Pierre-François-Eugène Choay (1861-1942)(d’après le discours du Pr Javillier, 1948) |
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Eugène Choay est né à Alland’huy le 12 mars 1861. Son père était le menuisier du village, un brave homme, un homme consciencieux et habile, qui avait fait, dans le temps, son apprentissage à Reims et qui s’était installé à Alland’huy respectant ainsi une vieille tradition familiale, puisque les Choay oeuvraient ici depuis deux siècles et demi -exactement depuis 1610. Les ancêtres, il est vrai, n’étaient pas menuisiers, mais tisserands de père en fils. Ainsi le père d’Eugène avait-il innové au point de vue professionnel. Dans le cours du temps, une autre innovation s’était d’ailleurs produite, car les Choay ne s’appelaient pas Choay (C.H.O.A.Y) mais Chouet (C.H.O.U.E.T.). Un secrétaire de mairie, homme distrait ou médiocre écrivain, avait, en 1792, transformé le nom sur le registre de l’Etat civil. Et c’est ainsi que, sans le concours des autorités qualifiées, fut modifié un nom patronymique. La maman du petit Eugène, qui tenait le bureau de tabac tandis que son mari maniait le rabot, était une « Perrin ». Elle avait hérité de son père une intelligence vive et l’esprit d’initiative. Le père Perrin, tonnelier de son métier, n’avait-il pas, dès 1850, compris quel intérêt présentait le système métrique et fabriqué des mesures conformes aux nouveaux principes ? La vente des décalitres ou des doubles décalitres de sa fabrication lui avait d’ailleurs acquis une certaine aisance. Ainsi, Eugène Choay tenait-il de ses père et mère des aptitudes solides que les années devaient mûrir et développer. Il fait ses études primaires à l’école du village et, comme il travaille fort bien, l’instituteur conseille aux parents de faire quelques sacrifices pour son instruction. On envoie le gosse à Blombay, dans le nord des Ardennes, vers Rocroy, où il y a une petite institution. J’ai l’impression que la petite institution ne valait pas cher et qu’on y enseignait fort mal le latin, car Eugène, candidat le moment venu au baccalauréat, fait une version latine lamentable et échoue. C’est un drame. Mais les parents n’hésitent pas. Il faut qu’Eugène soit bachelier. On vend la vache, qui était pourtant bien utile et à laquelle on tenait beaucoup, et l’argent de la vente permet à Eugène d’entrer dans une boite à bachot parisienne. Heureuse solution puisque le fils est reçu brillamment. Saluons au passage la ténacité et le travail du jeune homme, mais aussi l’intelligente initiative du premier maître et l’esprit de sacrifice des parents. En ce temps là, on ne demandait pas tout à l’Etat, mais à l’effort individuel et à l’exercice de la volonté. Notre garçon a maintenant près de 18 ans et il faut choisir une carrière. A Blombay, son camarade Morigny lui avait fait part de son intention de devenir pharmacien. Pourquoi lui, Choay, ne ferait-il pas aussi de la pharmacie ? C’est une profession qui exige d’amples connaissances, qui, par les études mêmes qu’elle impose, est fort intéressante et qui ouvre bien des voies pour gagner honorablement sa vie. Choay opte pour la pharmacie. Justement, quelqu’un s’offre à le recommander à un M. Champigny, pharmacien rue de Clichy. Il entrera donc chez ce M. Champigny pour faire son stage. Le stage n’était pas alors une mince affaire ; il durait trois ans durant lesquels le jeune homme exécutait à peu près toutes les préparations qui figuraient à la Pharmacopée, s’entraînait à la reconnaissance de toutes substances médicamenteuses d’origine naturelle, de tous médicaments chimiques et galéniques, réalisait les prescriptions magistrales, se pliait aussi à toutes les exigences de la vie commerciale du praticien. Dans la vie austère de notre stagiaire, il y avait cependant des éclaircies. D’abord, Armand-Alexandre Felix Champigny, ancien interne, lauréat des hôpitaux, membre de la Société de Pharmacie de Paris, était un pharmacien de grande classe, aimant son métier, le pratiquant avec ponctualité, conscience, minutie, exigeant certes pour les autres comme il l’était pour lui-même, mais un bon maître habile à instruire, patient et bienveillant. Au reste, comment n’eut-il pas été bienveillant vis-à-vis