Caricatures pharmaceutiques et médicales :
1° partie : les caricatures politiques
D’après le Larousse, la caricature est une représentation grotesque, en dessin, en peinture, etc., obtenue par l’exagération et la déformation des traits caractéristiques du visage ou des proportions du corps, dans une intention satirique. Mais on peut associer la caricature au dessin d’humour qui en est souvent très proche. Cette série d’exposition a pour objectif de montrer les caricatures et dessins d’humour associés à l’art de guérir : il peut s’agir de voir comment sont représentés les médecins et pharmaciens dans leur métier quotidien, de montrer plutôt le patient et sa maladie ou encore les traitements qui lui sont proposés. Il existe également de nombreuses caricatures de professeurs des facultés de pharmacie et de médecine. Mais la caricature politique a souvent utilisé le thème de la santé et du médicament pour mettre en lumière l’actualité du temps.
Plusieurs auteurs ont tenté de travailler sur l’histoire de la caricature et le dessin d’humour depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Bien qu’Aristote ait vu dans le risible une espèce de laid ou d’incorrect, et que d’autres écrivains l’aient également critiqué, le rire est une constante dans l’histoire de l’humanité. Descartes a écrit : « la dérision ou la moquerie est une espèce de joie mêlée de haine qui vient de ce que l’on aperçoit quelque petit mal en une personne qu’on en pense être digne : on a de la haine pour ce mal, on a de la joie de le voir chez celui qui en est digne ; et lorsque cela intervient inopinément, la surprise de l’admiration est cause qu’on éclate de rire… ». Schelling, Schegel, Ast, Hegel s’entendent pour faire du comique « la négation de la vie infinie, la subjectivité qui se met en contradiction avec elle-même et avec l’objet, et qui manifeste ainsi au plus haut degré ses facultés infinies de détermination et de libre arbitre ». Plus près de nous, Jean Nohain disait : « le public aime qu’on se moque de ceux qui sont plus forts, plus puissants, plus riches, plus importants, plus savants que lui. C’est la revanche classique du faible ou de l’ignorant. » On a catalogué différentes sortes de rire. En 1769, un écrivain anonyme divisait le rire en quatorze classes distinctes ! Quoiqu’il en soit, on trouve des caricatures dans l’Egypte antique comme en Grèce et chez les Romains.
La caricature a toujours existé mais elle a pleinement pris son essor au XIXe siècle en France, grâce au développement de la presse. Le nombre de titres de journaux s’envolent après la loi du 29 juillet 1881 qui met en place un régime libéral pour la presse. Un an après la France compte 3800 journaux et ce chiffre est de 6000 dix ans après dont 2000 à Paris1. La caricature peut mettre en avant les caractéristiques physiques de la personne dessinée ou mettre en scène des personnages dans un contexte inhabituel ou surprenant pour exprimer une idée. On peut aussi représenter un pays ou une institution par la représentation d’une personne. C’est par exemple le cas de la République représentée par une femme malade ou au contraire en très bonne santé. On utilise aussi couramment le zoomorphisme en caricature. Il s’agit alors de représenter une personne ou une situation par un scène d’animaux. La caricature peut aussi se faire sans déformer les visages mais en dessinant une scène humoristique. Le thème de la maladie est souvent utilisé pour ridiculiser les gouvernements et ses dirigeants, ou pour évoquer la situation politique du moment. Enfin, la caricature peut être dans le domaine du médicament la base d’une publicité mettant en avant les attributs et avantages du produit concerné.
La caricature politique à sujet pharmaceutique.
La caricature politique s’est souvent inspirée de la pharmacie, soit en mettant en valeur des instruments nécessaires au pharmacien ou à l’apothicaire, soit pour mettre en scène le pharmacien (et le médecin) au lit du malade dans un contexte politique, ou bien encore en utilisant le cadre de l’officine pour mettre en scène des personnages politiques en particulier s’ils étaient médecins ou pharmaciens. Un premier exemple remonte à la caricature de Louis-Auguste Cadet (1821-1891). Louis-Auguste Cadet naquit à Henrichemont, commune du Cher située dans l’arrondissement de Sancerre, le 28 mars 1821.
