Histoire des Laboratoires ROUSSEL |
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L’histoire du Groupe ROUSSEL-UCLAF est indissociablement liée à celle de son fondateur : Gaston Roussel. Avec Gaston ROUSSEL, la médecine vétérinaire, celle de sa formation initiale, va progressivement déboucher sur des thérapies à usage humain visant, de prime abord, les traitements de l’anémie, pour évoluer vers l’hormonothérapie, la vitaminothérapie, l’antibiothérapie, et constituer, dans les années soixante-dix, une des recherches mondiales dans le domaine de la chimie thérapeutique. Le 1er décembre 1877, à Auxonne, naît Gaston Roussel d’un père vétérinaire. Après ses humanités, il entre tout naturellement à l’Ecole vétérinaire de Lyon dont il sort diplômé en 1903. Contre l’avis paternel qui voyait en lui son remplaçant à Auxonne, il part à Paris où, tout en dispensant des soins aux animaux pour gagner sa vie, il prépare sa médecine. En 1909, il soutient sa thèse de doctorat sur la syphilis du lapin. C’est à partir de ses études sur le sérum de lapin que le jeune Gaston Roussel, se basant sur les travaux du professeur Paul Carnot, médecin de l’Hôpital Tenon à Paris, démontre que le sérum d’un lapin, rendu anémique lors de la saignée, contient à la période de la régénération du sang, des propriétés hémopoïétiques et hémostatiques. Il en déduit alors que l’organisme des lapins saignés produit dans leur sérum ces substances responsables de la formation des éléments figurés du sang, susceptibles d’être utilisés en thérapeutique humaine.
Mais la difficulté pour appliquer la découverte à la thérapeutique tenait essentiellement au volume de sang à traiter. Or Gaston Roussel soignait, entre autres, les chevaux qui convoyaient les omnibus reliant Pantin à la Gare du Nord, et dont Romainville était la cité dortoir. Pratiquée sur eux, l’expérience engendrait les mêmes effets : le sérum de seconde saignée, donnée à un sujet anémié ou fatigué, favorisait le retour à une formule sanguine normale avec l’avantage de fournir des quantités bien plus importantes que celles issues des lapins.
Fort de sa découverte, Gaston Roussel créé, en 1911, un petit laboratoire pour l’exploitation du sérum de cheval provenant de la seconde saignée, donc régénéré. L’Hémostyl est né. Sous forme d’ampoules buvables et de comprimés, il est présenté au corps médical en 1911 et inscrit, trois ans plus tard, au premier Vidal. Très rapidement, il devient le médicament classique contre les anémies, la tuberculose et les hémorragies. A Paris, au 15 rue Gaillon, dans le quartier de l’Opéra, siège des services administratifs de la jeune société, le docteur Roussel consolide son succès. Les premières exportations sont réalisées. A la veille de la Première Guerre Mondiale, les écuries de Romainville, où fonctionne la fabrication sous contrôle pharmaceutique, comptent déjà près d’une centaine de chevaux. En août 1914, les activités sont cependant considérablement ralenties du fait de la mobilisation et des réquisitions des chevaux. Gaston Roussel est envoyé sur le front comme médecin auxiliaire. Fin 1917, affecté à Rueil-Malmaison pour soigner les coloniaux atteints de paludisme, il reprend ses activités et décide les investissements nécessaires pour soutenir l’extraordinaire notoriété de l’Hémostyl. A la fin de la guerre, près de mille cinq cents chevaux sont nécessaires à la production. Pour coordonner ses actions, Gaston Roussel créé, le 3 août 1920, en association avec les vétérinaires Albert Caldairou et Alfred Lindeboom, « L’Institut de Sérothérapie Hémopoïétique » – L’I.S.H. -, Société Anonyme au capital de 500 000 francs, donnant ainsi naissance à la première société du Groupe ROUSSEL.
Deux ans plus tard, en 1922, il fonde les Laboratoires de Proxytases (enzymes tissulaires), qui préparent, sous cette dénomination, des extraits de différents organes équins, et qui produiront plus tard pour l’entreprise de l’insuline et de la vitamine B12. Chez ROUSSEL, André Girard réalise, en 1927, la mise au point de la première solution liposoluble de bismuth, lancée sous le nom de Bivatol, dans le traitement de la syphilis, et, un an après, le lancement du Stérogyl, médicament à base de vitamine D et dont le principe actif est l’ergocalciférol, qui sera utilisé dans la prévention du rachitisme. L’effort de développement se poursuit. En 1927, sont achetés les Laboratoires GOBEY (contraction du nom du pharmacien Gabriel Beytout, ami de Gaston Roussel) qui exploitent essentiellement des sirops et laxatifs et un antiseptique urinaire, l’Uroformine, et un anti-infectieux, la Pyroformine. Des filiales sont créées en Belgique, en Espagne et en Italie. A cette date, la notoriété de Gaston Roussel est désormais établie.
