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« Allo Docteur. Prix humoristique 1955. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les journaux humoristiques au XXe siècle  ne manquent pas. A côté du Crapouillot, l’Assiette au beurre ou encore « Le rire », il existait dans les années 1950 « La Casserole ». En 1955, un numéro spécial intitulé « Allo Docteur, petit imprécis de Médecine Illégale » a été publié avec le sous-titre « Prix humoristique 1955 ». Notre exposition d’aujourd’hui va en montrer quelques extraits avec les caricatures venant de cette revue ou d’autres de la même époque parues dans le journal « Divertissements » et « Ridendo », deux revues destinées aux corps médical et financées par l’industrie pharmaceutique de l’époque. La Casserole, dans ce numéro 67, après un préambule sur le médecin, s’intéresse, de façon humoristique, à 4 chapitres : 1) Nos organes et leur fonctionnement ; 2) les amis et les ennemis de notre santé ; 3) principales maladies et leurs remèdes ; 4) les grands fléaux sociaux. Sans être exhaustif, certains passages méritent d’être mieux connus !

Parmi les organes du premiers chapitre, les dents qui « se rencontrent – comme on dit – dans la bouche des animaux qui en sont pourvus. Rarement ailleurs. Les seules exceptions connues à cette règle sont celles du peigne et de la scie. Encore explique-t-on ce phénomène par le fait que ces deux instruments n’appartiennent pas au règne animal, et n’ont pas de bouche. Quand aux bouches qui n’ont pas de dents, outre celles de quelques contemporains défavorisés, on en compte un grand nombre : bouches d’égout, de métro, bouches à feu, et autres bouches inutiles qui, pourtant, mangent à tous les râteliers. » Chez l’homme, on distingue quatre sortes de dents :

  • «  les dents de lait, qui tombent très tôt. Naturellement avec un tel régime.
  • Les dents de devant, qui servent à tenir la pipe,
  • Les dents du fond qui servent à caler la chique,
  • Les dents de sagesse qui servent à claquer du bec.

 Comme toutes les têtes couronnées, les dents sont logés dans un palais. C’est normal, mais elles s’y comportent parfois avec un certain laisser-aller, comme, par exemple, lorsqu’elles se déchaussent. »… En cas de problème, on peut faire appel au dentiste. « Mais il faut s’en méfier, car il ment comme un arracheur de dent. Et malgré qu’il ait parfois la dent un peu dure, il est très joueur. Il affectionne particulièrement la roulette et le bridge…. »

Passons sur les yeux « qui s’accommodent parfois au beurre noir » et « ne sont jamais à la coque, ce qui ne les empêche pas comme les œufs, d’avoir un blanc. »

Le deuxième chapitre s’intéresse aux amis et aux ennemis de notre santé dont les suppositoires. « Trop de gens traitent le suppositoire par-dessus la jambe, avec une fâcheuse tendance à considérer ce moderne descendant du clystère comme un simple bouche-trou. Il convient, au contraire, de le prendre très au sérieux. Non pas de faire la fine bouche, car ce bonbon un peu particulier ne se prend pas « per os »…. Plus fort que la bombe atomique ou la fusée stratosphérique, le suppositoire pénètre dans la lune… Quelle que soit la maladie, on le recommande a) aux fines bouches. Le suppositoire, pris conformément à nos indications, n’a aucun goût ; b) à ceux qui n’aiment pas regarder les choses en face et préfèrent les coups par derrière (ou par en-dessous).

