Synonyme : alcoolé d’acide sulfurique, huile ou esprit de vitriol dulcifié.
Cet alcoolé doit son nom à un charlatan qui se donnait pour médecin, dont la vie agitée compta un séjour en Angleterre à la cour du roi Charles II, grand amateur de recherches alchimiques, et qui fut, en France, mêlé à l’affaire des poisons. Il fut arrêté en 1680 et emprisonné à Salses, citadelle voisine de Perpignan, où furent aussi emprisonnés d’autres condamnés de la même affaire. Il fut libéré par ordre du roi en 1686 à condition qu’il ne revienne pas dans le royaume, et il se réfugia à Avignon, puis à Nice.
Rabel fit éditer une publicité pour la vente de deux spécialités : une essence ou élixir pour usage interne dans les « douleurs de teste » et la préparation bien connue sous le nom d’Eau de Rabel pour l’usage externe, « pour les blessures et autres maux externes ». il s’y excuse de faire payer un « honnête prix » ses spécialités aux gens aisés, tandis qu’il traite gratuitement les pauvres, lui-même n’étant pas riche et obligé de vivre de son métier.
On ignore les formules précises de l’eau et de l’essence préparées par Rabel, quelques renseignements sont cependant donnés par les auteurs de l’époque. Il est dit aussi que Rabel aurait titré cette préparation alors classiques comme le De atramentis cujuscumque generis du médecin italien Caneparius paru en 1619, ou encore du Thesaurus medico-chymicus de Mynsicht paru à Hambourg en 1631. Lémery l’appelle dans sa Pharmacopée « Esprit de vitriol dulcifié », qu’il prépare en le mêlant avec un poids égal d’esprit de vin dans un matras pendant vingt-quatre heures sur un petit feu. Dans le Traité de Pharmacie de Virey, c’est un mélange de quatre parties d’acide sulfurique concentré et de douze parties d’alcool. Le Codex de 1866 indique la composition suivante :
Acide sulfurique pur 100 g
Alcool à 90° 300g
Pétales de coquelicot 4 g
C’est une formule voisine qui a été conservée dans le Codex de 1937, avec de l’alcool à 95° et non 90°, mais l’eau de Rabel n’est plus inscrite au Codex de 1949.
Elle était utilisée comme astringent, antiseptique et hémostatique, et recommandée pour arrêter l’écoulement du sang des morsures de sangsues. On en faisait aussi un sirop de Rabel ou sirop d’acide sulfurique alcoolisé, utilisé comme adjuvant dans le traitement de la gonorrhée.
Auteurs : Patrick Bourrinet et Charles Guyotjeannin. Dictionnaire d’Histoire de la Pharmacie, des origines à la fin du XIX° siècle, Olivier Lafont (sous la direction de), 2° édition, Pharmathèmes, 2007
Voir aussi
Bouvet Maurice. L’Eau de Rabel. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 28ᵉ année, n°110, 1940. pp. 280-288.