outillage perfectionné » indiquait la brochure. |
||
La SOGEGROF avait défini 4 principes de fonctionnement : « 1°) Vendre des produits de premier ordre avec un large approvisionnement pour satisfaire toutes les demandes; 2°) Laisser une liberté suffisante au client pour qu’il puisse se retirer sans rien prendre s’il ne trouve pas ce qu’il désire et ne pas l’ennuyer en cherchant à lui faire accepter un médicament plus ou moins similaire, sous le pretexte inavoué qu’il rapporte plus que celui demandé; 3°) Ne pas se substituer au Médecin dans les questions de traitements où il a seul qualité pour intervenir dans l’intérêt du malade ; 4°)Exécuter scupuleusement les ordonnances avec une organisation spéciale assurant leur contrôle parfait.
C’est parce que notre Maison s’efforce de plus en plus d’appliquer ces principes qu’un large succès la récompense de ses efforts ».
|
||
La Pharmacie Normale de Grenoble en profitait pour faire de la publicité sur ces « spécialités » : l’Huile de foie de Morue que l’on trouve sous deux formes : l’huile de foie de morue de Lofoten (en cruchons artistiques d’origine) et l’émulsion de Norvège dite Morrhuoline contenant des glycérophosphates et hypophosphites de chaux et de soude. Elle montre aussi bandages, ceintures, béquilles, couveuses d’enfants, biberons et, déjà, appareils de mesure de la pression artérielle et de la capacité pulmonaire !
|
||
La première partie du Guide du Foyer concerne Les Médicaments dans la famille. Il s’agit de conseils pour éviter quelques questions de base pour le pharmacien : le rôle du médecin, celui du pharmacien, le rangement des médicaments, l’importance de l’étiquettage, etc.
|
||
Une page spéciale est consacrée au cas particulier des substances vénéneuses et à la récente loi de 1916 précisant les conditions de prescription et de renouvellement des médicaments. Le médecin n’avait en particulier plus le droit de demander le renouvellement d’ordonnance pour l’opium, la morphine et la cocaïne et devait refaire une nouvelle ordonnance. Viennent ensuite de nombreuses pages décrivant les principaux traitements et prescriptions médicales dont les familles bénéficient couramment, dont nous allons voir quelques exemples : Le Sinapisme, les sangsues,
|
||
Dans les années 1920, on peut voir que les traitements les plus courants sont souvent des traitements externes:
Le sinapisme connait un succès important avec et grâce à Rigollot qui a mis au point son fameux sinapisme à base de moutarde.
Les sangsues sont également encore bien présentes et n’ont pas été remplacées totalement par les ventouses et encore moins les médicaments. Comme l’indique la brochure « il reste de nombreux cas où la sangsue ne peut qu’être difficilement remplacée ».
|
||
Parmi les autres recommandations et commentaires sur les médications usuelles, on trouve le cataplasme qui « représente encore une formule complète telle que la vieille médecine en possédait de nombreuses et précieuses ». On trouve aussi un commentaire sur les compresses humides dont ont voit ici la fin sur la page de gauche. « On pourrait en tirer de très bons résultats, mais souvent on ne songe pas à le employer ». On voit aussi le paragraphe sur les applications de la glace « dans des cas très variés : inflammation locale, douleur, appendicite, battements de coeur, méningite, etc ». Le Guide du Foyer donne aussi des explications sur les ventouses, le vésicatoire, « emplâtre fait avec de la poudre de cantharides dans le but de provoquer le soulèvement de l’épiderme par la sérosité, c’est à dire une ampoule ». En résumé « il faut apporter des précautions dans l’emploi du vésicatoire, mais il ne faut pas se priver d’un agent thérapeutique précieux dans bien ds cas et notamment dans les douleurs localisées, d’origine inflammatoire ». Le guide du Foyer évoque également le thermomètre médical, le lavement « qui rend de très grands services dans certains cas ».
|
||
Un chapitre important est consacré aux injections hypodermiques et aux injections (dames). Pour ce qui concerne les injections hypodermiques, il faut se rappeler le contexte d’une époque où les conditions de stérilisation sont encore mal définies mais où l’injection parentérale prend une place croissante. Les conditions d’injection sont encore assez complexes.