En 1928, est décidée la création des Laboratoires Français de Chimiothérapie, installés au 21, rue d’Aumale à Paris, et de la Société « Usines Chimiques des Laboratoires Français » – U.C.L.A.F. -, dont la première usine est édifiée à Romainville, sur un terrain voisin de celui où se prépare l’Hémostyl, en vue de promouvoir des médicaments d’origine chimique de l’entreprise. Cette première usine UCLAF, que l’on nommera plus tard UCLAF I, couvre une superficie de sept hectares et va occuper très rapidement près de deux mille techniciens et ouvriers. Délibérément inscrite dans un cadre juridique non pharmaceutique pour échapper à la tutelle limitante du ministère de la Santé de l’époque, elle comprend alors un ensemble d’ateliers, de laboratoires, d’entrepôts et de bâtiments annexes dédiés aux services administratifs et commerciaux. Lors d’un congrès international de 1932, réuni à Londres sous l’égide de la Société des Nations, André Girard présente à la communauté scientifique étonnée un flacon de 25 grammes d’estrone pure avec toutes les précisions nécessaires sur ses caractéristiques physiques. Ceci attira l’attention du monde entier sur Gaston Roussel et André Girard, et fit de ROUSSEL le premier producteur mondial par extraction des stéroïdes hormonaux : commercialisation de la testostérone sous le nom de Stérandryl et de la progestérone sous le nom de Lutogyl. En 1936 est lancée Rubiazol – sulfachrysoïdine -, premier sulfamide français obtenu industriellement, qui devient l’un des médicaments les plus vendus dans le domaine de la thérapeutique anti-infectieuse par voie interne. Deux ans plus tard, la production industrielle du calciférol par irradiation de l’ergostérol est maîtrisée. Les menaces de guerre se faisant de plus en plus pressantes, Gaston Roussel se porte acquéreur d’une usine à Vertolaye, dans le Puy-de-Dôme, nommée UCLAF II, pour bénéficier d’une zone de rempli et éviter au maximum le recours à des façonniers. La défaite survenue, Gaston Roussel se trouve confronté, comme tous les industriels de la pharmacie française, à la raréfaction des matières premières et l’étranglement des marchés. Sur fond de pénurie et d’endettement, il n’en poursuit pas moins une intense activité de recherche à la fois dans le domaine pour lui de l’hormonothérapie, mais il s’intéresse à la pénicilline et à l’antibiothérapie. Henry Pénau, venu des Laboratoires BYLA, est chargé de donner à ROUSSEL une impulsion décisive dans la maîtrise des fabrications antibiotiques, et le jeune et brillant Léon Velluz, pharmacien et chimiste, prend sous sa coupe la direction des recherches. La paix revenue, est implantée, aux abords d’UCLAF I, la Société Française de la Pénicilline, – SOFRAPEN – baptisée plus tard UCLAF IV. Mais le 6 janvier 1947, Gaston Roussel meurt, laissant à son fils Jean-Claude, jeune pharmacien âgé seulement de 24 ans, la redoutable tâche de lui succéder et de poursuivre l’effort de développement et de commercialisation avec l’obligation de récupérer, chez de nombreux actionnaires, les actifs financiers des sociétés qui composent le Groupe. Lorsqu’il prend la succession de son père, Jean-Claude Roussel, né le 26 novembre 1922, est bien l’héritier légitime du Groupe ROUSSEL. Il doit néanmoins s’imposer, reprendre en mains les nombreuses participations détenues par des actionnaires et mener à bien d’importants efforts de restructuration. Ce travail lui demandera près de treize ans, car ce n’est qu’en 1961 qu’il s’assurera du contrôle absolu de toutes les sociétés du Groupe créées par son père. Fort de son expérience du noyau stéroïde, ROUSSEL se lance, en 1952, dans la production de la cortisone par hémi- synthèse en choisissant comme matière première la bile de bœuf, dont les acides biliaires – acides cholique et désoxycholique – se prêtent mieux que le cholestérol à la coupure de la chaîne pour fournir l’intermédiaire clé de la synthèse de la cortisone. En vingt-cinq ans, les chimistes de Romainville vont ainsi abaisser la quantité de matière première nécessaire pour produire 1000 grammes de cortisone de 200 kg à 3 kg, et multiplier par mille les productions du produit fini, assurant ainsi à ROUSSEL entre la moitié et les trois-quarts de la production mondiale des corticoïdes.
De la fin des années quarante au début des années soixante-dix, les Laboratoires ROUSSEL vont produire des anabolisants, des oestrogènes de synthèse, des anti-hormonaux de nature stéroïdienne et non stéroïdienne, des glucocorticoïdes de synthèse et mettre sur le marché, sur base de ces productions et de ces intermédiaires de synthèse, de très nombreuses spécialités : les androgènes Glosso-Stérandryl en 1949, Lontanyl en 1964 et Stérandryl en 1957, les corticoïdes Hydrocortisone en 1954 et Cortancyl en 1955 – ce dernier sera un succès considérable -, les antibiotiques Soframycétine en 1953 et Erythromycine en 1954, les antalgiques Coltramyl en 1959, Glifanan en 1965 et Adalgur en 1969, les anti-arythmiques Rythmodan en 1969 et Baronorme en 1970.