Après avoir fait ses études au collège de Bourges, il se destine à la pharmacie. Il s’inscrit à l’Ecole de pharmacie de Paris, en suit les cours avec l’assiduité requise, subit son premier examen le 8 avril 1845 et est définitivement reçu, à l’unanimité du jury, le 13 janvier 1846. Il avait soutenu, le 10, une thèse intitulée Du tabac, son action sur l’économie animale où il s’attache à montrer que le tabac est plus nuisible qu’utile. La vie de Cadet, depuis qu’il est à Paris, ne se limite pas à l’officine, à l’école, au laboratoire. Venu de sa province avec des idées libérales, il s’introduit rapidement dans les milieux politiques républicains, y fréquente les Ledru-Rollin et les Delescluze et participe activement à l’agitation qui ébranle le régime de Louis-Philippe. Il prend part, en particulier, à la campagne des banquets, ces fameux banquets-conférences organisés par l’opposition au gouvernement conservateur pour faire acclamer un programme libéral et républicain. Retourné dans son pays pour y fonder une pharmacie, il est, en février 1848, parmi ceux qui proclament la République dès le premier jour et il «forme un comité pour préparer les élections et faire comprendre à ses compatriotes les avantages du gouvernement républicain, qu’il vient défendre à Paris aux journées de juin ». Lors des élections à la présidence de la République, il soutient la candidature de Ledru-Rollin contre celle de Louis-Napoléon Bonaparte. L’hostilité de Cadet aux menées du prince président lui vaut, après le coup d’Etat du 2 décembre, d’être condamné à la déportation.
La sympathie de ses concitoyens et, précise la notice des Hommes d’aujourd’hui, l’amitié du juge de paix de son canton lui permettent toutefois d’échapper aux hussards et aux gendarmes envoyés pour l’arrêter. Il s’enfuit en Angleterre et rejoint à Londres plusieurs de ses compagnons de lutte, voués, eux aussi, à l’exil. Une amnistie lui permet de regagner sa patrie en 1857.
Après son retour en France, Cadet dut mettre un frein à son activité politique. Il n’en reste pas moins fidèle à ses idées et participe même à la fondation du Réveil de Delescluze. La grande affaire de sa vie devient la crémation. Dès le 8 août 1874, critiquant devant l’Assemblée parisienne les projets de création de cimetières périphériques à Wissous et à Méry, qui enserreraient Paris dans un cordon insanitaire », il prononce un long et vif plaidoyer pour l’incinération. « Que le corps soit rongé par les vers ou réduit en cendres, s’écrie-t-il, l’âme, si elle existe, saura bien trouver son chemin ». Quelques jours plus tard, le 14 août, le Conseil municipal invite le préfet de la Seine à ouvrir un concours pour rechercher le meilleur procédé pratique d’incinération des corps et décide qu’à la suite de ce concours il y aura lieu d’obtenir du pouvoir législatif qu’il autorise la crémation.
L’affaire progresse lentement à travers les méandres de la procédure administrative, des commissions — Cadet est membre de celle qui établit le programme du concours — et des consultations. Il arrive toutefois à notre propagandiste de se laisser emporter par son zèle et de verser involontairement dans l’humour macabre : « Avec les cendres mélangées à d’autres substances, on peut reproduire soit en buste, soit en médaillon ou statue, le portrait de la personne décédée, de sorte que les familles auraient la consolation de pouvoir conserver, près d’elles, sous une forme quelconque, les restes de leurs parents. La patrie, pour témoigner sa reconnaissance aux grands hommes, pourrait, de leurs propres cendres, faire fabriquer leurs statues et les placer au Panthéon. [Mieux : en conservant précieusement les cendres chez soi,] ne pourrait-on pas y semer les graines de jolies petites fleurs. Avec quelle admiration on les verrait germer, croître, s’épanouir ! Et avec quel respect et quelle vénération n’irions-nous pas les cueillir ! » Il est bien possible que ce passage soit directement à l’origine de la caricature des Hommes d’aujourd’hui. L’incinération a été autorisée en France par la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles. Cette loi, issue d’une proposition déposée à la Chambre des députés en mai 1880, y fut discutée en première lecture durant la législature à laquelle Cadet appartint. On s’étonne, vraiment, qu’il n’ait jamais pris la parole sur le sujet.