Le chapitre 3, « principales maladies et leurs remèdes » est sans doute le plus important. On y traite d’abord des brûlures « qui peuvent être provoquées par la combustion de matériaux variés. Il y a des gens qui brûlent les planches, ou le pavé, d’autres qui brûlent la politesse, ou les étapes…. Ce que l’on ignore généralement, c’est que la gravité d’une brûlure est une question de tempérament plutôt que de température. C’est ce qui explique que l’on puisse mourir à petit feu. Il convient de distinguer trois degrés :

  • Premier degré : le brûlure du premier degré peut être due à deux causes : 1) on brûle d’envie ; 2) on commet un écart de régime. Dans ce cas peuvent survenir des complications. La chaleur communicative des banquets provoque des brûlures d’estomac. Elles sont dues au surplus de calories absorbées ;
  • Second degré : Plus grave est la brûlure du second degré. On la reconnait à des cloques, inflammations et enflures, accompagnées de fièvre. La victime brûle d’amour. Dans le feu de la passion, elle fait à brûle-pourpoint des déclarations enflammées. Elle est tout feu tout flamme…
  • Troisième degré. La brûlure au troisième degré est souvent mortelle. Au troisième degré on peut vraiment dire que ça chauffe. Ca chauffe même tellement qu’il en cuit à celui qui est atteint. Les durs-à-cuire eux-mêmes n’y échappent pas. La brûlure du troisième degré déclenche une véritable crise convulsive. Le torchon brûle. Au point que ça sent le roussi. Quand le patient commence à chauffer les oreilles à son entourage, il se fait incendier, ce qui n’arrange pas les choses. Il se rend parfaitement compte qu’il est flambé. Alors, il explose, il brule ses vaisseaux. De deux choses l’une, ou bien il se brule la cervelle, ou bien il se jette à l’eau. Dans les deux cas, il est refroidi. Et résultat curieux, quand il est éteint, on dit qu’il est feu. »

Parmi les autres maladies, il faut signaler les maladies cutanées. Le peau présente un « couche superficielle, dite fleur de peau, ou encore épiderme, la partie la plus sensible de la membrane. Elle est très chatouilleuse chez les personnes irritables. Son épaisseur est variable selon les individus. On dit de ceux qui l’ont très profonde, qu’ils en tiennent une couche…. ». Parmi les maladies externes, à signer la « peau de banane » : « Quoique très répandue chez les hommes politiques, cette dermatose se contracte dans tous les milieux. Elle est caractérisée par une irritation inflammatoire de caractère eczémateux ou érysipélateux. Le malade est dangereux car il répand sur son passage des streptocoques visqueux destinés à faire glisser les confrères. »

 

Une autre maladie signalée par les auteurs : le mariage qui est « une maladie bizarre, très répandue, et bien souvent héréditaire. Les causes en sont mal connues, bien souvent inexplicables. L’affection frappe les sujets d’âge nubile, des deux sexes, par paires, nécessairement de sexe opposé. Pour contracter la maladie du Mariage, il faut, en effet, être deux. Les individus isolés en sont ipso-facto préservés… On reconnaît l’approche de la maladie à un symptôme classique, le « coup de foudre » qui déclenche une forte poussée de fièvre inflammatoire…. ». Après le mariage, le texte se poursuit avec des complications  :  « La crise passée, le mal prolonge ses effets. Les principales séquelles dont il s’accompagne ordinairement sont les suivantes : 1°) la mère de Madame, Belle-Maman. C’est un parasite insolite dont la présence cause un foyer d’infection ; 2°) Madame, elle-même, remise la première de son égarement, et qui révèle son véritable tempérament, ce qui a pour effet de faire cesser d’abcès conjugal. L’humeur jaillit, et déclenche des scènes de ménages. Cette phase de la maladie est appelée « Lune Rousse » ; 3°) le coup de canif ou adultère. L’époux, ou  « marri » est atteint d’une éruption de cornes frontales. Il est alors élevé à la dignité de Cocu, ce qui lui procure des chances diverses…. Ici, comme ailleurs, mieux vaut prévenir que guérir. Je ne saurais trop conseiller à mes heureux lecteurs célibataires de conserver longtemps ces trois qualités. »

