Composé découvert simultanément en 1831 par Eugène Soubeiran en France, Justus von Liebig en Allemagne et Samuel Guthrie aux Etats-Unis. Liebig l’avait considéré comme exclusivement composé de carbone et de chlore et lui avait donné le nom de perchloride ou de trichloride de carbone. Sa formule a été fixée par Jean-Baptiste Dumas en 1834 qui, en outre, lui donna la dénomination de chloroforme, rappelant ainsi sa propriété de former du chlorure et du formiate de potassium sous l’action de la potasse alcoolique :
« La formule C4 H2 Cl6 correspond à un chlorure d’hydrogène carboné, équivalent de l’acide formique anhydre, c’est ce qui m’engage à le désigner sous le nom de chloroforme », composé dont de chlore et de form[yl] (radical de l’acide formique).
Pas plus Soubeiran, pharmacien des Hôpitaux de Paris, qui pourtant s’intéressait aux potentialités désinfectantes des dérivés chlorés des hydrocarbures, que Liebig ou Guthrie, dont les recherches respectives ne furent publiées qu’en 1832, un an après celles de Soubeiran, ne semblent avoir eu conscience de l’intérêt de leur découverte dans le domaine médical. En effet, ce n’est qu’au début de l’année 1847, que les propriétés anesthésiques du chloroforme chez l’animal ont été signalées par le physiologiste Jean-Pierre Flourens, élève de Magendie, alors qu’à la fin de cette même année, James Young Simpson, chirurgien à Édimbourg, montrait à partir d’un cinquantaine d’observations, que le chloroforme était d’un puissance anesthésique supérieure à celle de l’éther introduit en anesthésiologie moins d’un an auparavant ; il était aussi d’un emploi plus commode. Avec David Waldie, pharmacien à Liverpool, il mit au point la stabilisation du chloroforme, par addition d’éthanol, évitant ainsi la formation de phosgène autrement toxique.
Au début, l’anesthésie au chloroforme provoqua des accidents syncopaux mortels, surtout chez les sujets cardiaques et/ou hypotendus, accident que l’on réduisit en assurant en permanence l’oxygénation du patient. Ainsi, les concentrations de chloroforme utilisées ne dépassaient pas 2 à 4% dans l’air et l’inhalation était réalisée préférentiellement au moyen d’un appareil mis au point par John Snow en 1847-1848, modifié ultérieurement qui rendait plus sûre l’anesthésie puisque son débit était réglé en fonction du rythme respiratoire du patient. Les risques de chloroformisation, dus plus souvent à l’état du malade qu’au chloroforme, ont conduit à son abandon au profit d’associations où il était présent à côté d’autres anesthésiques gazeux ou volatils (éther ou chlorure d’éthyle, par exemple, dans le mélange de Schleich), avec lesquels les accidents étaient moins fréquents.
Le chloroforme a été utilisé également en topique contre les douleurs et les névralgies, en frictions, avec un poids égal d’axonge ou d’huile. A l’intérieur, il était considéré comme excellent analgésique et antispasmodique, sous forme d’eau chloroformée.
Si le chloroforme, comme l’éther, a été à la naissance de l’anesthésie générale, et très longtemps d’un usage courant, de nos jours il a été complètement abandonné. Signalons enfin que certains toxicomanes ont trouvé dans le chloroforme leur satisfaction , tantôt hilarant, tantôt le buvant, trouvant un bien-être dans son pouvoir narcotique, sacrifiant à l’accoutumance et oubliant les troubles psychiques et mentaux, conséquence de sa toxicité.
Auteur : Claude Viel. Dictionnaire d’Histoire de la Pharmacie, des origines à la fin du XIX° siècle, Olivier Lafont (sous la direction de), 2° édition, Pharmathèmes, 2007
Voir aussi
Guitard Eugène-Humbert. Le centenaire du chloroforme. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 19ᵉ année, n°76, 1931. pp. 278-279.
www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1931_num_19_76_10691
Devaux Guy. Quand les pharmaciens donnaient l’anesthésie. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 83ᵉ année, n°304, 1995. pp. 7-15.
www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1995_num_83_304_4190