Parmi les caricaturistes célèbres, il faut bien sûr parler de Daumier qui sut représenter les médecins et les pharmaciens pour s’en moquer largement mais aussi pour les utiliser au plan de la caricature politique. Louis Sergent en donna un exemple dans un article paru en 1921. En mai 1831, des manifestations contre le gouvernement de juillet s’étant produites plusieurs jours de suite au pied de la colonne Vendôme, le ministère Casimir Périer (mars 1831, mai 1832) craignit qu’elles ne vinssent à dégénérer en émeute. Le 5 mai le général Mouton, comte Lobau, imagina pour disperser la foule de l’arroser avec des pompes à incendie. L’opposition fut furieuse. Elle rejeta le ridicule sur le défenseur de l’ordre et Lobau qui avait reçu à la suite de cet exploit le bâton de maréchal fut couvert de railleries inépuisables et faciles. La seringue des apothicaires désigna désormais aux rires celui que Daumier avait baptisé Lancelot de Tricanule. Cette représente le cortège du Commandant Général des Apothicaires — le prince Lancelot de Tricanule — à son entrée dans la chambre des Pairs. Précédé d’un tambour, des grenadiers et se dirigeant à gauche, le prince Lancelot de Tricanule, en grand costume d’apparat, un clysoir en guise d’épée est suivi, nous dit la Caricature, d’une députation des apothicaires de France dont l’un porte son bâton ou sa seringue de maréchal, le second un coussin de chaise percée et le troisième la plume et l’écritoire du noble pair, lequel écritoire n’est autre qu’un vase de nuit.
L’autre lithographie, longuement intitulée : « Primo saignare, deinde purgare, postea clysterium donare : d’abord saigner, ensuite purger, postérieurement seringuer » (quelques personnes traduisent par le mot « dinde », mais c’est un latin de cuisine), est une composition à quatre personnages : à gauche Louis-Philippe vêtu d’une longue redingote, son chapeau orné d’une cocarde lui cachant à demi le visage, est occupé à faire un incision à un malheureux, le front bandé — le peuple ! — à droite le duc Ferdinand d’Orléans, debout, tient précieusement une potion sur laquelle on lit : « Médecine du roi », tandis que le maréchal Lobau. un genou en terre, s’apprête à donner son clystère. Cette lithographie publiée dans la Caricature sous le numéro 161, à la date du 5 décembre 1833, porte en bas et à droite, les initiales « H. D. » et mesure 442 m/m de longueur, 24g m/m de hauteur.
Une autre caricature politique, qui vise cette fois encore un pharmacien, est signée Moloch. Il s’agit du pharmacien principal de ma Marine, François Baucher (1852-1907). En 1894, l’origine des piqûres des plaques de blindage des torpilleurs, question de la plus haute importance militaire, préoccupait a juste titre les autorités maritimes responsables. François Baucher avait pressenti et prouvé à cette époque où les découvertes pastoriennes avaient encore de la peine à s’imposer en médecine et en hygiène, que la corrosion marine n’était pas en certaines circonstances, en Méditerranée notamment, le résultat des simples attaques chimiques ou électro-chimiques. Baucher avait eu la vision prophétique, aujourd’hui incontestée, que l’eau de mer est vivante et que des facteurs biologiques s’ajoutent à l’action agressive purement minérale. La preuve fut apportée par lui de l’action de micro-organismes, donc d’êtres vivants infiniment petits, se comportant comme agents agressifs, dans les eaux calmes et chargées en matières organiques, de coins de rade abrités, comme la Vieille Darse à Toulon et le bassin de la Mâture à Cherbourg. Les recherches et les conclusions de ses recherches chimiques et bactériologiques sur les altérations et la protection des métaux usuels en eau de mer publiées en janvier 1895, dans la Revue Maritime et Coloniale, eurent un immense retentissement.
A la Chambre des députés, dans la séance du 6 septembre 1894, un député, journaliste à l’esprit aiguisé, qui déjà semblait vouloir se spécialiser dans les questions maritimes, Camille Pelletan, futur ministre, amusa ses collègues au cours de la discussion du budget en prodiguant ses traits contre le pharmacien qui avait découvert un nouveau bacille, le bacille des torpilleurs.
Le Ministre de la Marine, Félix Faure, n’étant pas à son banc au moment où furent déversés ces torrents d’ironie et de plaisanteries malsonnantes, prit la parole à la Chambre à la séance du 8 décembre : « Cet officier supérieur du Corps de Santé de la » Marine, déclara le ministre, est un chimiste eminent bien connu » dans le monde maritime et médical, et il n’y a pas lieu de douter » ni de s’étonner des résultats qu’il a obtenus ».