|
||
Quant aux injections pour les dames, l’ouvrage explique que « la plupart des femmes qui se plaignent des maladies les plus diverses, ne sont, au fond et à l’origine, que des « déséquilibrées du ventre » »! D’où la nécessité de réaliser des injections intra-utérines par des appareils à injections: « Les anciens clysopompes, les injecteurs et l’irrigateur Eguisier sont bien loin ; le choix doit se faire actuellement entre la poire avec tube en caoutchouc connue sous le nom d’énéma et la douche d’Esmarck, vulgairement appelé bock. Très portative, la poire énéma a un jet souvent trop violent… » | ||
Après avoir passé en revue le gargarisme, l’inhalation et la sudation, ainsi que les bains médicinaux et le massage, le Guide du Foyer s’intéresse longuement aux tisanes et aux propriétés médicinales de quelques plantes. Une très belle illustration accompagne le texte avec les principales plantes toxique de France. On peut discuter de cette dénomination pour le Pavot (très pauvre en alcaloïdes en France à l’époque), mais on trouve la cigüe, la belladone, la digitale, etc. Parmi les tisanes, on trouve curieusement le « lait de poule » dont voici la recette : Battre un jaune d’oeuf avec quelques cuillerées d’eau froide et ajouter peu à peu un verre d’eau tiède et une cuillerée de cognac au besoin. Sucrer à volonté ». Le bouillon de légumes et l’eau de riz font aussi partie de ce paragraphe sur la préparation des tisanes. | ||
Le chapitre suivant est imposant et traite de l’hygiène : Principes de l’hygiène générale, où beaucoup de sujets sont abordés : veiller à la pureté de l’air qui nous environne, soigner la peau, régler le genre de vie d’une manière rationnelle pour que les heures de repos et de travail physique ou intellectuel maintiennent les fonctions en équilibre convenable… Deux pages sont consacrées au coucher « Comment doit-on se coucher et de quel côté faut-il dormir ? ». On voit ensuite des sujets sur l’hygiène individuelle : hygiène de la tête, teinture des cheveux, parfumerie hygiénique (poudre de riz, crèmes pour le visage), hygiène de la bouche et des dents, hygiène des mains, de l’oreille, hygiène sociale avec les maladies contagieuses. On voit ici l’exemple de la tuberculose. Le chapitre hygiène se poursuit avec l’hygiène sportive, les régimes alimentaires (une page s’intitule « les dix commandements de l’obèse »).Le guide du Foyer étudie quelques aliments : les oeufs, le lait, le bouillon, le café…
|
||
|
||
Parmi les aliments importants : les champignons ont une place de choix « en raison du danger qu’offre leur récolte si elle est faite sans précaution ». Après avoir évoqué les précautions pour distinguer sur le terrain les bons des mauvais champignons, puis l’examen des champignons à la maison, l’ouvrage traite des empoisonnements par les champignons et la conduite à tenir : émétique, purgation, poudre de charbon de bois, thé, café…
|
||
Autre chapitre clef : la mère et l’enfant l’allaitement et les précautions à prendre avec les nouveaux-nés. Pour ce qui concerne l’allaitement, il est fortement conseillé. « Selon les Dr Pinard et Variot, la mortalité est dix fois plus forte chez les enfants séparés de leur mère que chez les autres ». On peut lire un peu plus loin « Dites à toutes les jeunes mères : en allétant vous-même votre bébé, vous évitez d’attendre chez la crémière, de dépenser le prix du lait, de nettoyer des biberons, de rendre malade votre cher petit et peut être de le pleurer ». Le Guide traite aussi du problème des crevasses du sein, de l’allaitement au biberon (si possible avec du lait de vaches qui ne soient pas nourries avec des betteraves, des tourteaux, des pulpes ou des drèches. Le lait doit toujours être soit stérilisé, soit bouilli). L’attention est attirée sur le danger des biberons à tubes. Sevrage, dentition, pesées,sommeil et bains de l’enfant sont passés en revue ainsi que quelques précautions : bercement (« on ne doit pas bercer un enfant. Cette mode ancienne est nuisible à l’estomac et au cerveau délicat et frêle de l’enfant »), vomissements et vaccinations par exemple sont l’objet de recommandations. Le chapitre se termine sur quelques conseils pour la nourrice !
|
||
Le Guide du Foyer se préoccupe aussi des parents : Quand doit-on appeler le médecin ? et que faire en attendant qu’il arrive ? Gestes d’urgence en cas d’asphyxie, de contusions, de fractures ou d’hémorragie. Quand le médecine arrive « parlez peu, mais dites tout ». Plusieurs pages sont consacrées aux premiers soins à donner en cas d’accidents ou de maladie. Tout ceci nécessite d’avoir une bonne pharmacie de famille dont àon peut découvrir le modèle ici, avec quelques mécdicaments essentiels : aspirine, acide picrique, alcool camphré, etc.