d’Eugène Choay, qui possédait précisément toutes les qualités auxquelles le patron attachait du prix ? Et puis M. Champigny n’était pas seulement un pharmacien instruit, mais encore un homme fin, lettré, dont la conversation avait toujours du charme. Enfin, M. Champigny avait des filles. Marie Champigny avait 12 à 14 ans à l’époque du stage d’Eugène Choay et celui-ci était parfois chargé de conduire Mademoiselle au cours. Je pense que, parmi les éclaircies de la vie du stagiaire, celle-ci n’était pas la moins prisée. C’est bien naturel quand on a entre 19 et 21 ans, que le soleil luit et qu’il joue dans la chevelure d’un enfant, en laquelle le jeune homme, qui ne sait pas encore grand-chose de la vie, pressent cependant la jeune fille de demain. Mais la 21ème année est venue et l’obligation du service militaire. Eugène Choay l’accomplit à Bar-Le-Duc, sans histoire autant que je sache, et voici que l’Ecole de Pharmacie s’ouvre devant notre étudiant – un étudiant impécunieux – mais tellement méritant que, d’un bout à l’autre de ses études, il sera titulaire d’une bourse d’Etat. L’Ecole supérieure de pharmacie était une bien belle école, une école toute neuve. Certes, professeurs et élèves n’avaient pas quitté sans mélancolie l’immeuble de la rue de l’Arbalète si meublée de souvenirs. Mais il avait bien fallu s’agrandir devant l’affluence des étudiants, les nécessités de l’enseignement et les exigences de la recherche scientifique. Les bâtiments faisaient face à l’est à l’Avenue de l’Observatoire et joignait au nord le petit lycée Louis-le-grand (aujourd’hui lycée Montaigne). Derrière le bâtiment principal s’étendait le jardin botanique que limitaient, alors comme actuellement, les rues Michelet et d’Assas. Partout l’âme des jeunes hommes étaient imprégnée par de glorieuses évocations du passé : statues de Vauquelin, et de Parmentier, médaillons de savants pharmaciens : Balard, Caventou, Pelletier, Robiquet, Baumé, Serullas, Guibourt et d’autres. La salle des Actes reproduisait celle de l’ancienne Ecole et reconquérait non sans vicissitude la noble galerie de portraits qui lui donne si grand air. Les Maîtres qui allaient donner à Eugène Choay la formation professionnelle s’appelaient : pour la physique, François-Pierre Le Roux ; pour la chimie, Alfred Riche, Emile Jungfleisch et Jules Bouis ; pour l’hydrologie et la minéralogie, Gaston Bouchardat ; pour les Sciences Naturelles, Alphonse Milne-Edwards, Adolphe Chatin et Léon Marchand ; pour la Matière Médicale et la Pharmacie, Gustave Planchon, Ernest Baudrimont, Edmé Bourgoin. Magnifique ensemble de Maîtres dont chacun a creusé son sillon dans la Science. A ceux-ci s’adjoignaient de plus jeunes, comme Henri Moissan, qui allaient à leur tour illustrer leurs noms. En 1884, CHOAY participe au concours de l’Internat en Pharmacie des Hôpitaux de Paris et arrive parmi les premiers de la promotion. Et ce sont quatre années d’un travail opiniâtre et fructueux … A Lariboisière et à la Maternité, Eugène Choay est un interne modèle ; il a, avec ses chefs et les Internes en médecine, plus que des relations de service ; il devient leur collaborateur et parfois leur ami, car la solidarité de son savoir a bien vite conquis l’estime et la confiance de tous. Il publie son premier travail original en 1886 au Journal de Pharmacie et de Chimie. Mentionné au concours des prix en 1886, il est lauréat de la Médaille d’Or des Hôpitaux en 1887, ce qui lui permet, avec 3000 fr, quelques menus subsides supplémentaires et quelques bienveillants concours, de faire un peu plus tard un grand voyage à travers la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, les pays balkaniques, la Turquie, la Russie, d’où il revient avec des vues neuves sur le monde, l’esprit ouvert, la mémoire enrichie de souvenirs qu’il évoquera bien souvent au cours de sa vie. Entre temps, notre héros avait passé les examens probatoires pour le diplôme de pharmacien et couronné ses études par la soutenance d’une thèse – ce qui n’était pas du tout obligatoire pour l’accession au grade de pharmacien de 1ère classe. Cette thèse a pour titre « Recherches anatomiques et physiologiques sur les Dryadées » et date de 1888. Il l’avait préparée sous