Caricatures pharmaceutiques et médicales :
3° partie : les caricatures associées aux patients
Après avoir vu les caricatures médico-pharmaceutiques destinées à mettre en avant les défauts ou les faiblesses des professionnels de santé et celles utilisées pour des satires politiques, nous allons nous intéresser ici aux caricatures des patients eux-mêmes et à leurs maladies. Ils n’ont en effet pas été oubliés par les caricaturistes surtout au XXe siècle. Les patients ont aussi leurs travers ! Il existe différentes catégories de caricatures et dessins dans ce domaine. Certains ont mis en avant l’absence de culture médicale ou scientifique des patients, les autres leurs comportements en cours de traitement ou encore leur condition sociale face à la maladie et au coût des traitements. Le malade se voit souvent comme une victime des professionnels incompétents ou des charlatans de toutes sortes. C’est ce qui ressort de cette caricature de Daumier où deux patients discutent de leur traitement, le même ! alors qu’ils ont des pathologies opposés : l’un est obèse, l’autre trop maigre. Sous le titre « les beaux jours de la vie », Daumier fait dire aux deux patients, à propos des cigarettes de camphre. «
-On m’a certifié que c’était excellent pour engraisser !
-On m’a juré que c’était souverain pour faire maigrir ! »
Daumier montre ainsi qu’on pouvait dire tout et son contraire ! et ce fut un peu le cas pour le camphre au milieu du XIXe siècle !
Les cigarettes de camphre furent lancées en 1838 sous l’impulsion de Raspail. Cécile Raynal, dans notre Revue en 2007 explique que « le pharmacien Collas lui propose alors de fabriquer et de vendre ses préparations. Raspail accepte, et le pharmacien devient le dépositaire exclusif des produits de la médication Raspail. Pour inhaler le camphre, il fallait trouver un support léger, suffisamment solide et qui ne soit pas forcément combustible. Le papier ne correspondant pas à ces critères, les fabricants eurent recours à d’autres matériaux et nommèrent malgré tout ce support « cigarette » : « On nomme encore cigarette des tubes en plume, bois ou ivoire, dans lesquels on introduit des substances médicinales très volatiles que l’on aspire sans avoir recours à la combustion. » D’autres matériaux, plus ou moins précieux, furent utilisés : « On a fabriqué [des cigarettes] à l’époque de leur première vogue, en bois de violette, en os, en ivoire, qui sont d’une très grande légèreté ; on s’en procure en émail, en argent et en or […] on en fait dans tous les goûts. » Restant dans son optique d’accès aux soins pour tous, Raspail préfère les matériaux les plus simples, plus faciles à fabriquer soi- même : en paille ou en plume d’oie. Il indique ainsi le mode opératoire de la fabrication économique des cigarettes : « On peut faire d’excellentes cigarettes avec des tuyaux de paille de beau froment, mais mieux avec des tuyaux de plume ; 1) cigarette en tuyau de paille : on prend un beau tuyau qui ne présente aucune fente ; on le coupe [près du nœud]. On perfore ce nœud […]. On introduit […] un centimètre carré de papier […] de manière qu’il devienne un diaphragme perméable à l’air. On remplit alors le long bout du tuyau de paille avec de petits grumeaux de camphre et on les y maintient sans les tasser, au moyen d’un petit tampon de papier Joseph. [.,.] ; 2) cigarette en tuyau de plume d’oie. Après avoir ôté les pennes et la moelle de la plume, on obtient un tube. Une petite lanière roulée en spirale est introduite à l’intérieur de façon à former un « diaphragme en spirale ». Celui-ci sera séparé des grumeaux de camphre par un morceau de papier Joseph.
On bouche l’extrémité par un morceau de papier. On aspire les vapeurs de camphre par la partie libre, côté diaphragme. »
Le patient est ainsi victime des modes ou des idées parfois étranges des médecins qui pourraient décider seuls comme on peut le voir sur cette caricature sur l’homéopathie ou sur celle, plus récente sur l’euthanasie.
Le malade a parfois aussi des comportements contraire à leur bon équilibre physique ou mental. On voit par exemple ce curiste censé se rendre dans une station thermale qui va tout droit vers la région des vins de Bordeaux !
Il peut être aussi anormalement exigeant vis à vis du corps médical ou pharmaceutique. C’est le cas de cette patiente qui, ayant pris du poids, considère que c’est la faute du pharmacien ! : « J’ai encore pris quelques kilos : c’est la dernière fois que je me pèse chez vous ! »
Victime de son ignorance, le patient peut aussi paraitre décalé par rapport à sa situation médicale. Cela nous a valu au XIXe siècle la série de Baric « Les paysans ». Chez le pharmacien ou le médecin, on y voit deux épisodes montrant l’ignorance des patients : le premier dessin montre une paysanne en discussion avec le médecin qui lui demande : « Vous avez mis les sangsues ? ». Elle répond : « Dans la poêle, Monsieur… Vous ne m’aviez pas dit comment qu’fallait lui appliquer ça. J’les ai fricassées dans la poêle avec un peu de beurre, mais ça l’ragoutait si peu que j’n’ puen faire avaler qu’deux.
L’autre caricature met en scène un pharmacien et une autre paysanne. Le pharmacien lui demande : « Il y a longtemps qu’il a de la fièvre ? » Elle répond : »Ah ! Monsieur ! y’a plus d’ trente ans ». Le pharmacien : « En ce cas, il est temps de la lui couper ! ».
Et la paysanne répond : « Il n’est ben sûr pas troup tôt ».
Toujours dans le même registre, on trouve cette caricature sur une carte postale de 1913 « nos bons paysans. Le patient s’adresse au pharmacien : « Vite Monsieur le pharmacien. Donnez moi de l’eau d’annon pour notre femme. Le docteur a dit qu’elle avait une attaque de peau flexible ». On aura compris qu’il s’agit de laudanum pour une attaque d’apoplexie !!
Enfin, pour clore ce chapitre paysan, une autre caricature signée JL met en scène le pharmacien et sa patiente : celle-ci lui dit « Y m’a dit l’docteur : « une constipation au piniatre » mais ? … ousqu’il est mon « piniatre » m’sieur le pharmacien ? ».
Victime des médecins ou des pharmaciens, le patient peut être victime de l’administration et des contraintes budgétaires, comme le montre cet autre caricature de Deloire où le patient coûte trop cher à soigner !
Enfin, le patient peut être victime d’effets secondaires des traitements qu’il reçoit ou même d’erreur médicale. On peut voir ici le cas d’un patient qui a eu une éruption cutanée consécutive à un traitement et qui vient soigner son effet secondaire ! Cette caricature de Bellus, parue dans Ridendo, un journal qui est était distribué à tous les médecins gratuitement, est typique du style de la Revue.
Quant aux erreurs médicales, on en voit un exemple avec cette caricature :
Le malade peut aussi être mis en cause par les professionnels de santé !
ou même jugé sévèrement !!!
Le malade a parfois des relations étonnantes avec les professionnels de santé : admiration, respect ou au contraire colère et critique !
Si le malade est caricaturé, sa maladie peut l’être aussi. C’est le cas avec cette caricature de Rompaey sur l’aérophagie où l’on voit un scaphandrier se préparer à plonger: « Avec son aérophagie, il ne pourra jamais plonger ». Et il faut voir le dessin de Dubout sur le même sujet ! Il s’agit d’une publicité de Beytout pour l’aérophagyl.