Exposition temporaire :
Le Chocolat et la pharmacie
O arbre né aux confins du monde
Dont se glorifient les lettres mexicaines
O suc fécond dont s’enorgueillit
Le chocolat, nectar digne des Dieux.
Que s’effacent devant toi tous les végétaux
Et toute la race des fleurs ; le Laurier qui lie
Les gerbes triomphales, le Chêne, l’Aulne
Ainsi que le précieux Cèdre du Liban
(Alonzius Ferronius, jésuite, 1664)
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Image éditée par le Chocolat Poulain
Collection B. Bonnemain (recto)
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Image éditée par le Chocolat Poulain
Collection B. Bonnemain (verso)
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Connu au Mexique depuis la haute antiquité, l’arbre producteur de cacao, la cacahualt, était l’objet d’un culte chez les habitants primitifs de ce pays, les Toltèques, avant l’invasion des Aztèques. Dans la mythologie de ce peuple, le cacaoyer, semblable à l’arbre du bien et du mal de la Bible, était le plus bel ornement du Paradis mexicain, situé non loin de Tula. C’est là, raconte la légende que vivait Quetzacoalt le jardinier-prophète, doué de la science universelle. Quetzacoalt était heureux dans son palais magnifique, lorsqu’un jour, voulant connaître l’immortalité, il se laissa tenter par un malin nécromant, Titlacahua, et but le breuvage magique que celui-ci lui présentait.
Mais hélas, à peine eut-il vidé la coupe fatale, que sa raison s’égara. il se mit à pleurer à chaudes larmes et fit détruire toutes ses richesses ; il changea les cacoyers en Mizquitls, arbres inutiles, chassa les oiseaux du jardin, puis s’enfuit à travers le Yucatan et fut enlevé par le Grand Esprit pour devenir le Génie de la Pluie et de la Rosée.
Les peuples du Mexique n’oublièrent pas les bienfaits du divin jardinier et lui vouèrent un culte sous le nom de Votan, qui signifie « serpent couvert de plumes ». L’on trouve fréquemment ce serpent emplumé parmi les antiquités mexicaines.
L’empereur Montezuma II, qui régnait en despote sur le Mexique au moment de la conquête espagnole, faisait une grande consommation de chocolat. Bernal Diaz del Catillo, invité au palais, raconte qu’à la table de l’empereur, « après les plats chauds, au nombre d’environ trois cents, chacun recevait un gobelet d’or rempli d’une sorte de liqueur faite à partir du cacao et de nature très excitante. Ce breuvage était présenté au monarque par des femmes avec « une grande vénération » ». L’empereur buvait ce chocolat, épais comme du miel, et le gobelet, artistement travaillé, ne servait qu’une fois, étant aussitôt jeté dans le lac qui bordait le palais et d’où l’on retira plus tard un véritable trésor.
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Extrait de la thèse de Madeleine Allinne, pharmacien, « Recherches sur le cacao et le chocolat », thèse de pharmacie, Paris, 1937 |
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Les conquérants espagnols ne tardèrent pas à adopter l’usage du chocolat. ils avaient découvert au cacao toutes sortes de vertus curatives : « Ils en font aussi une certaine paste, dit Jean de Laet, qu’ils veulent guérir les maux de poitrine, d’estomach et les catarrhes ». Ils faisaient grande consommation de chocolat, constate le voyageur Thomas Gage, qui visita le Mexique après la conquête : « Deux ou trois heures, raconte-t-il, après un bon repas de trois ou quatre plats différents de mouton, veau, boeuf, chevreau, dindes ou autres volailles, nos estomacs, prêts à défaillir, étaient soutenus par une coupe de chocolat, qui nous était fourni en grande abondance. »
Des chocolateries s’ouvraient de tous côtés à Mexico et les femmes créoles étaient si friantes de la boisson nouvelle qu’elles en faisaient apporter par leurs servantes, relate Thomas Gage, au milieu de la messe ou du sermon. Cette coutume finit par offenser le clergé, et l’évêque de Chiapa frappa d’excommunication toute personne ayant eu la hardiesse de consommer du chocolat pendant l’Office divin. Les dévotes abandonnèrent alors la Cathédrale, et allèrent entendre la messe dans les couvents, où l’on était plus tolérant. L’évêque se fâcha et fit publier une nouvelle excommunication, mais, là-dessus, il tomba malade et mourut empoisonné… par une tasse de chocolat !