la direction un peu lointaine de Chatin et il s’y était consacré même pendant les périodes de vacances. Quand il revenait à Alland’huy auprès de ses parents, il avait hâte de disposer sur sa table microscope et colorants et d’étudier minutieusement ses coupes. Ses compatriotes étaient bien un peu intrigués de voir cet enfant du pays battre la campagne à la recherche de plantes qui n’avaient à leurs yeux aucun prix, des ronces et des potentilles, en couper certains organes en tranches fines auxquelles il faisait subir d’étranges manipulations avant de les examiner avec un instrument non moins étrange. En 1889, notre jeune pharmacien débute dans sa collaboration avec Auguste Béhal, son cadet de huit ans, déjà docteur es_sciences et pharmacien-chef de l’Hôpital du midi – collaboration qui devait être particulièrement fructueuse. Il est clair pour chacun – et pour Choay lui-même – que sa carrière est toute tracée, qu’il sera lui aussi, un jour prochain, pharmacien des Hôpitaux et qu’il sera pris tout entier par les devoirs professionnels et le culte de la Science. Mais les dieux malins qui régentent les carrières des hommes en avaient décidé autrement. L’un de ces dieux malins parut un jour sous les traits de son ancien patron de stage, M. Champigny. Celui-ci venait d’accepter la direction d’une importante maison de produits pharmaceutiques, la maison Frère, et il dit sans précaution à son ex-élève qu’il souhaitait le prendre auprès de lui à titre de Directeur de l’Usine. Voilà qui était beau, mais qu’allait devenir les projets de travaux et de carrière ? Et le temps de la réflexion devait être bref. Il fallait dire oui ou non sans le moindre délai. Je ne sais pas comment se serait conclu le dramatique débat de conscience si le malin dieu n’avait eu pour complice Marie Champigny, qui avait alors 22 ans et avait épanoui en sa charmante personne, en son esprit, et en son cœur, les promesses de la jeune lycéenne. Et c’est ainsi qu’un autre malin dieu -auquel toutes les Mythologies ont, dans leur Olympe, fait une juste place (que d’ailleurs, il quittait souvent pour folâtrer dans nos campagnes terrestres) – c’est ainsi, dis-je, qu’un autre dieu conclut l’affaire. En 1890, Eugène Choay devient Directeur technique de la Maison Champigny Frère et le 11 décembre de cette même année, il épousa Marie Champigny…. La vie industrielle de CHOAY est intensément remplie pendant 21 ans, avec toutes les préoccupations d’un chef d’industrie, mais aussi avec toute l’activité d’esprit d’un chercheur qui n’a rien abdiqué de son tempérament, de son désir de connaître, de son sens de la découverte. De cette période datent notamment d’excellents travaux sur les créosotes et sur les extraits opothérapiques. Dès 1897, CHOAY s’était attaché à l’étude de la préparation des produits utilisables en opothérapie… A l’époque où Choay poursuit le plus activement ses travaux, nous sommes sous l’empire du Codex de 1908, qui inscrit dans ses pages les « extraits d’organes non injectables » (extraits fermes délipidés ou non), « les extraits injectables » glycérinés et les « poudres d’organes ». Ces médicaments et leurs techniques d’obtention attiraient justement de vives critiques. Parmi les principes chimiques définis d’origine glandulaire, le formulaire légal ne connaissait alors que l’adrénaline… Les recherches dans cette voie ne paraissaient pas du goût de certains actionnaires influents de Frère. En 1911, Choay se sépare de la Maison Champigny Frère. Il va voler seul de ses propres ailes et, après avoir fabriqué pour débuter quelques produits spécialisés ou conditionnés, créer une industrie organothérapique française originale, toute imprégnée des principes qu’il a reconnu justes ; il va devenir l’un des promoteurs, le plus avisé, le plus fervent sans doute, d’une nouvelle branche de notre industrie pharmaceutique. .. En 1911, Choay a 50 ans. Cette année là, il a soutenu sa thèse pour le doctorat de l’Université de Paris sur les « produits opothérapiques ». De 1911 à 1942, il est le chef d’une grande industrie, qui sans doute commence petitement Boulevard du Montparnasse, puis Avenue du Maine, mais s’épanouit en 1923 dans les installations de l’avenue Théophile Gautier. Une