illus014

Les buvards pharmaceutiques: une époque transitoire dans l’arsenal de la publicité pharmaceutique

 

Les buvards pharmaceutiques:
une époque transitoire
dans l’arsenal de la publicité pharmaceutique

 Laboratoires Boismare
©Collections Bruno Bonnemain
 

Le buvard est un objet particulier en matière de publicité pharmaceutique : il a eu une existence très éphémère et ne faisait pas partie des objets dignes de figurer dans les ouvrages de référence. Le buvard (du verbe boire) servait à sécher l’encre utilisée pour écrire, mais son usage a rapidement disparu avec des stylos à bille et autres accessoires où l’encre sèche spontanément et rapidement sur le papier. Il a cependant constitué un support publicitaire de choix pendant une soixantaine d’année au XXe siècle.

 
Laboratoires Lafon
©Collections Bruno Bonnemain
 

Laboratoires Lescène
©Collections Bruno Bonnemain
 
Laboratoires Saunier
©Collections Bruno Bonnemain
  L’usage du buvard remonterait au XVe siècle en Angleterre. il succède au XIXe siècle au sable, sorte de poudre à base de pierre ponce que l’on versait auparavant sur la feuille d’écriture pour la sécher (source : Wikipedia). La majeure partie des buvards était de format rectangulaire avec une surface avoisinant celle du format A5, dans le sens de la hauteur ou dans le sens horizontal (à l’italienne). Aujourd’hui, on peut trouver un grand nombre de collectionneurs de buvard ( des papibeverophiles, ou papyrencosbibephiles, ou encore papybeverophiles, potorchartophiles, ou pictopublicephiles).

 

 
Laboratoires Guillon
©Collections Bruno Bonnemain
  

Dans le domaine de la pharmacie, le buvard est d’abord le support de la publicité sur les spécialités. Mais il est aussi utilisé pour les pansements en chirurgie comme on peut le lire dans la Revue d’Histoire de la Pharmacie : Un article du Bulletin des Sciences Pharmacologiques de 1902 indique en effet que « les chirurgiens l’emploient comme bandage  qui sont brûlés après chaque pansement et en ont retirés d’excellents résultats. Nous mêmes (écrit l’auteur, Desquenelle), nous employons depuis longtemps le papier à filtrer dans le pansement des vésicatoires et avons apprécié la supériorité de ses avantages comparativement aux autres papiers employés jusqu’ici pour le même usage. Grâce à ses propriétés absorbantes, le papier buvard est surtout indiqué dans pansement des plaies à suintement considérable, particulièrement dans le pansement des brûlures et des vésicatoires. »

 

 
©Collections Bruno Bonnemain
 
Laboratoires Homéopathiques Boiron
(au dos : N°Visa 1925 P. 34.045. Strictement réservé à l’usage de l’officine)
©Collections Bruno Bonnemain
 
Laboratoires Bouchara
©Collections Bruno Bonnemain
 
©Collections Bruno Bonnemain
 

En matière de publicité pharmaceutique, l’ouvrage de référence en la matière avant la seconde guerre mondiale est sans aucun doute celui de René Lafont, paru en 1936, préfacé par Pierre Harbin, Professeur à l’Ecole Technique de Publicité de Paris. Un ouvrage essentiel qui est à la fois le fruit de l’expérience de l’auteur mais aussi ce qui va guider les laboratoires pharmaceutiques dans leur façon d’informer les professionnels de santé et les malades eux-mêmes. Mais, dans cet ouvrage de plus de 400 pages, pas un mot sur le buvard ! Pour l’auteur, les formes de la publicité par imprimé destiné aux patients se limitent à la « lettre formule », au « prospectus de vulgarisation » et au  « prospectus joint au produit ».

Dès lors que la publicité s’adresse aux médecins et pharmaciens, Lafont distingue la lettre, la circulaire, le prospectus et le dépliant, la carte-demande échantillon, la brochure et le house-organ.