La renommée de cette divine boisson parvint à la métropole et l’on se mit à consommer du chocolat en Espagne, mais le secret de son origine fut jalousement gardé pendant tout le XVIe siècle et des lois sévères en défendirent l’exportation. Il demeura ignoré du reste de l’Europe et l’on raconte que des marins hollandais ayant capturé un navire chargé de cacao, jetèrent à la mer sa cargaison en la traitant avec mépris de « crotte de brebis ».
En France, le chocolat aurait été apporté dès 1609 par des Juifs venus d’Espagne, qui s’installèrent à Bayonne. La Reine Anne d’Autriche l’introduisit à la cour de France en 1615.
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Extrait de la thèse de Madeleine Allinne, pharmacien, « Recherches sur le cacao et le chocolat », thèse de pharmacie, Paris, 1937
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En 1630, le mémorialiste Tallemant des Réaux raconta que le Cardinal de Lyon, Alphonse de Richelieu, fut l’un des premiers à être conquis par le chocolat et, Bonaventure d’Argonne ajoutait que le Cardinal s’en servait pour modifier les vapeurs de sa rate, ainsi que le lui avait enseigné un religieux espagnol. Quant à son jeune frère, Armand Jean du Plessis Cardinal de Richelieu, ministre du roi, « quand il était fatigué, il trouvait dans le chocolat l’aliment qui lui convenait le mieux ». Son médecin, le docteur Béhérens affirmait que « son usage quotidien le remit en bonne santé et prolongea sa vieillesse ». les courtisans suivirent bientôt d’aussi nobles exemples et la consommation du chocolat entra peu à peu dans les moeurs de la noblesse française fortunée, car il s’agissait encore d’une denrée fort onéreuse. Les grands personnages du royaume firent même venir de l’étranger des experts dans l’art de le préparer. Certain noms sont ainsi entrés dans l’Histoire, comme celui de More que le Cardinal mazarin fit venir d’Italie ou, comme Andréa Salvatore, un autre spécialiste en la matière, que manda le Maréchal Grammont1.
C’est en l’année 1671 que le chocolat connut sa plus grande vogue et du Four de la Crespillère, médecin-poète, le célèbre en vers :
« Mais discourant du Chocolate
Paste de qui le nom éclate
Et dont on se sert à présent,
Comme un médicament plaisant ;
Car on en compose un breuvage,
Dont à Paris l’on fait usage,
Qui de cette paste a le nom
Breuvage que l’on trouve bon. »
Louis XIV n’aimait pas le chocolat. Aussi, raconte Mme de Montpensier, la Reine Marie-Thérèse qui en raffolait, se cachait-elle pour prendre le sien, qu’elle se faisait préparer par une femme de chambre amenée d’Espagne : La Molina. Cependant, le Mercure Galand de 1682 nous apprend qu’on servait à Versailles du chocolat les jours de divertissement ; il fut supprimé en 1693 par raison d’économie2.
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1. Extrait du livre « Les vertus thérapeutiques du chocolat », par Hervé Robert, Editions Artules, 1990.