En 1957, Roussel achète les Laboratoires CASSENNE. En 1962, c’est l’acquisition de PROCIDA, qui signe l’entrée de ROUSSEL-UCLAF dans le domaine des produits destinés au monde agricole. En 1963, est créée la société de distribution des produits du Groupe, DISTRIPHAR. En 1970, l’absorption de la société SIFA-DIAMANT, avec apport des Laboratoires DIAMANT, créés en 1948 par la Société Industrielle pour la Fabrication des Antibiotiques (S.I.F.A.), et l’usine moderne de Compiègne, et des Laboratoires HOUDÉ, fondés en 1885 par Alfred Houdé, achetés par SIFA un an auparavant. A cette date, le chiffre d’affaires du Groupe s’élève, toutes divisions confondues, à plus d’1,5 milliard de Francs, dont 1,2 milliard pour les seules spécialités pharmaceutiques.1968 est à bien des égards une date importante. Pour ROUSSEL-UCLAF, c’est le début d’accords officiels de coopération avec la Société FARBWERKE HOECHST, premier groupe pharmaceutique allemand, dans les domaines de la recherche, de la fabrication et de la diversification. Dans la foulée des accords, un protocole secret est établi avec HOECHST qui précise, qu’en cas de disparition prématurée de son Président, l’entreprise allemande obtiendra 51% du capital de ROUSSEL-UCLAF. Trois ans plus tard, le dimanche 9 avril 1972, comme pour donner suite à cette prémonition, Jean-Claude Roussel se tue en hélicoptère. L’immense perte que représente la disparition de son patron charismatique pour les salariés de ROUSSEL-UCLAF se double d’une stupeur générale lorsque toutes les clauses des accords avec HOECHST sont connues. Au-delà de la disparition tragique de celui qui fut probablement un des plus grands patrons français des années soixante, la mort de Jean-Claude Roussel provoque une prise de conscience, dans les sphères économiques et politiques, de la fragilité des positions pharmaceutiques françaises, qui débouchera sur les grandes concentrations des années qui suivirent. Pour ROUSSEL-UCLAF, la continuité est pour le moment essentiellement assurée par la qualité de son équipe de direction, prise en mains par Jacques Brunet, et par les spécialités issues de ses recherches. En 1973, Staporos, hormones du métabolisme calcique dans le traitement de l’ostéoporose, est mis sur le marché. En 1974 et 1976, c’est le cas du Lutionex – démégestone -, progestomimétique de grande activité, et d’Idarac – floctafénine -, analgésique périphérique.
Dans le domaine cardio-vasculaire, Cyclotériam, Angioxine et Bêtapressine seront commercialisées de 1976 à 1984 et élargissent les cibles de la gamme. En 1973, Altim – cortivazol – complète celle des corticoïdes et en 1974, Surestryl – moxestrol -, celle des oestrogènes. En 1976, a lieu le lancement de l’anti-inflammatoire Surgam. Au début des années quatre-vingt deux grands antibiotiques sont mis sur le marché : Claforan – céfotaxime -, première céphalosporine de 3ème génération, pour usage hospitalier, et l’érythromycine Propiocine 250.
En 1981, ROUSSEL-UCLAF découvre le RU 486, dont les propriétés anti-progestérones vont être étudiées et portées à l’attention du grand public par le professeur Etienne-Emile Baulieu. Commercialisé comme pilule abortive, en 1989, sous le nom de Mifégyne, le RU 486 sera toutefois pour le Groupe une constante source de souci du fait de sa production chaotique et de la très grande médiatisation qui l’entoure. En 1990, l’Etat français cède à RHÔNE-POULENC, nationalisé en 1981, l’essentiel de sa participation dans le capital de ROUSSEL-UCLAF. Au début des années quatre-vingt-dix, sortent respectivement Céfrom, céphalosporine de 4ème génération, Orelox, céphalosporine orale, Timécef, céphalosporine parentérale, et Odrik, inhibiteur de l’enzyme de conversion. Entre-temps, HOECHST, qui a repris en 1987 le chimiste américain CELANESE CORPORATION, a considérablement renforcé sa position sur le marché des Etats-Unis en rachetant, début 1995, l’entreprise pharmaceutique MARION MERELL DOW. Ce rachat entraîne la plus vaste réorganisation du portefeuille de participations que le groupe allemand ait jamais connue. Jürgen Dormann, alors Vice-président du Directoire de HOECHST AG, depuis avril 1994, décide des recentrages et des tournants stratégiques : réorientation sur les sciences de la vie, focalisation sur les secteurs clés de la pharmacie, de l’agrochimie et de la chimie industrielle, cession des domaines d’activité où HOECHST n’est pas dans les leaders mondiaux. Fin 1995, les activités de MARION MERELL DOW sont combinées avec celles de ROUSSEL-UCLAF pour former la division pharmaceutique du nouveau Groupe : HOECHST MARION ROUSSEL. La fusion avec RHÔNE-POULENC, qui sera décidée trois ans plus tard, fin décembre 1998, ne sera que le couronnement de ce long effort vers la maîtrise des sciences de la vie que les figures tutélaires de Gaston et de Jean-Claude Roussel ont passionnément poursuivie. |
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Source : Archives historiques SANOFI-AVENTIS, 2005 |