 Toutes les recommandations de René Lafont à propos de ces formes vont transparaitre dans la publicité par les buvards. René Lafont consacre par ailleurs une partie de ses recommandations à l’objet publicitaire et le cadeau qui mérite d’être rappelé ici, car cela s’applique assez bien aux buvards pharmaceutiques :

 
Laboratoires Mauchant
©Collections Bruno Bonnemain
 

 

©Collections Bruno Bonnemain
 « Nous disons qu’il y a objet publicitaire quand la chose offerte comporte une mention ayant pour but de remémorer la marque et quelquefois les arguments ; il y a cadeau lorsque la chose offerte ne présente aucun signe rappelant son donateur. L’objet publicitaire et le cadeau relèvent de l’idée de service ; ils visent à créer chez le médecin un sentiment de bienveillance en faveur du produit ou du laboratoire. L’action publicitaire proprement dite peut alors s’exercer dans des conditions plus favorables. L’objet publicitaire cherche en outre à rappeler le produit, et parfois ses traits principaux, chaque fois qu’il est fait usage de la chose gracieusement remise. La mention publicitaire doit dans tous les cas être discrète.  
Laboratoires Homéopathiques Boiron
(Au dos : N° VISA 1925 P 35.765.
« Buvard strictement réservé à l’usage à l’officine »)
©Collections Bruno Bonnemain
 

 

©Collections Bruno Bonnemain
 

©Collections Bruno Bonnemain
 

 

Laboratoires Homéopathiques Boiron
©Collections Bruno Bonnemain
 
©Collections Bruno Bonnemain
 

« L’objet publicitaire et le cadeau sont des moyens très employés dans notre domaine : dans aucune autre activité, on n’y recourt dans la même mesure. Le médecin reçoit quotidiennement des présents les plus variés. Le médecin apprécie moins la valeur des objets, publicitaires ou non, qui lui sont offerts que leur utilité. Une petite chose répondant à un besoin véritable est plus estimée que le bel article qui ne correspond pas à quelque désir exprimé ou latent. Le choix d’un objet publicitaire, le cadeau est donc très délicat; on doit, si l’on veut faire plaisir au médecin et obtenir un effet publicitaire intéressant, montrer quelque esprit d’observation et quelque imagination.

 

Dans le choix de l’objet à offrir au médecin, il faut se garder du tape-à-l’œil. L’homme auquel on s’adresse sait discerner la pacotille de l’article sérieux et chic. En admettant même qu’il se trompe dès l’abord, l’usage de la chose offerte l’avertira bien vite de la véritable qualité de cette dernière. L’effet produit sera contraire à celui recherché. A l’objet médiocre mais susceptible de faire impression, on doit préférer l’article, peut être modeste d’apparence, mais solide, confortable ».

 

Laboratoire de l’Endopancrine
©Collections Bruno Bonnemain
 
©Collections Bruno Bonnemain
 
Laboratoire Goy
©Collections Bruno Bonnemain
  

« Les objets offerts au médecin peuvent être groupés de la façon suivantes

 

– les objets utilisés dans l’exercice de la profession : blocs d’ordonnance, instruments de petite chirurgie, etc.  

 

– les objets utiles ou d’agrément destinés au bureau ou à l’appartement : presse-papier, encriers, cendriers, jeux de cartes, etc. ;

 

– les objets personnels : stylomines, portefeuilles, etc.;

 

– les objets susceptibles de faire plaisir à la femme ou aux enfants : modèles de tapisserie ou de broderie, parfums, jeux de patience, boites de couleurs, etc.

 

Ces divers groupes représentent autant de voies dans lesquelles la recherche peut s’engager »

Ce texte de 1936 illustre bien l’état d’esprit d’une époque en matière de relations entre médecin et industrie pharmaceutique. Nul doute que les buvards prennent leur place dans la deuxième catégorie des « objets utiles ou d’agrément destinés au bureau ou à l’appartement »  et répond bien aux définitions que donne René Lafont du cadeau publicitaire idéal.

 
Laboratoires Homéopathiques Boiron
(Au dos : « Buvard strictement réservé à l’usage de l’officine »
©Collections Bruno Bonnemain
 

©Collections Bruno Bonnemain
 


Laboratoires Crinex-Uvé
©Collections Bruno Bonnemain
 


©Collections Bruno Bonnemain
 


©Collections Bruno Bonnemain
 
Laboratoires Crinex-Uvé
©Collections Bruno Bonnemain
 
©Collections Bruno Bonnemain
 

On peut voir que le buvard présente des aspects assez diversifiés selon les laboratoires : il peut s’agir d’un simple rappel du Laboratoire et de ses produits, comme le fait par exemple Caducea, Saunier, Goy ou Lefrancq. C’est aussi le cas du Laboratoire de l’Endopancrine.