2. Extrait de la thèse de Madeleine Allinne, pharmacien, « Recherches sur le cacao et le chocolat », thèse de pharmacie, Paris, 1937 |
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Au dire des médecins du XVIIe et XVIIIe siècles, le chocolat pouvait être bénéfique pour la santé. On trouve un chapitre sur la cacao dans l’ouvrage de Lémery (1716) « Traité universel des drogues simples » qui évoque l’usage du cacao : « On nous en apporte de quatre espèces : la première et la seconde sont appelées gros et petit Caraque; elles viennent de la Province de Nicaraga ; la troisième et la quatrième sont appelées gros et petit Cacaos des Iles, parce qu’elles croissent dans les Iles de la Martinique et de S. Domingue. Le plus estimé des Cacaos est le gros Caraque.. il fortifie l’estomac et la poitrine, il provoque l’urine, il calme la toux. On dit que Caraque vient de la corruption d’une île de l’Amérique méridionale appelée Carate ; que Christophe Colomb étant arrivé sur cette île, apprit que les habitants y vivaient ordinairement plus de cent ans, parce qu’ils ne mangeaient que du pain de Cacaos ; qu’ils y mêlaient quelquefois pour le rendre plus agréable, un peu de vanille, de girofle, de cannelle ou de quelque autre drogue aromatique semblable, mais sans sucre; que les Espagnols en goûtèrent ; qu’ils en prirent pour leurs malades et qu’ils s’en trouvèrent très bien : on ajoute qu’ils en portèrent en Espagne, où l’on cru raffiner en y mêlant du poivre et d’autres ingrédients ; c’est ce mélange qu’on appelle chocolat…
On tire du Cacao, comme des baies de Laurier, une huile épaisse, blanche, semblable à de la graisse ou du beurre, d’une odeur et d’un goût de Cacao ; elle sert de pommade pour polir la peau. Si on la garde longtemps sans remuer, elle devient dure comme du suif. Elle est fortifiante et résolutive ; on en applique sur la région de l’estomac quand il est trop débile. »
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Parmi les maladies traitées au XVIIe siècle par le chocolat, on peut citer les troubles digestifs : Dufour recommandait l’usage du chocolat pour les personnes dont l’estomac était affaibli par des manifestations diarrhéiques ou flatulentes, dans la mesure où il y remédiait par ses qualités stomachiques. Mais les avis étaient partagés. C’est ainsi que, selon Duncan, « le chocolat est le père des fièvres bilieuses. Il échauffe la bile et brûle le foie. J’en ai vu un tellement desséché qu’il était friable ». Alors que d’après Navier, le bon chocolat fournit à ceux qui en prennent habituellement des selles teintées de jaune, preuve qu’il active les canaux biliaires et favorise le dégorgement du suc amer et savonneux dans le duodénum. »
Les maladies pulmonaires étaient également susceptibles de bénéfier du chocolat, surtout la tuberculose (phtysie à cette époque). Lémery considérait que les principes balsamiques et huileux du chocolat profitaient aux phytiques en adoucissant les humeurs âcres qu’ils abritaient. Pour le traitement des maladies cardio-vasculaires, le chocolat tint aussi une place importante. Pour certains, il remédiait aux palpitations du coeur. Pour d’autres, le chocolat était recommandé pour le scorbut, pour les maladies nerveuses ou encore pour des troubles gynécologiques ou le vieillissement. C’est ainsi que de Caylus soutint que le chocolat était propre à conserver la santé et à protéger la vie des vieillards : « Avant qu’on connut en Europe le cacao, on appelait un bon vieux vin le « lait des vieillards » mais ce surnom s’applique avec plus de raison au chocolat depuis que l’usage en est devenu commun. Notre vie n’est qu’un déssèchement continuel, mais cette espèce de « phtysie naturelle » est imperceptible jusqu’à un âge avancé où le radical humide se consume… On dirait que la nature a renfermé dans le cacao tout ce qui remédie à ces inconvénients : le volatil sulfureux dont il abonde est capable de remplacer tous les jours ce que le grand âge fait perdre au sang… Il vient de mourir à La Martinique un conseiller âgé de plus de cent ans, qui depuis trente ans ne vivait que de chocolat et de quelques biscuits. il se faisait donner quelquefois du potage au dîner, mais jamais de viande, ni poisson, ni autre aliment. il était néammoins si vigoureux et dispos qu’à quatre-vingts ans, il montait encore à cheval sans étrier ».
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Pot de pharmacie Cacao
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Dans la première édition, parue en 1694, Pomet, marchand droguiste et épicier, écrit qu’il vend « plusieurs sortes de chocolats qui ne diffèrent que suivant leur beauté et bonté, et suivant les drogues dont il est composé et les pays où il a été fabriqué. Et le meilleur chocolat et le plus beau est celui que nous faisons, ou faisons faire à Paris […].» Pomet fils, apothicaire à Saint-Denis (Pomet père étant décédé en 1699 écrit dans son ouvrage de 1699 consacre quelques lignes au Cacao (voir ci-contre). On peut lire :
« Le Cacaos est le fruit d’un arbre qui croît aux Indes, de la grandeur de l’Oranger, ayant ses feuilles un peu plus longues et plus pointues. Sa fleur est grande, de couleur jaune ; elle laisse en tombant des filaments longs, lanugineux, verts, desquels se forment des fruits pointus, jaunes, qui atteignent en croissant et en murissant la grosseur des Melons : chaque fruit contient vingt ou trente amandes grosses comme des pistaches ; on en trouve même qui en contiennent jusqu’à quatre-vingt. Elles sont couvertes chacune d’une pellicule jaunâtre, laquelle étant séparée, il paraît une substance tendre qui se divise en plusieurs particules inégales, huileuses, nourrissantes, laissant quelque âcreté dans la bouche.