Les journaux satiriques de l’époque avaient relaté les mouvements de la séance, si agitée, du 6 décembre 1894, et l’un d’eux, le Chambard, dans son numéro du 15 décembre 1894, consacrait en effet sous le titre « La dé… pense « nationale », sa page illustrée, signée B. Moloch, à notre confrère Baucher, devenu pour la circonstance, < Fleurant Apothicaire ».
Les caricatures ne sont pas une spécialité uniquement française. Ainsi, en 1881 paru en Italie est une caricature de Grossi sur la politique de la France ayant pour titre « une distillation politique ». « Dans le laboratoire chimique des associés Chambre et Sénat, on voit peu à peu s’évanouir la vapeur inutile, laissant la substance au fond. » La Chambre des députés et le Sénat attisent le foyer. La distillation de Gambetta (président de la Chambre), libère l’inutile vapeur formée de Jules Ferry, d’un bonapartiste (à gauche), d’un radical coiffé du bonnet phrygien, d’un monarchiste en perruque et à fleur de lys, d’un orléaniste à la fameuse tête en forme de poire de Louis-Philippe et d’une personne « rurale». L’opération produit, dans le flacon de gauche, une République française « sage ».
Un autre caricaturiste italien, Balsani, en 1887, met en scène Le chancelier Bismarck (à g.) repousse la solution de tartre émétique que le général Boulanger, ministre de la Guerre (à dr.), lui présente et qui lui ferait vomir, c’est-à- dire restituer, l’Alsace et la Lorraine annexées .
Au début du XXe siècle, Ferdinand Sarrien est nommé président du Conseil par Armand Fallières. Notre collègue Guy Devaux2 explique que cet avocat appartient au parti radical socialiste dont il constitue un des éléments modérés. Sa personnalité quelque peu effacée, le fait qu’il ne se soit pas compromis avec la politique combiste, le rend apte à rassembler les forces du centre et du parti radical. Se réservant le ministère de la Justice dont il a l’expérience (il avait déjà été Garde des sceaux au moment de l’affaire Dreyfus), Ferdinand Sarrien fait entrer dans son gouvernement de fortes personnalités, dont les principales figurent sur la caricature que nous présentons. Celle-ci représente la « pharmacie Sarrien», ou plutôt le laboratoire de celle-ci dans lequel trois préparateurs s’activent tandis que dans l’embrasure de la porte, en complet veston et les mains derrière le dos, leur patron les regarde opérer. À la gauche de l’image, Aristide Briand, ministre de l’Instruction publique, des Beaux-arts et des Cultes, manches retroussées et revêtu d’un tablier, mélange dans un mortier des objets à connotation religieuse (croix, crosse, chapelet), ingrédients tout indiqués pour confectionner la « pâte des prélats Briand », sans que l’on ose toutefois y incorporer de l’eau bénite, avantageusement remplacée par une « eau sophistiquée» dont un grand flacon est disponible.
On rappelle ainsi qu’Aristide Briand vient de jouer un rôle important dans le processus de laïcisation de l’État français en tant que rapporteur de la loi de séparation des Églises et de l’État. Son pragmatisme et son talent de négociateur lui seront utiles pour régler les suites de cette loi de 1905. Il veillera à son application mesurée, permettant ainsi un accord de fait entre la République laïque et une partie du clergé français, malgré l’opposition virulente du Vatican. Au milieu, Georges Clemenceau, ministre de l’Intérieur, lui aussi en tablier et manches retroussées, prépare la « mixture électorale Clemenceau ». Pour cela, il malaxe dans un mortier «fiches» et «circulaires» avec un pilon manié des deux mains. À côté de lui, son aide, Albert Sarraut, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, un crayon sur l’oreille, lui porte un grand bocal de pharmacie en verre, coiffé de l’habituelle capsule en tôle peinte. Ce bocal est rempli de « pilules préfectorales Sarraut », bien utiles pour mettre en œuvre la politique gouvernementale qui nécessitera de subtils remaniements préfectoraux. Avec ces trois personnages, on dispose ainsi d’une «Formule ministérielle» efficace, surtout si l’on considère qu’elle sera renforcée par la présence de Raymond Poincaré aux Finances et de Léon Bourgeois aux affaires étrangères.