D’autres maladies sont traitées comme la fidélité, le vers solitaire, la constipation, les hémorroïdes ou encore la soif. Cette dernière « se manifeste par une intense sensation d’irritation de la gorge et de ses environs ». Elle est due « à un microbe « Micrococcus Biturae » qui se loge dans l’œsophage, derrière la cravate… La Soif Chronique Vulgaire, et endémique, se développe avec la température ambiante jusqu’à devenir épidémique par les temps de grande chaleur…. Le plus courant des remèdes mis en action, à vrai dire le seul connu, transmis jusqu’à nos jours de génération en génération, consiste à ingurgiter au patient des liquides variés par voie buccale. C’est le traitement interne que préconisent encore mes plus éminents confrères. Ils partent du principe que la Soif s’éteint. Mais le traitement a fait ses preuves. Elles sont décevantes. Du biberon au pastis, toutes les médications utilisées n’apportent qu’un soulagement momentané, suivi d’un redoublement des souffrances. Sans compter que les soins nécessaires nécessitent énormément de loisirs. Car boire est une affaire très absorbante… Une des caractéristiques de la Soif est la suivante : plus vous lui appliquez le remède, plus elle s’intensifie. » Cette thématique est reprise dans le chapitre sur les fléaux sociaux et l’alcoolisme où sont étudiées les manifestations aiguës de l’Alcoolisme : 1) Premier degré : le quart de biture, ou griserie… ; 2) Second degré la demi-biture ou pompon. Le sujet est « paf » ou « rond » ;3) Troisième degré : la bonne biture oui mufflée. Le sujet est dit « bourré » ou « plein ». Manifestations : idée fixe, élocution inintelligible, démarche chancelante avec appui, regard vague, incapacité de se déshabiller seul. »

Dans les autres fléaux sociaux, on trouve l’administration « variété de lèpre qui attaque le corps social et vit à son détriment. C’est un mal chronique dont les ravages vont grandissant sans cesse. L’organisme atteint (administré) périclite rapidement, immobilisé par la Paralysie Paperassière, et de plus, contribuable et mobilisable à merci. La lèpre administrative est provoquée par un staphylocoque qui s’agglomère en fermant des abcès appelés « Bureaux ». D’où le nom de Bureaucratie appliquée à la poussée administrative. De ces abcès s’écoulent des humeurs formées de corpuscules infiniment petits : les fonctionnaires… A l’intérieur de l’abcès, les corpuscules circulent par le Canal Hiérarchique, vaisseau capillaire particulièrement étriqué… Le microbe perd toute sa virulence au terme de sa carrière (retraite) seule raison d’être de celle-ci. Il devient inoffensif et morose. »

Le Fisc est également un des fléaux sociaux, « champignon antibiotique, c’est à dire qui tue la vie…Inutile de dire qu’il est vénéneux. C’est même le pire des poisons… On distingue au laboratoire deux espèces très voisines de Girolles Fiscales : a) Fiscus Perioratus ou Panier percé , vulgairement, le Trésor ou les Finances publiques ; b) Fiscus Felidus Cancerigene, ou Panier de Crabes : le Parlement qui vote les impôts, le Budget et qui en vit. Comme la plupart des champignons, le Fisc se nourrit au détriment des organismes sur lesquels il prolifère. Particulièrement boulimique, le Fisc est avides d’espèces. Il en consomme tellement qu’il provoque des hémorragies de gallette. Le Fisc émet des microbes crochus et suceurs qui se répandent dans l’organisme et l’anémient, en pompant sa matière vitale (le Fric). Puis, il le paralyse complètement en attaquant le Nerf de la Guerre. Les plus redoutables de ces microbes sont : le Percepteur et le Contrôleur des Contributions …. Le Fisc est un grave fléau social. Le malade est soumis à la déclaration obligatoire. Cette déclaration, dite « des revenus » doit faire mention des moyens d’existence du malheureux. Ceci à seule fin qu’ils lui soient coupés. Le réfractaire se voit poursuivi d’avertissements variés et polychromes, allant en s’aggravant depuis le premier avertissement « sans frais », feuille verte, jusqu’à la feuille rouge du dernier avertissement. A ce stade, l’issue est fatale. Le Contribuable, en chemise, pieds nus, et la corde au cou, est littéralement plumé, dépouillé. C’est la « Saisie ». le Contribuable est si bien saisi, qu’il n’en revient pas. Ce qui rend inopérant tout impôt sur le « Revenu » ou sur le revenant.

 

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