M. Wormes, dans son livre, à la page 191, fait mention qu’il y a quatre sortes d’arbres qui portent le Cacaos, dont le premier et le second sont appelés Cacahuaquahuitl. Le troisième, Xuchicacahuaquahuitl. Le quatrième Tlacacahuaquahuitl. Ce qui se rapporte assez aux quatre sortes de Cacaos que nous vendons, qui viennent assurément de différents arbres, dont le premier et le meilleur est appelé gros et petit Caraque, à cause de la Province de Nicaraga, d’où ces sortes de Cacaos nous sont apportés. Le troisième et le quatrième, sont appelés gros et petit Cacaos des Iles, parce qu’il vient des Iles de l’Amérique, et de Saint-Domingue. Le plus estimé de ces quatre sortes de Cacaos, est le gros Caraque, principalement pour la composition du Chocolat, qui est son principal usage ; car pour le peu qu’il s’en mange tel qui nous vient, cela ne mérite pas la peine d’en parler. Ce Cacaos pour être de bonne qualité, doit être gros, pesant, nouveau, noirâtre au dessus, et d’un rouge foncé au dedans, d’un bon goût, ne sentant point le moisi. Et le petit Caraque, le plus approchant des qualités du gros qu’il sera possible ; il fortifie l’estomac et la poitrine, il provoque l’urine, et calme la toux. »
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Les chocolats médicinaux.
Lemay, dans le Courrier Médical de 1930, explique l’origine du chocolat médicinal au XIXe siècle : « Après s’être évadé des officines vers la fin du XVIIe siècle, le chocolat fit sa rentrée solennelle chez les pharmaciens au début du XIXe siècle, grâce à l’initiative de l’un d’eux, le nommé de Bauve. Après avoir exercé la pharmacie pendant 15 ans à Saint-Germain-en-Laye, de Bauve était venu s’installer à Paris où il devint chocolatier du roi. Il fabriquait « toute espèce de chocolat, tant de santé qu’à la vanille, etc ». Mais ses chocolats médicamenteux étaient surtout renommés : « Il offre, dit Brillat-Savarin qui l’estimait beaucoup, à celles qui ont les nerfs délicats, le chocolat antispasmodique à la fleur d’oranger ; aux tempéraments suceptibles d’irritation, le chocolat au lait d’amande ; à quoi il ajoutera sans doute le chocolat des affligés, ambré et dosé « secundum artem ». La réputation de ces merveilleux remèdes se répandit jusqu’à l’étranger. »
Dès 1720, de Caylus suggérait qu’il était possible de proposer des médicaments ou autres remèdes sous des formes plus agréables et ayant un meilleur goût. Dans les traitements à base de quinquina, il recommandait de mélanger une dragme de quinquina à de la cannelle, le tout incorporé au chocolat. Mais, au XIXe siècle, on va voir fleurir toutes sortes de chocolats vendus en pharmacie : chocolat de Guyenne, chocolat Menier mais aussi bien d’autres. Guy Devaux rapporte (RHP, 2002) un témoignage de Joseph- Auguste Fort (1835-1920) dans ses mémoires. Après avoir commencé son apprentissage dans une officine de Mirande (Gers), sa ville natale, il le poursuit à Lourdes où il entre comme élève à la pharmacie Pailhasson : « Les habitants de Lourdes, écrit-il, jouissaient habituellement d’une si bonne santé que, pour occuper ses élèves, M. Pailhasson les employait à fabriquer du chocolat. Nous cassions avec une petite piene les amandes de cacao tenues entre le pouce et l’index de la main gauche, puis il fallait les monder avec de larges tamis. Après cela, les ouvriers les écrasaient, les mêlaient à parties égales avec du sucre, et en faisaient une pâte qu’on coulait ensuite dans des moules ou qu’on roulait en pastilles. »
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Le même Guy Devaux en 2003 évoque, dans la Revue, Dardenne dont le nom est attaché à un chocolat de régime. « Ses premières fabrications débutèrent en 1897. Elles ne prirent véritablement leur essor qu’après 1910, date de la protection du procédé de fabrication par un brevet incluant aussi bien les matières premières que la mise en oeuvre de la cuisson du chocolat à l’autoclave selon une procédure bien codifiée le rend en effet plus digeste et lui ôte son acidité, permettant ainsi d’obtenir un produit bien toléré par les sujets allergiques ou intolérants au gluten. Ce chocolat de régime avait d’abord et appelé « Yo-Yo », un clin d’oeil donné à Pierre, l’un des onze enfants de Ludovic Dardenne. Par la suite, ce nom disparaitra et on parlera simplement de « chocolat Dardenne »…
