Les Eaux Minérales |
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Dans son remarquable ouvrage sur les Eaux minérales*, E.-H. Guitard consacre une partie substantielle à l’étymologie, de la préhistoire à nos jours. Selon lui, le terme d’eau minérale n’est pas tant lié à la présence de minéraux dans les eaux salutaires, mais marque plutôt l’origine présumée de ces eaux, considérées comme sortant des minières ou mines naturelles du sol. Quoiqu’il en soit, de vraies sources étaient utilisées médicalement 3 ou 4 millénaires avant Jésus-Christ. A partir du III° siècle, les textes grecs signalent des stations fréquentées en Thraces, en Ionie, en Anatolie, dans l’Hellespont. Les Etrusques sont considérés presque comme les inventeurs du thermalisme. Ils avaient un corps de prêtres-fonctionnaires, les acquilegi, spécialisés dans la recherche, l’étude et la surveillance des eaux minérales. Quant aux Gaulois, ils n’avaient pas attendus les conquérants pour utiliser leurs richesses thermales. Sous l’Empire romain, les thermes médicinaux se multiplièrent et passèrent très tôt, comme les mines et les carrières, sous le contrôle de l’Etat romain. L’exploitation des sources se poursuit tout au long du Moyen-âge. Jusqu’à la fin du XV° siècle, peu de médecins semblent s’être installés même temporairement dans les villes d’eaux. A Plombières, en 1576, il n’y a encore ni médecin, ni apothicaire. A partir du 17° siècle, le thermalisme se développe de façon significative. En 1670, l’Académicien du Clos relève 58 stations dans le royaume et on commence à imprime des dictionnaires de stations françaises. Un grand nombre d’exploitations thermales sont restées dans le patrimoine des communes qui les gèrent elles-mêmes ou par adjudication. Les tarifs thermaux suivent eux aussi une marche ascendante. Par ailleurs, la fourniture des eaux s’étant peu à peu détachée de l’hôtellerie, la location en meublé se développe. Malgré le renfort des particuliers apporté aux hôtels pour héberger les curistes, bon nombre d’entre eux sont obligés, au plus fort des saisons, de coucher à la belle étoile ou sous la tente. La tourmente révolutionnaire va désorganiser le thermalisme et les premières tentatives de réorganisation apparaissent dans la loi du 22 fructidor an III et les arrêtés des 23 vendémiaire an VI et 20 floréal an VII. Le XIX° siècle qui s’ouvre va devenir l’apogée du développement des stations thermales. L’administration met en place des inspecteurs ou officier de santé chargés de l’inspection médicale des eaux minérales. Obligatoirement docteurs en médecine ou en chirurgie à partir de l’ordonnance de 1823, ils ne pouvaient empêcher les malades de suivre les traitements prescrits par leur médecin, mais pouvaient les expulser s’ils contrevenaient aux règlements. Ils veillaient aussi sur la qualité des médicaments vendus dans les stations. On comptait, en 1836, 138 inspecteurs (contre 73 en 1822). La fonction d’inspecteur va cependant disparaître en 1885. En ce qui concerne les propriétés thérapeutiques des eaux, l’hydrologie va peu progresser jusqu’au milieu du XIX° siècle, époque à partir de laquelle, par une meilleure coordination des efforts, on constate un approfondissement des connaissance sur le contenu des eaux thermales, et en particulier la découverte des trace de corps rares. En 1904, Pierre Curie et A. Laborde reconnaissent la radioactivité des sources thermales. Dans ce contexte historique, quel fut le rôle des apothicaires et pharmaciens ? Sous l’Ancien Régime, la vente des Eaux minérales échappait à peu près entièrement aux apothicaires. Quelques uns d’entre eux en acquéraient cependant l’exclusivité, mais au détriment de leurs confrères de la même ville. En 1757, par exemple, Jean-Claude Virion, premier apothicaire de la duchesse douairière de Lorraine, est dépositaire général des eaux minérales pour Nancy. Au XIX° siècle, les pharmaciens vendent les eaux minérales mais n’en ont pas le monopole. Quelques pharmaciens se sont illustrés par la production d’eaux minérales artificielles qui ont pris leur essor sous Henri IV. C’est l’apothicaire Gosse qui réalisa à Genève la première fabrication industrielle de l’eau gazeuse, d’abord en décomposant la craie à chaud, puis en faisant attaquer par l’acide sulfurique dilué le carbonate de calcium. En 1799, Paul, associé à Gosse, transféra cette industrie à Paris. Des usines plus complètes encore s’équipèrent sous la Révolution, notamment celle du citoyen Goldschmidt (5 rue de Paradis à Paris) qui reçu les félicitations officielles des maîtres de l’Ecole gratuite de Pharmacie. Comme le conclut Guitard, « ce caractère mi-médical, mi-profane des eaux artificielles modernes a contribué à enlever aux pharmaciens, dans bien des pays, le monopole soit de leur fabrication, soit de leur vente. Sans qu’on y ait pris garde, elles se confondirent souvent dans la législation avec les eaux minérales naturelles transportées.
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* Le prestigieux passé des Eaux minérales, SHP, Paris, 1950 |