Antoine BUSSY (1794-1882)
« C’est par la science que la pharmacie s’est élevée ; c’est par elle qu’elle doit se maintenir et qu’elle doit marcher encore », écrivait, en 1841, Antoine Bussy dans un éloge à son maître Robiquet. Au cours de sa longue existence – il mourut à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans – Bussy eut, en effet, deux préoccupations constantes : la recherche et l’enseignement. Il fit ainsi en chimie des découvertes importantes, telles que la première analyse exacte des alcaloïdes, en particulier de la morphine ; le moyen de liquéfier l’acide sulfureux, le chlore, l’ammoniac et plusieurs gaz considérés jusqu’àlors que fixes.
Bussy (Antoine-Alexandre-Brutus) avait vu le jour à Marseille, en 1794. De là, il était parti faire ses études secondaires à Lyon. A dix-neuf ans, il entrait à Polytechnique et, comme ses camarades de promotion, prenait part à la Défense de Paris contre les Alliés. Il s’était battu aux Buttes-Chaumont et à Vincennes, où il fut légèrement blessé par la charge d’un cosaque. Délaissant la carrière militaire, il s’était dirigé vers la pharmacie et entreprenait trois ans de stage dans une officine. En 1818, il revenait à Paris et entrait dans la pharmacie du grand chimiste Robiquet, dont il devenait le collaborateur.
Robiquet possédait en effet une fabrique de produits chimiques destinés à la pharmacie et à l’industrie. Pendant un temps, Bussy en assuma avec lui la direction. Reçu pharmacien en 1823, il fut nommé professeur-adjoint de chimie de l’Ecole de Pharmacie de Paris. Sept ans plus tard, il en devenait le titulaire, avant d’assurer pendant vingt-neuf ans la direction de cet établissement (1844-1873). Doué d’une puissance de travail hors du commun, il donnait en même temps des cours pratiques à l’Ecole de Commerce et avait entrepris ses études médicales. Une fois agrégé, il enseigna la pharmacologie aux futurs médecins.
Il faut également souligner le rôle important de Bussy dans l’administration et la réorganisation de l’Ecole de Pharmacie. A l’enseignement théorique, il ajouta des cours pratiques, ce qui ne se faisait pas encore en France. Dès 1856, il mit en place trois laboratoires dans des maisons mitoyennes acquises par l’Etat. Avec ténacité et peu de moyens financiers, il entreprit d’étendre les exercices de manipulations à toutes les branches de l’enseignement. Il s’occupa aussi des plans de la nouvelle Ecole de Pharmacie, mais il n’en vit pas la réalisation. Après une retraite bien méritée, Bussy s’éteignit le 1° février 1882
Texte de Nicole RICHET
Complément sur Antoine Alexandre Brutus Bussy
(1794-1882)
Né le 29 mai 1794 à Marseille
Mort le 1er février 1882 à Paris
Après de bonnes études au lycée de Lyon, Bussy est reçu en 1813 au concours d’entrée de l’Ecole polytechnique. A sa sortie de l’Ecole en 1815, il fait partie des élèves de cette promotion qui participent à la défense de Paris. Il y aurait été blessé légèrement d’un coup de lance de cosaque dont il aurait conservé une cicatrice à la lèvre.
Renonçant à la carrière militaire, il entreprend alors ses études de pharmacie, effectuant son stage dans une officine de Lyon, puis dans celle de Robiquet à Paris. Il devient bientôt directeur du laboratoire de ce dernier qui le charge en outre d’installer sa fabrique de produits chimiques.
Nommé préparateur de chimie de l’École de pharmacie de Paris en 1821, il est reçu pharmacien en 1823. Il va alors commencer une carrière universitaire, étant nommé professeur-adjoint de chimie, le 11 avril 1826, en remplacement de Noël Henry, démissionnaire. Il enseigne également la chimie à l’Athénée à Paris et entreprend en même temps ses études de médecine. Le 13 avril 1830, Bussy succède comme titulaire de la chaire de chimie à Bouillon-Lagrange, nommé directeur-adjoint. Reçu docteur en médecine en 1832, il est, peu après, institué agrégé pour six ans auprès de la Faculté de médecine de Paris, où, comme suppléant de Deyeux, il est chargé du cours de pharmacologie.
A partir de 1834, Bussy va exercer diverses fonctions administratives à l’École : secrétaire de 1834 à 1835, administrateur-trésorier le 6 juin 1840, en remplacement e Robiquet décédé, secrétaire-agent comptable le 28 octobre 1840. Enfin, le 3 septembre 1844, il est nommé directeur, succédant à Bouillon-Lagrange. Il le restera jusqu’à sa retraite le 12 novembre 1873, c’est à dire pendant près de trente ans. Les fonctions de directeur et de trésorier n’étant plus compatibles avec celles de professeur, Bussy restera titulaire de la chaire de chimie jusqu’à sa mise à la retraite.
L’organisation des travaux pratiques dans le cours des études pharmaceutiques a été sans conteste le principal titre de gloire de Bussy au point de vue administratif. Dès 1830, il organise et dirige un enseignement pratique, ce qui constitua le premier essai de manipulations effectuées en France dans un établissement d’enseignement. Devenu directeur, il s’efforça d’assurer un fonctionnement moins précaire de cette Ecole pratique, puis il s’attacha à instituer ces exercices dans toutes les branches de l’enseignement ; enfin, il fit adopter la création d’une épreuve pratique du troisième examen définitif.
Travaux
En chimie minérale : démonstration du mécanisme de la fabrication d’acide sulfurique par le procédé des chambres de plomb avec formation de sulfate acide de nitrosyle ; découverte de l’anhydride sulfurique ; études des états isomériques de l’anhydride arsénieux ; et surtout isolement du glucinium et du magnésium.
En physique : liquéfaction de l’anhydride sulfureux, du chlore, de l’ammoniac, du cyanogène et de l’acide sulfhydrique, étude des charbons décolorants et emploi du noir animal dans la fabrication du sucre.
En chimie organique : premières analyses exactes des alcaloïdes, spécialement de la morphine, et démonstration de la présence d’azote dans leurs molécules ; explication du mécanisme de la formation de l’essence de moutarde par action de la « myrosine » sur le myronate de potassium ; étude de l’huile de ricin, de l’acide subérique, de la paraffine, des saponines, etc.
Distinctions honorifiques
Membre de l’Académie royale de médecine en 1824, il en fut le président en 1856. Membre de la Société de pharmacie de Paris, il en fut le secrétaire annuel en 1828, puis la présida en 1836 et en 1868. Membre libre de l’Académie des Sciences en 1850.
Chevalier de la Légion d’honneur en 1836. Officier en 1856.
Un des grands amphithéâtre de la Faculté de Paris, inauguré en 1953, a reçu le nom de Bussy.
Bibliographie.
Alfred Riche : Biographie. J. Pharm. Chimie, t.5 (5° s.), 1882, p. 301.
Henri Gautier : p. 239-244 in Centenaire de l’École supérieure de Pharmacie de Paris, 1903, 406 p.
Marius Picon : p. 65-70 in Figures pharmaceutiques françaises. Paris, 277 p.
Source : G. Dillemann. Historique des Facultés de pharmacie… Produits et problèmes pharmaceutiques, 1970+