D’autres exemples avaient été relevé par Pierre Julien en 1975. Il avait trouvé 4 dessins de la période 1914-1918. « Les deux premiers font allusion aux restrictions sur la consommation de viande, de sucre et de pâtisserie dues à la guerre. Sous le titre Plus de gâteaux (fig. 1), Poulbot nous montre un garçonnet qui regrette que cette suppression ne s’étende pas à l’huile de foie de morue, si rebutante pour les enfants. Quant à Henriot (fig. .2), il moque une maîtresse de maison qui offre de ce même produit à un invité en arguant que, selon le médecin, il remplace avantageusement la viande ! La troisième scène illustre la vogue du pyramidon (fig. 3) : dans une pharmacie, bien reconnaissable au bocal de sa devanture, une cliente s’étonne que cette spécialité augmente de deux sous, et le pharmacien d’expliquer qu’ « il y a un impôt de 10 % ». A ces trois dessins de 1917 qui touchent directement à l’histoire du médicament et de la pharmacie, j’en ajoute un troisième, de 1918, sur le thème de la consultation médicale (fig. 4). Un médecin en costume du XVIIe siècle et muni d’un clystère prend le pouls de Germania, personnification de l’Allemagne, qui se sent mal en point. Elle se croit atteinte de la grippe espagnole. Le médecin, lui, pense que c’est plutôt la grippe « américaine » : allusion à la contribution des Etats-Unis aux victoires des Alliés sur leur adversaire. »
Plus près de nous, il existe un bon nombre de caricatures politiques à thème pharmaceutique ou médical. C’est sans doute Jacques Faizant qui en a dessiné le plus, comme avec cette publicité d’octobre 1978 qui met en scène Georges Seguy, secrétaire général de la CGT cette année-là, et un médecin qui examine son bilan sanguin. Indirectement sont cités Georges Seguy (Seguyline), Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT (Mairocytes) et André Bergeron (Bergeronémie), secrétaire général de Force Ouvrière. La question qui se pose alors est de savoir dans le climat social tendu vécu en France à cette époque si les trois principaux syndicats vont s’unir pour déclencher des grèves générales. Une vague de grève aura lieu quelques jours plus tard, le 23 octobre 1978.
Une autre caricature de Jacques Faizant évoque le déficit de la Sécurité sociale en juillet 1979. Elle met en scène cette fois-ci un médecin(sans doute Jacques Barrot) et une patiente. Comme l’explique Jean-François Chadelat, « le 4 juillet 1979, à la suite de son élection à la Présidence du Parlement européen, Simone Veil quitte le gouvernement de Raymond Barre. C’est Jacques Barrot qui lui succède, comme Ministre de la Santé et de la Sécurité sociale. L’encre du plan de financement de Simone Veil est à peine sèche que le dérapage des dépenses de l’Assurance maladie oblige Jacques Barrot, moins de trois semaines après son arrivée au ministère, à présenter un plan « musclé » pour rétablir les finances de la Sécurité sociale.
La première des mesures est une hausse des cotisations, + 1 % de la part salariale. Mais – grande innovation – cette hausse est annoncée comme temporaire pendant 18 mois, c’est-à-dire qu’elle s’appliquera d’août 1979 à février 1981. Il n’échappe alors à personne que février 1981 se situe à trois mois de l’élection présidentielle. Pouvoir se permettre le luxe de baisser une cotisation, même si on l’a relevée, n’est pas à la portée de la Sécurité sociale. La cotisation exceptionnelle fut effectivement supprimée, puis, après l’élection présidentielle, rétablie par Nicole Questiaux, Ministre de la santé de François Mitterrand.
Deuxième catégorie de mesure de ce plan Barrot, le blocage de l’évolution des dépenses d’Assurance maladie : le budget des hôpitaux est plafonné, le prix de journée des cliniques est bloqué. Les honoraires des médecins et des dentistes sont gelés, les pharmaciens doivent reverser une part de leur marge, une taxe sur la publicité des laboratoires pharmaceutiques est instaurée. Comme on le voit, 17 ans avant le plan Juppé, Jacques Barrot inventait l’Ondam (objectif national des dépenses d’Assurance maladie). Comme lui, il fixait un objectif aux dépenses d’Assurance maladie. Dire que cet ensemble de mesures – dont toutes n’ont pas été citées – fut impopulaire, relève à l’évidence d’un euphémisme ». Quelques années plus tard, c’est Claude Evin qui annonce la création de la CSG pour réduire le déficit de la Sécurité sociale, mesure qui sera finalement votée en février 1991 par le gouvernement de Michel Rocard.
