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Boule de mars, Boule de Nancy, Boule d'Acier

 

Produit solide obtenu par trois évaporations successives de mélanges de limaille de fer et de tartre, macérés dans des décoctions des espèces vulnéraires. La pâte est mise en forme de boules de 30 grammes (Pharmacopée française de 1866). Pour s’en servir, la boule est trempée dans l’eau qui en dissous une partie ; c’est cette « eau de boule » qui est employée. Ses indications, sous forme de boisson, correspondent aux besoins de fer de l’organisme. En usage externe, l’eau de boule sert d’hémostatique et de vulnéraire. La formule remonte au XVIIe siècle. Le tartre (hydrogénotartrate de potassium tiré des lies de vin) a permis, vers 1660, d’obtenir un complexe d’antimoine soluble, l’émétique. Il réagit avec le fer en formant des composés difficilement cristallisables : la pharmacopée décrit le ferritartrate de potassium jusqu’à sa 6° édition en 1937. Le complexe est pourtant altérable à chaud en solution. d’où l’idée de préparer un mélange solide apte à se conserver : la forme de boule permet d’en dissoudre une partie. La solution est employée aussitôt pendant que le reste de la boule est gardé ; un ruban inclus dans la boule permet de la suspendre pour la sécher à l’air.

La préparation la plus ancienne est parue dans le Médium des pauvres de Paul Dubé vers 1675 : elle s’appelle la « pierre d’acié » et se prépare avec de la limaille d’acier, du tartre et de l’eau-de-vie. Le nom de boule médicamenteuse est introduit par Jean-Adrien Helvétius pour un médicament de ses boites de remèdes dès 1706. Les mentions de multiplient et figurent dans les pharmacopées, à Strasbourg en 1725, à Paris en 1732, etc. La formule ne varie guère et se trouve dans la Pharmacopée française de 1818.

L’incorporation des plantes vulnéraires est une spécialité de Nancy, apparue au début du XVIIIe siècle. Les boules d’acier vulnéraires, boules de Nancy, sont fabriquées par les apothicaires et des particuliers concurrents. La formule et le mode de préparation sont gardés secrets jalousement. C’est seulement en 1828 que Guibourt les publie « d’après le procédé de Nancy » : la Pharmacopée française les adopte en 1837, sous le nom de boules de mars ou boules de Nancy, en modifiant un peu les quantités en 1866. Les boules d’acier étaient vendues à l’unité, presque toujours accompagnées d’un prospectus décrivant le mode d’emploi et les indications. Les boules portaient une marque ou un signe propre au fabricant.

Au milieu du XVIIIe siècle, la Chartreuse de Molsheim fabriquait des « boules minérales » avec une formule d’origine inconnue. Après la fermeture du couvent à la Révolution, un moine continue la production et, avant de mourir, il transmet la formule à la Grande Chartreuse. La fabrication y commence en 1826 et se poursuivra jusqu’en 1920. La boule minérale contient de la limaille de fer, du tartre, de l’ambre, de l’oliban, du mastic, de la myrrhe, du benjoin et de l’opobalsamum, le tout mélangé avec de l’alcool qu’on évapire à chaud. Elle est emballée dans son prospectus et logée dans un étui en bois blanc ovoïde.

Pour concurrencer la production de la Chartreuse, des « boules de Molsheim » ont été fabriquées en Lorraine, même après la fermeture du couvent. Ce sont des boules d’acier dans lesquelles on incorpore une partie des résines employées par la Chartreuse. Ces boules sont marquées avec un K gothique et portent un ruban rouge.

La fabrication des boules de Nancy a cessé dans les officines avant 1914, mais la Cooper en a produit jusqu’en 1949.

Auteur : Jean-Armand Martin. Dictionnaire d’Histoire de la Pharmacie, des origines à la fin du XIX° siècle, Olivier Lafont (sous la direction de), 2° édition, Pharmathèmes, 2007.

Voir aussi l’article paru dans notre Revue (J. Martin, 1995)

et celui de M. Bouvet (1943) : La boule d’acier vulnéraire de Guoery. 

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