illus014

Charles Louis Cadet de Gassicourt

Charles-Louis Cadet de Gassicourt (1769-1821) 

Quand on parle de la famille Cadet, il faut d’abord dire que c’est une dynastie d’apothicaires : Il y a d’abord l’ancêtre Claude-Cadet, arrière petit neveu de Vallot, premier médecin d’Anne d’Autriche puis de Louis XIV, qui fut l’un des meilleurs praticiens de l’Hôtel-Dieu. Il mouru à 50 ans laissant à sa femme 18 Francs de l’époque et treize enfants, sept garçons et six filles. Tous furent pris en charge par des amis de la famille habitant dans des lieux différents si bien qu’il y eut des Cadet de Gassicourt, de Senneville, de Limay, de Chambine, de Fontenay, et enfin de Vaux. Cadet de Vaux, le dernier, pharmacien chimiste d’excellente réputation précéda Parmentier aux Invalides comme apothicaire-major et travailla avec lui à l’amélioration du rendement du blé en farine.

Louis-Claude Cadet est né en 1731 et mort en 1799. Grand homme de science, membre de l’Académie des Sciences, de l’Académie impériale des Curieux de la Nature, de celles de Lyon, de Toulouse, de la Société de médecin de Bruxelles, membre du Collège de Pharmacie de Paris, de la Société Philanthropique, etc. Il procéda à l’analyse de huit espèces d’eaux minérales et donna le moyen de préparer à des prix très modiques l’éther, « ce médicament dont l’usage est tous les jours plus répandu et pourrait même l’être trop, depuis que les femmes se sont familiarisées avec ce puissant antispasmodique, déguisé sous le nom de gouttes anodines d’Hoffmann ». C’est lui qui a donné son nom à la liqueur fumante de Cadet obtenue par distillation de l’acétate de potasse avec l’acide arsénieux qui donne la cacodyle d’odeur très désagréable qui, par oxydation, donne l’acide cacodylique et les cacodylates. Cadet participa aux travaux de Lavoisier sur le diamant, aboutissant à la conclusion, décevante pour lui, que le diamant n’est autre que du charbon !

Il dénonça avec passion les fraudes sur les aliments et sur les médicaments. Il était ami de Macquer, Lalande, Fourcroy, de quantités de maréchaux, de ducs, de grands de ce monde. Il mourut des suites gangéneuses de l’opération de la pierre. A son lit de mort, il refusa l’entrée de sa chambre à son fils Charles-Louis.

Quant à Charles-Louis Cadet, il eut une vie curieuse. Il crut d’abord avoir la vocation religieuse mais s’aperçut qu’il se trompait. Il avait une voix chaleureuse, une grande aisance de parole, tout ce qu’il faut pour être avocat, surtout en cette période troublée où il avait des idées avancées, étant en contact avec Condorcet, Buffon, Bailly, Lalande, Franklin, d’Alembert, tous ayant imprégné Charles-Louis des idées révolutionnaires. De fait, il fut reçu avocat en 1787 à 18 ans. Il plaidait peu mais à bon escient si bien qu’il gagnait toujours ses procès. Il se marie l’année suivante avec une femme riche, jeune et jolie. Son père lui consent une rente de 8000 francs par an. Il défend donc la cause des pauvres gens, dans l’esprit de Voltaire. Le jeune ménage a tout ce qu’il faut pour être heureux mais Charles-Louis est volage, sa femme aussi, et un divorce a lieu. Les deux fils sont partagé entre le père et la mère. Charles-Louis s’amuse et adore le théâtre, écrit des pièces : Le Souper de Molière est joué en 1795 avec succès : il y met en scène Molière, Boileau, La Fontaine, Lulli, Mignard. Il intitule une de ses pièces Proverbe ultra-bête. On y trouve des calembours comme celui-ci : « Cela ne sera pas long. Vous savez que les notaires font beaucoup de choses…dans une minute », ou encore « Si tu n’as pas deviné, c’est que tu n’as pas l’esprit de vin », « Au détour d’une rue, j’ai rencontré un enterrement. Mon cheval a pris peur. Il a pris le mors aux dents ».

Plaisanteries faciles mais qui plaisent au public très préoccupé par les évènements. La Révolution a éclaté l’année de la naissance du fils aîné. Et Charles-Louis se jette dans la politique. Membre de la garde nationale, il combat les pillards qui dévastaient le couvent de Saint-Lazare. Il participa à la Société de bienfaisance judiciaire, ancêtre de notre assistance judiciaire gratuite. Il sauve son oncle et parrain Cadet de Chambine, libéré la veille des massacres de septembre. Il témoigne en faveur d’un ci-devant, en risquant sa propre tête. En 1794, il est président de la section du Mont-Blanc et ose se prononcer vigoureusement contre la Convention.  Il est donc condamné à mort par contumace, et exécuté en effigie place de Grève. Il s’est enfui dans le Berry où il occupe ses loisirs à améliorer le sort des ouvriers et à perfectionner les techniques de production. Il reviendra du Berry treize mois plus tard faire réviser son procès.
 

Il continue à écrire plaisamment. En 1799, son « Voyage en Normandie » se termine par un poème « Le Poète et le pharmacien, ou mes adieux aux littérateurs. Effectivement, pour conserver ses actions dans la pharmacie fondée par son père et Derosne, Charles-Louis entreprend sa pharmacie. Il prend contact avec Fourcroy et Vauquelin et au bout de deux ans est reçu pharmacien le 26 prairial an VIII (1800). Ayant une officine prospère, il se donne encore aux humbles : il est nommé secrétaire du nouveau Conseil de salubrité publique, il se fait apprécier du préfet de police Dubois, il visite les prisons, fait des rapports, obtient le contrôle trimestriel de la salubrité des logements, des travaux, des vêtements , de la nourriture des détenus. Il étudie le rapport du nombre des décès avec chaque profession, annonçant la moderne Inspection du Travail.

Mais apparaît Bonaparte, né la même année que Charles-Louis qui est attiré par cet homme aux idées enthousiastes. Deyeux l’introduit chez lui devenu l’Empereur Napoléon. L’Empereur le distingue, l’attache à sa personne, et lui donne un logement aux Tuileries et dans chacune de ses autres résidences. Il est fait Chevalier d’Empire le 15 juillet 1810. En 1815, l’Empereur découragé lui demande de lui fournir un poison et il dût s’exécuter. Lorsque l’armée se mit en marche vers Waterloo, Napoléon emportait une petite pilule dissimulée dans un bijou. Après la journée fatale du 18 juin, Napoléon absorbe le poison mais s’en repent aussitôt et Cadet réussit à le sauver !

Il était membre de la Société de Pharmacie depuis sa création (1803) et en est le Président en 1818. Il écrit de nombreux mémoires pharmaceutiques et étudie les terres arables. Il avait publié en 1803 un Dictionnaire de Chimie et l’année suivante un Formulaire Magistral qui connut sept éditions. Il s’occupa de la première exposition des produits de l’industrie et projetait la création d’un Institut itinérant pour propager les progrès de l’industrie et des arts. Il avait été fait Chevalier de la Légion d’Honneur par Louis XVIII mais se prononça fermement contre le Roi.

Il mourut le 21 novembre 1821.

Henri Bonnemain

 

Tags: No tags

Comments are closed.