Dans la caricature de Jacques Faizant, la Sécurité sociale, sous perfusion, est visitée par la France et par le ministre Claude Evin, avec son projet de loi en main.
Les années Mitterrand ont été aussi une bonne occasion pour les caricaturistes comme Faizant. On voit par exemple en avril 1984 le gouvernement Mauroy au chevet de la France malade avec François Mitterand, médecin, qui mire les urines, Pierre Beregovoy, ministre des Affaires sociale et de la solidarité nationale, qui se prépare à administrer un lavement, et d’autres personnages (Laurent Fabius et Jacques Delors) dissertent sur « le cas ».
Une autre caricature parmi beaucoup d’autres concerne la cohabitation entre Jacques Chirac, premier ministre (le pharmacien), et François Mitterrand, président de la République (le médecin). On découvre, lors de cette cohabitation que les ordonnances (celles sur les privatisations, sur le découpage électoral ou sur l’aménagement du temps de travail) doivent être in fine approuvée par le chef de l’État, qui s’y oppose au cours de la première cohabitation. Cela déclencha une controverse constitutionnelle.
Faizant intervient aussi à propos de Robert Fabre, pharmacien, à qui Valéry Giscard d’Estaing confia une mission sur le chômage le 4 septembre 1978. Gabriel Macé, dans le Canard enchaîné d’août 1978 écrit un article sous le titre « Robert Fabre. Monsieur remède a bien la tête de l’emploi ». Très critiqué par la gauche pour avoir accepté cette mission du président de la République, Valery Giscard d’Estaing, Robert Fabre a droit à tout une article du Canard où on peut lire : « les termes malsonnants pleuvent dru sur le pauvre pharmago de Villefranche-de-Rouergue : renégat, caution du giscardisme, ambitieux, personnel, toutou courant après un os, révélateur du virage à droite du PS, magouilleur, débauché, etc. Il pleut, il pleut bergère comme chantait le regretté conventionnel Fabre d’Eglantine, avant de passer chez Guillotin. Heureusement, Fabre d’Anémone (ainsi l’appelle-t-on depuis qu’il est le chouchou de l’Elysée) n’a cure de ces quolibets. Il se sent bien dans sa peau. »
D’autres caricaturistes moins connus vont également s’exprimer sur le plan politique. Cela concerne des sujets très variés comme l’Euro par exemple avec une caricature de Boussard intitulée « L’Euro a dix ans », où l’on voit la monnaie européenne au fond de son lit d’hôpital ! Les observateurs de l’époque soulignent un anniversaire en catimini, sans éclat en raison des difficultés rencontrés sur le plan économique par certains pays de la zone Euro. Une autre victime des caricatures médico-pharmaceutiques ces dernières années a été Roselyne Bachelot à l’occasion de l’épisode de la grippe H1N1 en 2009.
Le coût du plan de vaccination mis en place par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot est estimé alors à un montant de 1,5 milliard d’euros en octobre 2009, dont 800 millions d’euros pour la fourniture des vaccins auprès des laboratoire GSK, Sanofi-Pasteur, Novartis et Baxter. Comme l’indiquait Paris-Match en 2011, « pour écouler ce stock, Mme Bachelot avait, dès le mois de janvier 2010, annulé auprès des laboratoires pharmaceutiques la livraison de 50 millions de doses encore non payées. Un dédommagement de près de 48 millions d’euros avait été versé aux laboratoires. Douze millions de doses ont été données à l’OMS. Quelques ventes « marginales » (environ 310 000) ont été effectuées vers le Qatar ou Monaco ». Cet épisode malheureux entraina une commission d’enquête parlementaire où la ministre due s’expliquer sur la gestion de cette crise.
- Philippe Rivière. La caricature, le dessin de presse et le dessin d’humour en France, de la Révolution à nos jours. Master en Sciences de l’information et des Bibliothèques, Rapport de recherche bibliographique, mars 2005
- Devaux Guy. Une caricature politique à sujet pharmaceutique [Q 292 Caricature à sujet pharmaceutique]. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 98e année, N. 372, 2011. pp. 557-558.