grande industrie, non pas par l’étendue des locaux, la puissance de l’instrumentation, la multitude des ouvriers (on manipule des glandes dont chacune ne pèse que quelques grammes et certaines quelques centigrammes seulement et l’on ne peut travailler sur d’importantes masses), mais grande par les soins qu’elle exige, la perfection technique qu’elle impose, les savants contrôles qu’elle requiert, la valeur thérapeutique de ce qu’elle produit. Pendant 31 ans, Choay dirige la barque avec toute sa conscience et sa maîtrise, épaulé dans les 15 dernières années par ses deux fils, qui à tous égards, sont dignes de lui… Dans cette période 1911-1942 de la vie de Choay se placent les deux grandes guerres. En 1914, Choay, qui était dans sa 54ème année, part comme pharmacien aide-major de 1ère classe, non dans quelque poste tranquille que son âge légitimerait mais dans une ambulance divisionnaire de l’Armée des Vosges. Il y remplit son devoir avec ce zèle et cette initiative qu’il déployait en toutes choses. Il est par exemple un des premiers à appliquer la stérilisation des eaux de boisson par javellisation. Dépassant même le rôle d’un pharmacien, il organise des liaisons efficaces de son service avec les diverses unités de l’artillerie et il ne fait point faire les choses ; il les fait lui-même, estimant, à juste titre, que l’officier doit payer de sa personne et donner l’exemple. La croix de la Légion d’honneur en 1917 récompense ses services. En 1916, Choay revenu des armées est porté à la présidence de la Société de Pharmacie de Paris. Il exerce sa mission avec tact et autorité ; il met tout son cœur de Français, tout l’élan de son patriotisme à exprimer nos espoirs, à traduire nos enthousiasmes, à honorer aussi, en les termes qu’il faut, les douloureuses épreuves de maints de nos confrères. Quand la guerre survient à nouveau en 1939, Choay à 78 ans. Ses deux fils sont mobilisés. La « drôle de guerre » est, en mai 1940, suivie de la ruée allemande. Son village natal qui est juste sur la ligne de la percée et de l’invasion, subit des épreuves dont presque toutes les maisons portent la marque. Mais sa demeure familiale demeure intacte, et , grâce à ce hasard heureux, la façade de sa maison natale peut, huit ans après, accueillir l’évocation dans le bronze de son visage fin, mais quelque peu sévère, de son front haut et de ses yeux vifs. Et ceux qui l’ont connu, aimé, estimé, ajouteront à ce que le métal ne peut traduire : la vivacité de sa pensée et de sa parole, la chaleur de son cœur, la sincérité de ses sentiments. Eugène Choay nous a quitté le 11 mars 1942, à la veille de son 81ème anniversaire. Il a gagné le champ du repos discrètement, sans apparat, fidèle à la simplicité voulue de sa vie… Ce qui frappe dans la carrière de Choay, c’est l’aisance avec laquelle il a tour à tour manifesté sa maîtrise en plusieurs des si diverses disciplines que les Pharmaciens sont, par leurs études, aptes à cultiver…Le chloral, acétaldéhyde trichloré CCl3-CHO donne, par action directe du gaz ammoniac, un produit de condensation blanc CCl3-CHOH-NH2 peu soluble, décomposable pare l’eau à l’ébullition en chloroforme et formiate d’ammonium. CHOAY montre que, chauffé à 100° en l’absence d’eau, le chloral-ammoniaque donne le chloralimide, ou plutôt un trimère de celui-ci, ayant la structure d’une mono-chloro-triméthyl-hexahydrotriazine, et un iso-chloral-imide qui résulterait de la migration de trois atomes d’hydrogène, les trois atomes d’azote devenant quintivalente et trois doubles liaisons se créant dans l’hétérocycle. Le chloral hydraté CCl3-CH (OH)2 fournit avec l’antipyrine deux combinaisons en disolvant dans l’eau une molécule de chacun de ces composés et faisant cristalliser, l’on obtient le chloral-antipyrine en gros cristaux incolores. C’est l’hypnal des pharmacies, hypnotique et analgésique. L’autre combinaison renferme, pour une molécule d’antipyrine, deux de chloral, c’est le bihypnal. Sur les créosotes et leur analyse, l’étude de Choay a été particulièrement poussée. Les corps qui entrent dans les créosotes sont des monophénols et des éthers méthyliques de diphénols. On sépare ces deux groupes grâce à la propriété que possède la strontiane de donner