On peut également évoquer le chocolat ferrugineux de Boutigny : inventé en 1847, il est composé de 20 grammes de limaille de fer porphyrisée, incorporée à 1 kilo de chocolat. Son usage était recommandé aux convalescents, aux personnes affaiblies par les excès, aux enfants dont la croissance trouble la santé… L’une des qualité les plus remarquables de ce chocolat, nous dit le docteur Hervé Robert dans son ouvrage sur les vertus thérapeutiques du Chocolat (Artulen ed., 1990), était de provoquer ou d’entretenir l’embonpoint chez les personnes désireuses de s’étoffer. Le professeur Fourcault écrit à l’époque : « Parmi les substances alimentaires qui dans la phtysie pulmonaire et les maladies chroniques soutiennent les forces en combattant les dispositions vicieuses, il est juste de rappeler les effets favorables du chocolat antiasthénique ferrugineux de monsieur Boutigny d’Evreux. » Il y avait également d’autres chocolats ferrugineux comme celui de Colmet-Daage, pharmacien à Paris en 1850.
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On sait la place exceptionnelle que Jean-Antoine-Brutus Menier puis Emile-Justin Menier vont occuper dans l’histoire du chocolat. Comme l’explique Marc Valentin (RHP, 1984), conscient que la meilleure manière d’assainir une profession très encombrée est d’offrir au public un chocolat vraiment bon pour la santé, Jean-Antoine-Brutus Ménier choisit, en s’appuyant sur des «technologies de pointe », dirions-nous, de fabriquer des produits de qualité à un prix abordable pour le plus grand nombre. Pari difficile dans un pays où le marché du chocolat se signale par son étroitesse (la consommation moyenne annuelle s’établit à 160 g pour la période 1815-1824) et où l’approvisionnement en matières premières présente des difficultés. Mais projet d’avenir sans nul doute et les résultats acquis du temps du fondateur, même s’ils ne sont que les débuts d’une trajectoire, fournissent les bases nécessaires du développement futur. Comme le rappelle justement l’historique de la Maison Ménier, c’est Jean Antoine-Brutus Ménier qui dès 1835 « abandonne les usages établis pour le moulage et le pliage du chocolat » et «adopte une forme de tablettes pour faire distinguer, d’une manière complète, les produits de sa fabrique, avec une enveloppe et une étiquette fac-similé de médailles jusqu’alors inconnues du commerce ».
Néanmoins, dernière marque d’une époque où la droguerie est considérée comme l’objet principal, l’utilisation du chocolat à des fins pharmaceutiques occupe encore une place importante : en témoigne, dans les catalogues de la Maison Ménier, la multitude des chocolats pectoraux et médicinaux, vendus le plus souvent en pastilles, qui aident à avaler-des-médicaments au goût peu agréable… »
Les pages ci-jointes du catalogue Menier de 1860 illustre bien à la fois l’offre commerciale de l’entreprise en matière de chocolat, mais aussi les nombreux chocolats médicinaux : chocolat au calomel, chocolat au citrate de fer, au lactate de fer ou à l’iodure de fer, chocolat à la santonine, etc. et les pastilles correspondantes.
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Quelques années plus tard, Menier cède la partie pharmaceutique à la Pharmacie centrale de France créée par Dorvault. Mais ce dernier n’en oublie pas pour autant les origines de l’entreprise et propose lui aussi les chocolats Menier, mais également des « chocolats sans nom » et une liste imposante de chocolats médicinaux : chocolats ferrugineux, chocolat à la scammonée, etc. Parmi les chocolats « sans nom », il faut signaler le chocolat des étrennes et le chocolat parisien !