On y trouve associé le sujet des empoisonnements, avec l’attitude à adopter pour chacun. Dans 90% des cas, la recommandation est de faire vomir le patient. On peut lire aussi un développement sur les vers intestinaux : taenias, taenia du chien, lombric, oxyures, ainsi qu’une notice sur la rage du chien.
|
||
Après le chapitre des morsures du chien, vient celui sur les morsures de serpents venimeux puis des renseignements divers sur les insectes nuisibles : mouchesmoustiques, puces, punaises, fourmis, mites, blattes, et sur les animaux nuisibles : rats et souris. Viennent ensuite quelques recettes très diverses : comment conserver les cèpes, nettoyer les taches de bougies ou les brosses à cheveux, traiter les chaussures durcies, conserver les oeufs, cultiver les radis roses, couper la glace, etc. La dernière partie est dédiée aux maladies des vins : vins plats qui manquent de couleur (qu’on coupent avec du vin vert ou riche en alcool), vins fleuris, vins piqués, vins moisis, vins à odeur d’oeuf pourris (vins sulfurés), vins filants, etc. On apprend comme réaliser le collage des vins ainsi que les soins à donner à la futaille (c’est à dire aux fûts de vins) :
Si le fût a, par exemple, un goût de coupi ou de moisi, il faut « laisser dans le fût une solution de permaganate de potasse à 10 grammes par 100 litres d’eau. Grattage des douilles après démontage et lavage énergique avec 100 g. d’acide sulfurique par litre d’eau, puis rincage (avoir soin de mélanger peu à peu l’acide à l’eau, et non le contraire, pour éviter les projections) ». |
||
Nous avons vu précédemment que l’une des spécialités de la Pharmacie Normale de Grenoble est l’huile de foie de Morue. Plusieurs pages, au début et à la fin de l’ouvrage y sont consacrée. Elle est garantie naturelle, sans aucune préparation ni mélange. On peut découvrir le procédé de préparation (nouvelle méthode), sans chauffage à feu nu, sans pression. De plus celle des Pharmacies Sogedrof n’a pas de goût désagréable ! Il faut la prendre à haute dose, en général le matin au petit déjeuner ou le soir, au moment de se coucher ! On devine la difficulté pour convaincre les enfants !!
Mais l’ouvrage fait la publicité pour de nombreux autres produits Sirop et pastilles « Myrtose » pour la toux et la grippe, Elixir et capsules Pulom-vital pour les affections des voies respiratoires, Extractum Carnis (plasma musculaire de viande de boeuf), Cachets de Calmose (rhumatisme), Grains Celler (laxatif), Vins médicinaux, Pilules Dynamos (anémie), liqueur de goudron, coricide comprimés d’aspirine ainsi que des produits d’orthopédie (avec des conseils pratiques pour les vatiqueux). La Pharmacie vétérinaire n’est pas oubliée ! |
||
En conclusion, 167 pages de textes et illustrations pour aider les familles à mieux se soigner !
Comme on peut le découvrir, la publicité pour SOGEDROF et les spécialités de cette centrale d’achat ne sont pas absentes : c’est sans doute ce qui a amené les auteurs à consacrer une page sur la Publicité car « certaines personnes présentent volontiers comme manquant de sérieux et de dignité le pharmacien qui fait de la publicité, et se défient de tout ce qu’on veut faire accepter par annonces ; elles ont parfois raison… Mais la publicité vraie, la seule qui fonde les maisons solides ne doit pas être mensongère… Tout ce qui mérite d’être connu ou vendu mérite d’être annoncé. Notre organisation générale, nos produits spéciaux, méritent d’être connus, et ne craignent pas la discussion loyale à leur sujet. Nous les présentons avec assurance,k persuadés que nous servons aussi l’intérêt du public en même temps que le nôtre » |
||
|