avec les monophénols des combinaisons solubles dans l’eau et avec les éthers de diphénols des combinaisons peu solubles. Les monophénols furent transformés par Béhal et Choay en dérivés carboxylés de solubilités différentes. Par saponification, les auteurs aboutirent aux monophénols et diphénols correspondants. Pour être sûrs de leurs identifications, ils s’attachèrent à préparer synthétiquement les corps que l’on pouvait s’attendre à trouver dans les créosotes. C’est ainsi qu’ils obtiennent le gaïacol en faisant réagir la pyrocatéchine sur le méthylate de sodium en présence d’iodure de méthyle. Ceci fait, ces mêmes savants instituèrent une méthode permettant de déterminer les proportions des divers composés phénoliques contenus dans les créosotes, d’analyser par exemple les créosotes de hêtre et de chêne obtenues entre différentes limites de température. Les différences de composition sont grandes, puisque la créosote de hêtre passant entre 200-210° renferme 25% de gaïacol et celle de chêne distillant entre les mêmes limites 14% seulement. La créosote de hêtre obtenue en recueillant les produits distillés jusqu’à 220° baisse son taux de gaïacol et accroit sa teneur en créosol et homologues. Tout cela n’est pas indifférent au point de vue thérapeutique. Pour l’excellence de ce travail, Béhal et Choay reçurent de l’Académie des Sciences le prix de Parkin de 1894. Choay est aussi botaniste. Les Dryadées constituent une tribu de la famille des Rosacées que je vous rendrai plus familière en l’appelant tribu des Fragariées : nos fraisiers spontanés ou cultivés, nos ronces communes et nos framboisiers lui appartiennent. Mais Choay isole, semble-t-il, les Fragariées proprement dites, puisqu’il écarte les Fragaria à receptacle charnu et divise simplement la Tribu en Potentillées à fruit sec, liège péricyclique, sans réseau sus-endodermique et appareil tannifère, et Rubées à fruit dupacé, liège endodermique, réseau sus-endodermique et appareil tannifère. Le tanin des Rubées est envisagé par lui non comme produit d’excrétion, mais comme produit nutritif. Choay est par ailleurs avant tout biochimiste et pharmacien. Aussi son œuvre maîtresse est-elle l’étude des produits opothérapiques, de leur préparation et de leurs activités diastasiques. Sur la demande des Professeurs Gilbert et Carnot – je vous ai dit ses amicales liaisons avec les Maîtres de la Médecine – il prépare des extraits aqueux, glycérinés, alcooliques, salés, pepsiques, pancréatiques, papaïniques, etc., et, en fin de compte, il donne tout simplement la préférence à ce qu’on a appelé (ce n’est point lui qui a choisi ce vocable inexact) les « Extraits totaux ». ce sont en fait des poudres d’organes préalablement séchés dans des conditions respectant au plus haut degré leur activité pharmacodynamique. Choay adopte la dessiccation à froid dans un vide très profond en présence d’une substance avide d’eau. Les enzymes du pancréas et du foie conservant ainsi leur activité, l’extrait total et l’organe frais sont équivalents. Afin de poursuivre au mieux ses études, Choay perfectionne les techniques de détermination des activités diastasiques, mesure le pouvoir dissolvant et le pouvoir dégradant des protéases, compare la valeur des diverses fibrines comme substance d’épreuve, précise les conditions de dosage des catalases, observe l’influence des graisses et lipoïdes sur les activités catalytiques et amylolytiques, etc. Ce sont les faits d’ordre scientifique qu’il a observés qui sont à la base de l’industrie qu’il a créée. Aussi la technique industrielle a-t-elle atteint chez lui un rare degré de perfection : récolte des glandes, séparation de tout tissu étranger, propreté méticuleuse, maintien en parfait état du fonctionnement des pompes et cylindres à dessiccation, pulvérisation, tamisage, contrôles d’activité, conditionnement, tout ce fait avec ordre, attention, minutie. Aussi, un produit qui s’abrite sous son nom offre-t-il de hautes garanties de valeur thérapeutique…
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Extraits du Discours prononcé par le Professeur M. Javillier en 1948 à l’occasion de l’inauguration d’un monument à la mémoire de Eugène Choay à Alland’huy (Ardennes) |