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Assez logiquement, Dorvault, dans l’Officine, va rédiger une rubrique assez longue sur le chocolat. L’édition ci-dessous est celle de 1945 mais on trouve à peu près le même texte dans les éditions antérieures. Il donne d’abord à lire un long développement sur le chocolat, sa préparation et sa composition. Il s’intéresse ensuite à divers chocolats médicinaux :
– chocolat blanc (1866)
– chocolats ferrugineux
– chocolat au kermès
– chocolat au lait d’anesses
– chocolat au lichen d’Islande
– chocolat à la magnésie. Apparu en 1846, il était alors composé d’un tiers de cacao, un tiers de sucre et un tiers de magnésie et était indiqué pour les maux de tête et d’oreilles, dans les ophtalmies, les affections du larynx, pour les femmes venant d’accoucher, etc.
– chocolat purgatif de Montpellier ou de Charles
– chocolat au salep
– chocolat à la scammonée
– chocolat vermifuge
Mais Dorvault n’évoque pas tous les chocolats. Deux produits supplémentaires méritent d’être cités :
– le chocolat dit de santé ou de la Trinité ou chocolat homéopathique (1866) qui avait la particularité de ne pas contenir la moindre trace de cacao.
– le chocolat aux glands de Mayrhofer (1892) à base de cacao de la Martinique et de glands de chêne torréfiés et pulvérisés.
Tous ces chocolats médicamentaux avaient suscité des réactions parfois vives, comme celle d’un journaliste, en 1860, que rapporte Hervé Robert : « Jamais on ne vit de chocolats de tant d’espèces, c’est une véritable dérision. Il n’est aucune substance qu’on ne se soit engagé à incorporer dans le chocolat. Par cette supercherie on a voulu flatter la répugnance que certaines personnes éprouvent à prendre à nu des médicaments plus ou moins désagréables, en leur laissant croire qu’il est possible de faire du chocolat l’excipient de toutes les drogues.
Cependant on annonce tous les jours de nouveaux chocolats* : au tapioca, au lichen, au sulfate de quinine et à l’arrow-roat. un fabricant rechérissant sur les autres, vient même de proposer un chocolat dit « éménagogue à la limaille de fer »! Bientôt si cela continue, toutes les drogues des pharmaciens passeront sous le rouleau du chocolatier et chaque maladie aura son chocolat spécial ! »
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* On trouve la plupart de ces chocolats dans le catalogue Menier de 1860 |
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Dorvault 1945
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Dorvault 1945
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Un autre exemple de chocolats médicinaux est accessible dans le Catalogue Goy du début du XXe siècle. On y trouve des croquettes purgatives à la scammonée, des croquettes vermifuges à la santonine, des croquettes purgatives et vermifuges au calomel. On retrouve aussi pratiquement les mêmes compositions sous forme de tablettes et de pastilles.
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Catalogue GOY, début XXe siècle
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Catalogue GOY, début XXe siècle
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En conclusion, cette exposition sur le chocolat montre que pendant très longtemps, le chocolat fut considéré comme un médicament, puis fut utilisé pour réaliser des médicaments à base de chocolat comme excipient, favorisant ainsi l’absorption du produit et le suivi du traitement, surtout pour les enfants.
Mais la question reste posée tous les jours sur Internet : le chocolat est-il un médicament ? Les études, les articles sur le sujet ne manquent pas. Ainsi, en juillet 2012, à la demande de l’entreprise Barry Callebaut, l’EFSA, l’autorité européenne en charge de la sécurité alimentaire, a dû se positionner sur les atouts du cacao pour la santé. On a effectivement montré une augmentation de la vasodilatation, dose-dépendante, des vaisseaux. Selon l’EFSA, l’effet du cacao sur les vaisseaux est visible à partir de 200 mg de falvonols par jour (10 g d’un chocolat noir riche en flavonols). Mais le chocolat ne contient pas que du cacao : il y a aussi du sucre et des graisses ! On peut lire sur internet que le chocolat protège d’à peu près tout. Pour Ella Zoner, par exemple, qui a réalisé une étude à Melbourne, « un traitement avec le chocolat noir pourrait fournir une alternative ou être utilisé en complément aux traitements par médicaments chez les gens à risque élevé de maladie cardiovasculaires ».
Une étude a été lancée en 2014 sur 18.000 Américains. Dans 4 ans, nous en saurons plus. Dans l’immédiat, le nutritionniste français Jean-Michel Cohen reste très critique. pour lui, « le chocolat reste un friandise. Ce n’est pas un médicament ».
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Image éditée par le Chocolat des Pharmaciens
Collection B. Bonnemain (recto) |
Image éditée par le Chocolat des Pharmaciens
Collection B. Bonnemain (verso) |
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