 

Dans de nombreux cas, s’y ajoute la ou les indications du produit, avec parfois la dose utilisée, mais sans vraiment une illustration de la maladie ou du patient ni une illustration attractive pour le médecin. On peut voir ce type de buvard avec le Laboratoire Camuset ou Allard.

Mais il existe aussi des séries de buvards avec des illustrations importantes :

– soit l’illustration a pour but d’illustrer la maladies et ses symptômes : c’est le cas de Goy avec Pepsimalt, Quintussyl et Magalo;

 
Laboratoires Crinex-Uvé
©Collections Bruno Bonnemain
 

Laboratoires Paul Hardy
©Collections Bruno Bonnemain
 


Laboratoires Homéopathiques Boiron
©Collections Bruno Bonnemain

Laboratoires Mayoly-Spindler
©Collections Bruno Bonnemain
 

 

Dans notre série, quelques rares dessins sont signés, comme pour le Quintussyl, par Hervé Morvan (1917-1980) dont L’Encyclopaedia Universalis nous donne une rapide biographie (http://www.universalis.fr/encyclopedie/herve-morvan/) :  Originaire de Plougastel-Daoulas dans le Finistère, où il naquit le 18 mars 1917 il entre à l’école des Arts appliqués, rue Dupetit-Thouars, en 1931, sur les conseils de son instituteur qui remarque très vite ses dons en dessin. Promu décorateur en 1934, il réalise alors des « façades de cinéma », ces toiles peintes, accrochées au fronton des salles, représentant acteurs et scènes de films en grand format. Il y apprend ce qu’il nomme « l’optique de la rue », une excellente école pour le futur affichiste. Démobilisé pour raisons de santé en octobre 1940, il dessine alors des affiches de cinéma. Parmi les premières, en 1942, un portrait de Viviane Romance dans Feu sacré (film de Maurice Cloche) le lance, puis les commandes se succèdent : Le Comte de Monte-Cristo, Casablanca, Fantomas, Le Voleur de bicyclette, Les Parents terribles… À partir de 1947, Morvan contribue régulièrement à donner des affiches pour le Parti communiste français et la C.G.T. Mais, grâce à la publicité commerciale vers laquelle il se tourne dès 1948, il s’éloigne du style réaliste qu’il adoptait pour les affiches de cinéma et donne libre cours à sa fantaisie, à son humour (l’homme-sandwich de la gaine Scandale, 1948 ; l’enfant aux doigts de chocolat de Kwatta, 1950). Engagé par l’éditeur-imprimeur publicitaire Guy de La Vasselais, Morvan se fait remarquer avec une campagne de quatre affiches pour Perrier (1950). Fondée sur la permutation des éléments, chacune d’elles en exploite successivement, à la manière des jeux d’enfants, les assemblages incongrus.

 

 
Laboratoires Camuset
©Collections Bruno Bonnemain
 
Laboratoires Lefrancq
©Collections Bruno Bonnemain
 
Laboratoires Caducia
©Collections Bruno Bonnemain
 
Laboratoires Goy
©Collections Bruno Bonnemain
 

– soit l’illustration est sans rapport avec le médicament comme le fit Goy avec sa série des Grands Pharmaciens Français que Maurice Bouvet avait souhaité. Plusieurs laboratoires vont illustrer leurs buvards de dessins ou tableaux de maîtres : Léonard de Vinci, Schidone, Bouchet, Clouet… , parfois associé au domaine du médicament, comme Crinex-Uvé qui illustre ses médicaments pédiatriques par des tableaux de madones ou le Laboratoire de l’Endopancrine (et la Vitamine B12) avec des portraits de jeunes enfants. Une autre série mérite d’être signalée : celle de Bouchara sur l’Alpinisme d’autrefois, a priori sans aucun rapport avec la spécialité recommandée.

Laboratoires Goy
©Collections Bruno Bonnemain
  

      
Laboratoires Goy  ©Collections Bruno Bonnemain
     
     
     
     
     
     
 …………………………………    …………………………………
Tags: No tags

Comments are closed.